15 octobre 2022

ancien pilori sur la piazza delle erbe à Vérone - Image par Andreas Lischka de https://pixabay.com/fr/photos/v%c3%a9rone-italie-punition-p%c3%a9nalit%c3%a9-1487546/
Question

Je ne comprends pas pourquoi une religion d’amour est basée historiquement sur un « bain de sang ».

Par : pasteur Marc Pernot

ancien pilori sur la piazza delle erbe à Vérone - Image par Andreas Lischka de https://pixabay.com/fr/photos/v%c3%a9rone-italie-punition-p%c3%a9nalit%c3%a9-1487546/

ancien pilori sur la piazza delle erbe à Vérone (Italie)

Question posée :

Bonsoir,

Notre professeur nous a raconté l’autre jour que le Christianisme des origines avait été confronté à des adeptes d’autres religions à mystères et que les Chrétiens les avaient massacrés car ils ne croyaient pas en Dieu et en Jésus.

En lisant les Evangiles je me rends compte que Dieu n’est pas un exterminateur, mais il y a un paradoxe puisque si ce que mon prof nous a raconté est vrai le Christianisme s’est répandu dans le monde entier avec de la violence. Même si ces hommes n’avaient pas compris correctement le message de Jésus, la religion et la confiance dans le Dieu Amour s’est propagée en parallèle avec beaucoup de violence et de morts. En fait, je ne comprends pas pourquoi une religion d’amour est basée sur un « bain de sang ».

À votre avis, qu’est ce que l’imagination ? Après tout, certains ressentent en eux que Dieu est tout puissant, et qu’il peut tout faire, d’autres que Dieu n’existe pas, d’autre que Dieu est amour mais qu’il ne peut pas tout faire! En y réfléchissant autant d’avis contradictoires sont très intéressants, mais c’est assez bizarre de parler d’une même entité de manières si différentes. Vu de l’extérieur et si nous laissons de coté l’évolution de l’univers on dirait que Dieu est plus une construction de notre imagination et que nous voyons dans le monde ce que nous voulons. Et en ce moment je ne sais pas quoi choisir car tout me paraît tellement subjectif! C’est triste de se dire: tiens je vais prendre la religion même si cette religion d’amour est une utopie car croire en quelque chose est mieux que de ne croire en rien.Vous en pensez quoi?

Merci beaucoup pour votre aide.

Réponse d’un pasteur :

Bonjour

Hélas, oui, l’homme, dans tous les siècles et toutes les cultures n’est pas toujours très sympathique. Mais il n’est pas non plus toujours nul, il est souvent, aussi, sublime. Les pires massacres, par exemple au XXe siècle, ne peuvent heureusement pas être attribués à une religion mais plutôt à d’autres idéologies, athées, elles (stalinisme, hitlérisme, colonialisme…). Mais les religions ont aussi, évidemment, été mêlées à des horreurs. Car les tyrans ont, peut-être plus que toute autre personne, soif de reconnaissance, ce qui les conduit parfois à maquiller leur propre violence en noble et belle cause. Or quoi de plus noble et grand que de combattre pour Dieu ?

L’histoire du christianisme a des pages bien sombres. C’est particulièrement un scandale quand on se dit baser sa philosophie de vie sur Jésus-Christ dont tout le message est centré sur l’amour de Dieu pour le monde (dont nous), et l’amour des autres (fussent-ils nos ennemis). C’est toujours un scandale de forcer les gens à être chrétien, musulman, ou athée… en les menaçant d’être ennuyés, persécutés, tués. C’est vrai que tel a été parfois le cas dans l’histoire pour le christianisme. Pas toujours. Il est exagéré de dire que le christianisme s’est rependu dans le monde par la violence. Il y a eu de terribles dérapages, mais l’Evangile s’est bien développé à cause de l’extraordinaire ferment de vie et d’amour qu’il contient. C’est l’histoire des 4 premiers siècles, d’abord. Avant que le christianisme devienne la religion des empereurs et c’est alors le mélange de foi et de politique qui va devenir comme souvent toxique. Cette tendance est pourtant totalement étrangère au Christ (qui a refusé d’être hostile à l’occupant romain).

