Est-ce que Jésus fut pris de doutes sur la croix ? Certains Juifs ont-ils reconnu Jésus comme le Messie annoncé ? Un nouveau Moïse ?

Question posée :

Bonjour monsieur le pasteur

Dans l’attente de vos réponses et conseils.
Nous vous remercions infiniment pour votre aimable soutien.
Excellente journée à vous.
Cordialement

Réponse d’un pasteur :

Bonjour Monsieur

Désolé pour le délai de réponse, la semaine de Pâques a été un bien sûr chargée (mais d’une belle façon, avec de fort belles et nombreuses rencontres).

 » Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Oui, quand Jésus dit en croix  » Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ? » c’est certainement une citation du Psaume 22 (21 en grec). C’est intéressant à plus d’un titre :

• Du point de vue du fond : c’est l’expression d’un dote dans le fait que Dieu l’accompagne, seulement c’est précisément l’expression d’une grande foi à ce moment là. Car la foi est de rester en lien avec Dieu, ce que fait Jésus puisqu’il prie Dieu, alors même qu’il doute de la fidélité de Dieu en ce moment où la souffrance lui fait ressentir l’abandon. Cela nous aide à nous-même saisir ce que c’est que la foi : garder le lien même dans les pire moments.
• Le doute n’est donc pas contre la foi. Le doute permet de faire évoluer notre théologie. Nous avons parfois l’idée d’un Dieu qui pilote tous les événements. Quand il nous arrive une catastrophe particulièrement injuste (le pire étant probablement la mort d’un bébé), cette théologie est mise à mal, ou alors il faudrait renoncer à la théologie du Christ qui est un Dieu de pure grâce et bonté, en qui il n’y a jamais de ténèbres (1 Jean 1). Quand on met en rapport notre théologie avec la réalité, certains perdent la foi alors qu’il serait mieux de faire évoluer sa propre théologie.
• Quand Jésus prend ce Psaume pour le prier en ce moment de sa vie : c’est aussi un geste intéressant pour nous : les Psaumes nous aident à mettre des mots sur ce que nous vivons et ressentons. C’est très précieux. Il y en a pour dire la louange, la confiance, la colère, la lamentation, l’espérance et le désespoir, la confiance et donc le doute. Il est donc très utile de connaître les psaumes afin qu’ils puissent surgir à notre pensée pour nous accompagner dans chaque moment et nourrir notre prière, nouer ou renouer notre méditation sur Dieu, et ensuite à renouer le contact direct. C’est ce qui va faciliter le « travail » de Dieu pour nous soigner, et pour nous apporter l’impulsion de vie utile à ce moment là pour nous.
• Ce Psaume 22 commence avec ce cri de déception et de doute de David, repris par Jésus dans sa prière. Seulement ce Psaume voit surgir brutalement ce cri : « Tu m’as répondu ! » au verset 22, c’est à dire à un contact renoué avec Dieu.
• Enfin, en français comme en hébreu, le « pourquoi ? » cherchant les raisons de ce qui arrive, peut aussi être lu « Pour Quoi ? » : cherchant ce qui pourrait être bon comme suites. C’est un double sens célèbre. Et fort précieux, car le passé est passé alors que l’avenir est à construire.

Le Messie annoncé ?

Oui, bien sur, certains juifs ont reconnu Jésus comme le Messie attendu. Marie et tous les apôtres, et des milliers d’autres forment rapidement des églises partout dans l’empire romain, à partir de synagogues et de lieux de prière juifs. Seulement, leur ouverture aux païens fait que les « judéo-chrétiens » seront vite submergés par le nombre de chrétiens venant du monde païen. Au début, les chrétiens étaient une partie des fidèles de la synagogue, en l’an 70, les juifs ne reconnaissant pas Jésus comme Messie ont demandé poliment aux chrétiens d’aller former leurs propres groupes ailleurs.

Il faut dire que Jésus a incarné un certain type de Messie, et qu’il existait bien d’autres façons d’imaginer le Messie selon la Bible Hébraïque. Ceux qui attendaient un nouveau David (roi politique), un nouveau Moïse (prophète dictant une nouvelle loi, ou un nouveau Melchisédech (un nouveau grand prêtre, ou ceux qui attendaient un Messie collectif (Israël entier)… ceux là ont été déçu par Jésus.

Un nouveau prophète ou tous prophètes ou prophétesses ?

En Deutéronome 18:15-18 c’est effectivement un nouveau Moïse qui est annoncé, cela va bien avec la théologie du Deutéronome qui développe une alliance centrée sur la Loi. C’est une option. Un type de Messie attendu. Il est possible effectivement que cette parole ait été entendue comme parlant de Josué ou d’un Messie attendu, tout est possible, et c’est le but des promesses de susciter une attente, une veille vigilante.

Les Prophètes comme Jérémie annoncent que chaque personne du peuple recevra l’Esprit et sera fait prophète ou prophétesse, directement : « L’Eternel dit : « Je mettrai ma Loi au-dedans d’eux, Je l’écrirai sur leur cœur. » (Jérémie 31:33). Dans la même sensibilité, Ézéchiel 36:26 « Je vous donnerai un cœur nouveau, et je mettrai en vous un esprit nouveau, j’ôterai de votre corps le cœur de pierre, et je vous donnerai un cœur de chair. », et Joël 2:28-29 « Je répandrai mon Esprit sur toute chair, vos fils et vos filles prophétiseront, vos vieillards auront des révélations, et vos jeunes des visions. Même sur les plus petits des serviteurs et des servantes, dans ces jours-là, je répandrai mon Esprit. » Le Messie est celui qui vient pour accomplir cela, ce n’est pas seulement un nouveau Moïse, c’est lui qui fait de chaque personne, chacun là où il est, à sa mesure, un Moïse ou une Moïsette, toute personne, de la plus simple à la plus instruite. C’est ce que les juifs qui ont reconnu Jésus comme Messie ont constaté comme se réalisant par lui. C’est ce qui est raconté à la Pentecôte. Et ce qui arrive est mis en relation avec ces textes (Actes 2:17)

Donc, comment est-ce que Jésus « accomplit les Ecritures » ?

C’est vrai que ceux qui attendaient un nouveau Moïse n’attendaient pas forcément une personne parlant comme Jésus, si peu clairement, avec ses paroles exagérées (inapplicables comme de ne pas résister au méchant, ou d’être parfait comme Dieu, ou de tout donner), avec ses paraboles qui sont autant d’énigmes…
Donc, ayant connu Jésus comme accomplissant le don de l’Esprit annoncé par les prophètes, alors on revient à Deutéronome 18:15 en le lisant autrement, comme un prophète comme Moïse qui se lèvera en chacun.

Bravo donc de lire la Bible, de chercher à l’interpréter par l’Eprit. C’est très fécond.

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : pasteur Marc Pernot