Assomption de la vierge, par Philippe de Champaigne (1656) - Musée des Beaux-Arts de Marseille - wikicommons
Bible

D’où sort cette histoire de Marie sans péché et d’assomption fêtée le 15 août ?

Par : pasteur Marc Pernot

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Assomption de la vierge, par Philippe de Champaigne (1656) – Musée des Beaux-Arts de Marseille

Question posée :

Bonjour Monsieur le Pasteur,

Si vous permettez, je voudrais vous demander ce que vous pensez de tout ce qui suit: L’église catholique vient de célébrer ce 15 Aout l’assomption. Ce qui me chiffonne c’est de savoir d’où sort cette histoire que Marie serait née sans péché, qu’elle est sans péché, or nous savons tous que personnes n’est jamais né sans péché, je peux penser qu’elle a été pieuse, mais pas sans péché. Le dogme de l’assomption a été décrété par Pie XII en 1950, alors que entre le IV et VIIIe siècle si je me trompe pas, on nous bassine que jésus serait venu récupérer le corps de Marie après son décès, que Marie après la mort de Jésus se serais réfugiée à Ephèse, et que les apôtres qui étais en mission sont venu l’entourer pour ses derniers moment et qu’elle fut montée au ciel. Quand je suis allée en Turquie en 2012, je suis allée à Ephèse et on m’a montré des vestiges des ruines qui semblait être la maison de Marie, et aussi ce qui semblais être le tombeau de Jean.

Là où est ma question, pourquoi tant de traditions qui inventent des trucs qui n’existent pas dans la bible, il semblerait que l’assomption de Marie ressemble fortement à une histoire païenne.

Merci Monsieur le Pasteur pour votre réponse.

Fraternellement Votre.

Réponse d’un pasteur :

Bonsoir

Je partage votre étonnement, à vrai dire, sur ce genre de décrets ornés du sceau de l’infaillibilité, de vérité indiscutable et intangible dont notre grande église sœur a le secret. Mais comme souvent il serait sot et pas très charitable de jeter hâtivement le bébé avec l’eau du bain. Tout dépend comment on comprend ces histoires de Marie sans péché et bénéficiant d’une « assomption » :

  1. Si ces histoires sont racontées comme une prédication imagée, mettant en valeur un cheminement spirituel, c’est tout à fait entendable.
  2. Par contre ce serait tout à fait étrange de décréter que cette histoire serait de l’ordre d’un fait historique. Car pour décréter cela avec certitude, il faudrait des preuves factuelles absolues. Une vérité historique ne se décrète pas, elle s’établit après des débats entre spécialistes.

Mais au delà de cette question importante, reste en tout cas le premier point : ces récits qui ressemblent effectivement à de pieuses légendes ne sont en général pas dénués d’intérêt si on les lit au sens spirituel. C’est loin d’être n’importe quoi en ce domaine. En effet :

Selon le dogme catholique, la Vierge Marie n’a pu mourir car elle est sans péché, elle devait donc monter au ciel miraculeusement dans une assomption.

Qu’est-ce que cela dit ? Qu’est-ce que cela nous dit à nous, si on le prend comme une prédication qui nous est adressée ?

Marie est une personne historique qui a vraiment existé, bien sûr (Jésus est un personnage historique, qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, et il a certainement eu une mère). Seulement, Marie est l’occasion dans certains des 4 évangiles (Luc et Jean) de dresser est une image du croyant que nous sommes, ou que nous devrions être. Cela se trouve par exemple:

  • dans l’Évangile selon Jean aux noces de Cana quand Marie se range comme disciple de Jésus, et à la croix où elle se tient fidèlement.
  • dans l’Évangile selon Luc quand un ange lui dit la grâce de Dieu : cela est pour nous, c’est ce que manifeste le Christ par sa vie et par sa mort, manifestant l’amour de Dieu pour nous.
  • Et dans cet évangile, quand Marie dit « oui » à Dieu, elle est comme une nouvelle Ève, une humanité vivante que nous sommes appelés à être, en étant, comme Marie, fécondée par la Parole de Dieu : tout cela nous dit la grâce et la bénédiction de Dieu sur nous personnellement, et qu’une dimension « christique » prenne chair en nous.
  • Quand Jésus dit « Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la mettent en pratique. » (Luc 8:21 et parallèles).

