Au Brésil, ancienne église de mission jésuite en ruine - Image par maxicarre de https://pixabay.com/fr/photos/missions-j%c3%a9suites-des-j%c3%a9suites-2437957/
Bible

Ce n’est pas dans l’intérêt du pays historiquement colonisateur de laisser les habitants de ces territoires progresser. Quel éclairage dans la Bible ?

Par : pasteur Marc Pernot

Au Brésil, ancienne église de mission jésuite en ruine - Image par maxicarre de https://pixabay.com/fr/photos/missions-j%c3%a9suites-des-j%c3%a9suites-2437957/

Question posée :

Il est possible de considérer que par certains aspects, certains pays ayant eu autrefois des colonies n’ont pas forcément terminé leur processus de décolonisation. Certains territoires restent occupés. Certains objets produits dans d’autres cultures sous d’autres latitudes ou longitudes sont encore captifs dans les grands musées, et la restitution de certaines oeuvres est déjà effectué ou demandée, mais cela concerne une petite minorité de pièces de collection…

Comment agir quand il semble que d’un point de vue économique voire patriotique il ne soit pas dans l’intérêt du pays historiquement colonisateur de laisser les habitants de ces territoires progresser vers plus d’autodétermination, de choix du rapport à leur monnaie, leur langage, leur enseignement, leur histoire, leur organisation, leur économie… leur rapport au ou aux pays ayant colonisé le territoire… ?

Quel éclairage la Bible pourrait-elle nous apporter sur ces sujets délicats et sensibles ?

Merci par avance pour votre réponse

Moïse

Réponse d’un pasteur :

Cher Moïse

Merci pour cette très intéressante question

La Bible, et particulièrement Jésus, insiste sur l’amour du prochain. Jésus le rend même indissociable de l’amour de Dieu dans ce passage où il résume l’essentiel :

Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, et de toute ta pensée.
C’est le premier et le plus grand commandement.
Et voici le second, qui lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
(Matthieu 22:37-39).

Quand on aime son prochain, on le respecte, au minimum. On est sensible à sa personne, donc à son espace de vie, on n’envahit pas son territoire ni ne pille ses biens, ni ne compromet l’avenir de ses enfants. Mais : on respecte son visage, et ce qui pour lui est important voire sacré de son point de vue. Et on essaye d’être pour notre prochain une source de libération et non d’oppression à l’image de Dieu, c’est même la première des 10 paroles (le Décalogue) :

Je suis l’Eternel, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, de la maison de servitude.
(Exode 20:2).

En ce qui concerne l’histoire, c’est vrai que c’est quelque chose que la Bible nous appelle à travailler, afin de visiter les générations présentes et d’apporter les soins utiles. Et il y a certes à faire. La Bible parle de Dieu qui visite la faute des pères sur les enfants et les enfants de leurs enfants sur 3, voire 4 générations. C’est effectivement sage et l’aide de Dieu est particulièrement bienvenue, souvent indispensable: la visite et les bons soins du Dieu créateur, du Dieu qui aime de multiples façons ses enfants :

L’Eternel passa devant lui, et s’écria: L’Eternel, l’Eternel, Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité, qui conserve son amour jusqu’à mille générations, qui pardonne l’iniquité, la rébellion et le péché, mais qui ne tient point le coupable pour innocent, et qui visite (« paqad » en hébreu : visiter, plutôt que « punir » qui est dans certaines traductions) l’iniquité des pères sur les enfants et sur les enfants des enfants jusqu’à la troisième et à la quatrième génération!
(Exode 34:6-7).

Il n’est donc pas toujours bon de remonter jusqu’à Jules César, ou à Gengis Kahn, la prescription proposée par ce texte de l’Exode après 3 ou 4 générations pose en tout cas cette question. Il est possible qu’effectivement cela soulage l’humanité d’une souffrance qui n’aurait pas de fin sinon. En même temps, Jésus associe la recherche de l’action de Dieu dans nos vies et dans ce monde avec une recherche de la justice de Dieu.

Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu; et toutes ces choses vous seront données par-dessus.
(Matthieu 6:33).

Donc le fait de pardonner consiste à ne pas haïr, à pas vouloir du mal à celui qui a fait du mal, à espérer même qu’il devienne une meilleure personne, mais cela ne veut pas dire laisser faire l’injustice sans ne rien dire. Vous avez donc tout à fait raison de dire les problèmes et d’en demander des comptes. Ce n’est pas seulement votre cause que vous défendez ainsi mais la justice, ce qui est loin d’être négligeable. Surtout si vous défendez aussi la cause des autres aussi, et non votre seule cause.

Ensuite, dans « aime ton prochain comme toi-même », il y a la notion essentielle d’aimer son prochain, bien sûr, de le libérer. Il y a aussi « s’aimer soi-même », c’est-à-dire se respecter soi-même, se faire respecter, de se libérer avec l’aide de Dieu, comme un Moïse saisit l’appel de Dieu pour sortir du joug de l’Égypte.

C’est pourquoi il me semble que ce sont aux nations opprimées de secouer le joug qu’elles ont sur leurs épaules.
Vous demandez « Comment agir quand il semble que d’un point de vue économique voire patriotique il ne soit pas dans l’intérêt du pays historiquement colonisateur de laisser les habitants de ces territoires progresser vers plus d’autodétermination… ». Vous avez parfaitement raison : la rapacité et le désir de pouvoir sont parmi les instincts humains, et d’ailleurs de bien des animaux aussi. Nous le savons bien en regardant en nous-même. Si l’on espère un monde nouveau, nous montre la Bible à chaque page : commence par te convertir toi-même et agir positivement toi-même, avec l’aide de Dieu. Que chacun cherche sa vocation au service de l’ensemble et non de façon égoïste, ne pensant qu’à lui et ses enfants. Le reste suivra.