Nous pouvons affirmer que chaque fois que le christianisme a persécuté c’était toujours une trahison par rapport au message du Christ. C’est en fait notre grande chance. Comme vous le dites très bien, le message central du Christ nous renvoie toujours à l’amour, une tout autre façon de vivre que cette façon violente de vivre et de chercher à imposer ses propres idées et sa foi par la violence. Même le Décalogue de Moïse spécifie « Tu ne tueras pas., il n’y a pas marqué de ne pas tuer l’innocent, ou de ne pas tuer les croyants ou de ne pas tuer sauf… ! Il y a marqué « tu ne tueras pas. Point. À la ligne. »

C’est pourquoi, il y a eu à toutes les époques des chrétiens qui se sont élevés pour la paix et la douceur au nom de l’Evangile. Par exemple Saint François d’Assise au temps des croisades. Il y a eu des horreurs, certes, mais aussi d’innombrables choses sublimes suscitées par la foi. Donc si l’on dénonce les horreurs (à juste titre), il faut relever aussi les choses sublimes et l’idéal offert au monde par le Christ. Sinon c’est de la malhonnêteté intellectuelle, c’est de la malveillance. Et cela fait du dégât.

Donc oui la foi en Christ est fondée sur l’amour, et elle n’est pas basée sur un bain de sang. Le miracle c’est qua malgré des usurpateurs qui ont exercé leur violence sous couvert de religion, l’Evangile ait pu rester ce qu’il est en réalité : l’annonce que l’amour transcende la violence et la haine, l’amour de Dieu qui dit la radicale dignité de chaque personne. Chaque fois, l’usurpation a été dévoilée, dénoncée, détrônée par des croyants qui revenaient à l’Evangile (on dirait aujourd’hui des lanceurs d’alerte).

La variété des religions est normale, chacun sa sensibilité. Et il n’est pas facile de connaître quelque chose sur Dieu et d’en parler avec des mots de tous les jours. C’est comme si nous devions expliquer à des aveugles ce que c’est que la couleur rouge, ou expliquer le goût des fraises à quelqu’un qui n’en a jamais goûté. Ce n’est pas facile et il y aurait probablement pas mal de différences entre deux témoignages. C’est encore plus complexe de parler d’une personne que l’on connaît parce que tout dépend de la relation que l’on a eu avec elle, et les enfants d’une personne n’auront pas le même témoignage que sa mère ou qu’un collègue de travail. En ce qui concerne Dieu c’est encore plus que complexe car il est d’une autre dimension que nous. C’est toujours de l’ordre du témoignage, pas du savoir sur Dieu. Par conséquent, si l’on parle de Dieu il faut le faire avec un peu d’humilité, voire d’humour. Car si on prétend détenir un savoir absolu sur Dieu on s’est en réalité forgé une idole, un concept, comme vous dites, qui n’est pas Dieu.

Et pourtant, il est bon de choisir une religion. Il est bon « d’examiner toute chose et de retenir ce qui est bon » (comme le dit Paul en 1 Thessaloniciens 5:21). Personnellement, je trouve que l’Evangile est topissime. Christ invite à la relation personnelle à Dieu, en confiance, sans chantage. Il relativise la religion comme un outil au service de la foi. Il nous invite explicitement et concrètement à réfléchir personnellement, à user de notre intelligence sans nous laisser opprimer par ceux qui cherchent à imposer leurs dogmes et leur morale, il fait attention et soigne chaque individu pour le relever, le mettre en route et le libère sans l’emprisonner dans son cercle… bref, je trouve cela génial et inspirant. C’est ce que je retrouve dans l’église protestante de type réformé ou presbytérien, avec cette liberté, cette importance de la relation personnelle à Dieu et la réflexion. Mais chacun son style. D’autres personnes préfèrent d’autres types de religion, ou d’église.

L’essentiel est de choisir une façon de nourrir et de travailler sa foi (ou son début de foi) en partie avec d’autres et surtout de garder une liberté personnelle, de creuser cette voie avec cœur, intelligence, et bienveillance. De mettre en dialogue ce que l’on comprend et ce que l’on expérimente dans la foi avec les autres champs de recherche que sont la science, la psychanalyse, la littérature, l’histoire… Cela apporte beaucoup dans les bons comme dans les mauvais jours, c’est une réalité dont des milliards de gens peuvent témoigner encore aujourd’hui. On peut même faire évoluer un peu son église en s’y impliquant pour la faire progresser.