Cet état d’être sans péché est ainsi un appel pour nous, une visée, une vocation pour nous.  Difficile à atteindre, certes, mais heureusement, par la grâce et le pardon, c’est aussi comme cela que Dieu nous regarde, il ne retient pas contre nous tout ce qui ne va pas, mais il nous reconnaît comme son enfant bien-aimé. Comme être humain, nous sommes tous pécheurs, comme vous le dites, nous sommes tous imparfaits, nous sommes des êtres sans cesse en genèse, en cheminement avec l’aide de Dieu mais restant limités et mortels (et évidemment aussi la mère de Jésus). Mais notre gloire, c’est l’amour de Dieu qui nous prend tels que nous sommes.Et c’est cet amour qui fait que nous sommes gardés par Dieu, tirés du néant, promis à la vie.

Cette « assomption » de Marie parle de notre vie future qui est promise, mais pas seulement. L’Esprit fait que l’humain prend une dimension divine, que l’humain a cette capacité d’aimer, capable de relation avec Dieu et d’être dans une certaine (petite) part à son image. On voit ainsi Paul parler d’élévation jusqu’au 3e ciel (2 Corinthiens 12:1-4). On peut comprendre ainsi ce récit d’assomption de la vierge comme un appel à compter sur Dieu pour nous élever, ce qui est effectivement un miracle impossible à nos propres forces.

Donc ce « dogme » de l’assomption de Marie est donc loin d’être sans intérêt. Mais c’est vrai que ce n’est vraiment pas dans notre sensibilité protestante de transformer cette prédication en laissant croire que ce serait historique. Et non plus de rendre quelque prière que ce soit à Marie, malgré  pseudo vérité historique, et en un culte à Marie. Mais si fêter Marie et chercher à en profiter pour s’ouvrir à la grâce de Dieu et se laisser élever par l’Esprit, si cette méditation sur Marie permet à certaine personne d’approfondir leur foi nous ne pouvons que nous en réjouir. Ce n’est pas parce qu’une soupe n’est pas à notre goût qu’il faudrait mépriser que d’autres puisse l’aimer.

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : pasteur Marc Pernot

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7 Commentaires

  1. andiran nathan dit :

    Bon, faut-il ménager le choux et la chèvre pour ne pas endommager nos relations avec l’Eglise catholique romaine ?
    Ce qui n’est pas vrai ne saurait le devenir ! L’impossible, de même, ne cesse de l’être ?
    Si l’Eglise catholique s’arrêtait encore à ce dogme (infaillible) on aurait cas ne point l’évoquer pour taire nos désaccords ? Mais je signale que l’institution papale fait de Marie la Mère de Dieu et co-rédemptrice de l’humanité !
    Bon, après, on peut bien évidemment trouver dans la vie de Marie beaucoup de choses admirables : son courage d’avoir porté le fils de Dieu et de l’avoir accompagné jusqu’à la mort. Si Dieu l’a choisie c’est sans aucun doute qu’elle devait posséder des qualités remarquables ??

    1. Marc Pernot dit :

      Ce n’est pas pour « ne pas endommager nos relations avec l’Eglise catholique romaine », aucun rapport.
      Ce n’est pas ménager la chèvre et le chou.
      C’est simplement porter un regard de bienveillance. Et de là, faire la part des choses.
      Il me semble que cela vaut mieux que d’aller chercher ce qui nous semble le pire dans les pratiques de l’autre : ce qui est de la malveillance, et est ni sage ni bon.