Ce n’est plus dans mon domaine direct de théologien, mais il me semble qu’espérer que les pays historiquement colonisateurs deviennent de purs philanthropes n’est tout simplement pas réaliste. C’est peut-être pire en se plaçant sous la tutelle d’autres pays puissants, ils n’ont aucune raison d’être philanthropes non plus et d’avoir d’autres objectifs que de piller eux-mêmes les ressources de ceux qui les ont invités dans leurs terres… peut-être seront-ils même pires car ils n’auront même pas le léger voile de honte que peuvent avoir les pays historiquement colonisateurs. Vous me demander comment faire ? A mon avis : la seule façon est de rejeter soi-même, avec l’aide de Dieu, le joug qui opprime, à commencer par le joug intérieur. Oui, il faut dénoncer l’injustice flagrante, mais à commencer par celle des personnes du pays qui trahissent leur propre peuple. Travailler et investir dans le pays, étudier et aller servir son pays. Ma femme est coréenne, leur pays est sorti en 1953 de générations de colonisation féroce et sanguinaire de la part du Japon, puis d’années de guerres sur leur terrain qui ont laissé la Corée du sud comme un pays pauvrement agricole, sans matière première ni presque d’industrie, avec un dictateur entouré de corrompus liés aux japonais. Les personnes du peuple ont secoué le joug, comment ? Ils n’ont pas attendu que le Japon devienne un agneau. Les Coréens ont travaillé, mis de l’ordre dans leurs gouvernements, les jeunes sont allés se former à l’étranger et au lieu de rester s’enrichir personnellement à l’étranger : ces jeunes sont rentrés dans leur pays pour le développer, créer des entreprises, innover, chanter de la K-pop. Et c’est comme cela que la Corée commence à redresser la tête 50 à 70 ans après.

Comment faire autrement ?

Un semeur sortit pour semer. Comme il semait, une partie de la semence tomba le long du chemin: les oiseaux vinrent, et la mangèrent.
Une autre partie tomba dans les endroits pierreux, où elle n’avait pas beaucoup de terre: elle leva aussitôt, parce qu’elle ne trouva pas un sol profond; mais, quand le soleil parut, elle fut brûlée et sécha, faute de racines.
Une autre partie tomba parmi les épines: les épines montèrent, et l’étouffèrent.
Une autre partie tomba dans la bonne terre: elle donna du fruit, un grain cent, un autre soixante, un autre trente.
Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.
(Matthieu 13:4-9).

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : pasteur Marc Pernot

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Un commentaire

  1. (inspiré par) Moïse dit :

    Oui, merci pour cette réponse ! Je suis d’accord avec vous. Merci pour ce bel exemple encourageant de la Corée du Sud !

    Le processus de colonisation a le plus souvent été lié à un décalage militaire lui-même issu d’un décalage scientifique, technologique et économique. La formation et le travail individuel lié à l’intérêt collectif avec un système économique performant sont effectivement un moyen de rattrapage, qui diminue la probabilité de colonisation par des voisins à peu près de même niveau.

    Sans être forcément directement concernés par cet historique colonial, ou en ne l’étant plus, des dizaines de pays demandent aujourd’hui leur adhésion au bloc des pays émergents, jusqu’à présent le bloc des BRICS, et un certain processus de rattrapage, voire de dépassement, sur les plans des développements scientifique, technologique, économique et de niveau de vie semble être en cours dans de nombreuses parties du monde.

    L’interprétation des passages clefs de la Bible que vous avez mentionné va plutôt dans le sens de l’accompagnement dans la transition vers un choix autodéterminé du futur propre des régions en question. Souvent le processus d’audétermination s’est arrêté sans déléguer les fonctions régaliennes (protection militaire, police, justice…).

    Néanmoins, il s’agit aussi d’une double perte pour les habitants du pays historiquement colonisateur et pour la région colonisée une fois séparés le cas échéant si cela devait se produire : perte réciproque de la « nationalité » partagée, de l’accès au territoire, de la symbolique du chez-soi, même si la symbolique de la nationalité du pays historiquement colonisateur l’emporte administrativement parlant. Par ailleurs, il y a effectivement un risque avéré de vassalisation par d’autres acteurs émergents qui pourrait faire repartir dans une boucle d’autres types de mise en tutelle potentiellement pour des dizaines d’années ou plus encore. Et au niveau individuel, l’impression qu’un archipel charmant de l’autre côté du globe par exemple ne fait plus partie de son pays… ça paraît très triste quand même, ce serait ressenti comme une perte, même si l’archipel est toujours là, qu’il devrait rester possible de s’y rendre comme touriste ou pour même pour y résider sans doute…

    Il y a aussi le lourd sujet du nettoyage des dégâts environnementaux et pour la santé liés à différents essais militaires le cas échéant…

    En respectant le principe d’occupation première des territoires naturels, quelle que soit la proportion de population descendant d’autochtones avec une culture régionale distinctive et de métissage, la tendance historique serait au départ de la puissance colonisatrice historique, sans qu’il y ait vraiment de rattrapage en terme de développement, ou alors seulement dans quelques secteurs spécialisés. Avec des conséquences bonnes et/ou moins bonnes en matière de gestion du patrimoine naturel à long terme…

    Enfin comme vous dîtes, une grande part vient de la libération de soi en soi-même. Pour cela la gestion et la diffusion des connaissances sur internet peut y contribuer un peu, en choisissant la ou les langues de prolongement de la construction d’un savoir culturel local spécifique.

    Une sorte d’exode vers un là où on habite déjà comme terre promise libérée d’abord en soi.

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