Bravo de vous poser des questions, de réfléchir, de retourner vous-même aux sources : à l’Evangile. C’est bien bien mieux que de se baser sur des ouï dire.

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : pasteur Marc Pernot

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3 Commentaires

  1. Kirikou dit :

    Bonjour,

    merci pour cet article, questions et réponse.
    Merci pour la très belle réponse au premier paragraphe de questions, et la réponse indirecte au second paragraphe sur l’imagination.

    Concernant les questions sur l’imagination, voir peut-être quelques suggestions de livres parmi beaucoup d’autres bons livres possibles, quand le moment sera venu le cas échéant. Livres que je n’ai bien sûr pas lu, mais ils semblent intéressants, très très variés…

    « C’est triste de se dire: tiens je vais prendre la religion même si cette religion d’amour est une utopie car croire en quelque chose est mieux que de ne croire en rien. » La religion correspond à une recherche, à une quête de l’humanité… Peut-être certaines recherches ont trouvé… Peut-être que croire est un processus qui a permis à l’humanité de survivre dans les catastrophes climatiques passées dans son long chemin évolutif…

    Comment se peut-il qu’il y ait quelque chose plutôt que rien ?
    Les lois de l’Univers sont-elles divines ou agrégées du hasard moyenné ou les deux ?
    La conscience est-elle un don de la nature issu de l’évolution ou un don divin ou les deux ?

    The Power of Imagination (Large Print Edition): Unlocking Your Ability to Receive from God Andrew Wommack

    The Imagination of God: Art, Creativity and Truth in the Bible Brian Godawa

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Dialogues_sur_la_religion_naturelle (David Hume, philosophe sceptique écossais du XVIIIème siècle, économiste et historien du Royaume-Uni)

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Anthropologie_de_la_religion

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Et_l%27homme_cr%C3%A9a_les_dieux (best-steller contemporain, Pascal Boyer, directeur de recherche au CNRS et professeur d’Université aux Etats-Unis)

    Sur un sujet connexe : continuité fonctionnelle biologique puis technologique (futur partiellement de science-fiction pour le moment) ou création d’humains images de Dieu ?
    Robots se rapprochant des humains, traitement des visages et de la voix par les humains et les primates :
    article de Pascal Belin, neurobiologiste :
    Voice processing in human and non-human primates
    https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1764839/
    https://www.arte.tv/fr/videos/093650-000-A/visage-et-voix-ils-en-disent-long/

    1. Marc Pernot dit :

      Merci pour cet enrichissement.
      C’est toujours délicat de proposer des livres à lire. Surtout quand on ne les a pas lus ! Parmi ceux que vous proposez, David Hume est excellent, original et profond, mais il n’est pas du tout facile à lire.
      Bonne lecture

      1. Kirikou dit :

        Vous avez raison, excusez-moi. J’espère que ces livres sont tous bien à des titres très divers, et que je les lirai au bon moment.

        Je voulais dire surtout que face à des questionnements aussi vastes, fondamentaux et universels, à un moment donné (et aussi en tenant compte de ses études si la personne est élève ou étudiant), le passage par des livres pourrait peut-être apporter de nouvelles possibilités de se construire ses propres réponses.

        Ceci en allant chercher expressément des livres très divers et en jouant sur le sens des mots (ici sur le sens du mot imagination dans le contexte : les humains ont pu imaginer Dieu, ou l’imagination des humains peut-elle être un outil dans la relation à Dieu ?).

        Et aussi en faisant peut-être appel à la science des religions, à savoir ici l’anthropologie des religions. La question de l’imagination me paraît en effet liée à la suivante : les religions sont-elles révélations, ou pure imagination ou recherches , ou un mélange de tout cela inextricablement imbriqué ?

        Mais si Dieu existe, et est source de création d’une manière ou d’une autre, alors il a pu être source de la possibilité même de la démarche évolutive et auto-critique de la science par les humains. Y compris donc concernant la science des religions. Et cela risque de dépasser tout auteur/autrice et tout chercheur-e… mais ça n’en sera sans doute que plus intéressant…

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