      1. Dom dit :

        Bienveillance, le maître mot !

  2. Pingault dit :

    Au-delà d’être un exemple, Marie (et cela précède le schisme) a une place éminente dans le Christianisme en général toutes branches confondues pour une raison bien simple: elle garantit la double nature du Christ, vrai Dieu et vrai homme.

    1. Marc Pernot dit :

      La double nature de l’homme, terrestre et divine est dans la nature même de l’humain, créé par Dieu :

      « L’Eternel Dieu forma l’humain de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et l’humain devint une âme vivante. » (Genèse 2:7)

      L’humain est ainsi, dans son origine même créé par Dieu sous cette double nature de la terre et du souffle divin. L’humain est à l’image de Dieu, capable de Dieu.

      Là où l’Evangile selon Luc fait de Marie est le type même de l’humain accompli, c’est qu’elle accepte consciemment que ce souffle prenne corps dans sa vie. Ce qui était déjà donné par la grâce de Dieu va de soi, seulement cela va encore mieux en le vivant consciemment, délibérément, volontairement.

      Ensuite, parmi nos 4 évangiles, tous ne mettent pas en avant la figure de Marie, l’Evangile selon Marc, en autre, offre un point de vue différent, mettant en avant, à côté du Christ, la figure du disciple écoutant la Parole de Dieu et la vivant concrètement en ce monde.

      Pour ce qui est de l’existence de plusieurs confessions chrétiennes, je vois cela comme une richesse, chacun son style, et le Christ déborde de toutes ces sensibilités particulières. Il y a schisme seulement quand il y a exclusion de l’autre, le considérant comme en dehors du corps du Christ parce que n’ayant pas le même point de vue. Mais ce n’est pas, ou plus, le cas entre protestants et catholiques, en général.

  3. Ani dit :

    Bonjour,
    Pour ma part au niveau de la spiritualité je me sens plus proche du protestantisme. J’ai de la difficulté à croire en l’assomption de Marie aussi. Je ne ressens pas non plus le besoin de la prier ni les saints. Il me semble essentiel de laisser Jésus-Christ au centre. Par contre un des points forts du catholicisme ce sont les nombreuses retraites proposées, les espaces de recueillement, de prière ainsi que l’accompagnement spirituel. J’ai par exemple vécu une semaine de retraite ignatienne récemment. Cela m’a fait le plus grand bien et m’a permi d’approfondir la prière et la lecture de la Bible autant si pas plus qu’auparavant dans le protestantisme. (Il est parfois dit que les catholiques ne liraient pas la Bible mais c’est faux). Je trouve dommage qu’au sein du protestantisme,il n’y ait pas ces espaces-la( nos temples sont fermés en dehors des cuites) et il n’y a àma connaissance pas de lieu de retraites protestante. .

    1. Marc Pernot dit :

      L’idée de n’ouvrir les cultes que pour réunir des personnes (pour le culte ou pour toute sorte de manifestations non religieuses) était afin de ne pas laisser penser que Dieu serait plus présent là qu’ailleurs, de lutter contre la superstition. Bonne idée, dans un sens. Sauf que, en réalité Dieu est partout mais c’est nous qui sommes aidés à nous ouvrir à sa présence par un beau lieu inspirant. C’est pourquoi je suis hyper d’accord avec vous, je suis sensible à une église vide pour aller y prier. Et les temples devraient être ouverts. Ensuite, cela demande de l’organisation. Le temple de Vandœuvres est ouvert dans la journée, cela ne se fait pas tout seul : c’est grâce à Karine qui va l’ouvrir le matin et le fermer chaque soir (grand merci à elle).

      Il y a quelques lieux de retraite protestants,surtout des communautés de sœurs :

      Personnellement, je vais plutôt dans des abbayes de moines trappistes, par exemple à Tamié, Cîteaux ou Aiguebelle

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