ovule fécondé en cours de multiplication - Image par Bellezza87 de https://pixabay.com/de/photos/befruchtete-eizelle-leben-entstehung-267976/
Ethique

À propos de la PMA ? Jusqu’où la science est-elle un appui ? A partir de quand contredit-elle Dieu ?

Par : pasteur Marc Pernot

ovule fécondé en cours de multiplication - Image par Bellezza87 de Pixabay

Question posée :

Cher pasteur, bonjour!

Je souhaiterais savoir ce que vous pensez de la procréation médicalement assistée (PMA).
Pendant longtemps j’ai pensé qu’il ne fallait pas aller à l’encontre de la Nature et que parfois les impossibilités de grossesses étaient une forme de sélection naturelle ou de protection (contre les malformations, contre les difficultés à prévoir de s’occuper d’un enfant quand l’absence de grossesse est due, par exemple, à une maladie d’un des deux parents potentiels etc).
Et puis comme pour la plupart de mes « principes », cette certitude est remise en cause par des amis, qui sont l’illustration du bonheur apporté par un enfant conçu malgré la maladie du père, après plusieurs tentatives difficiles et né après une grossesse difficile.
La naissance de l’enfant fut idyllique et depuis 18 mois il apporte bonheur, apaise et soude le couple.
Bien plus en tout cas que dans beaucoup de couples a priori plus soudés et complètement remis en cause par l’arrivée d’un enfant.

On ne peut que saluer leur obstination et se réjouir que la science leur ait permis de réaliser leur rêve.
Je ne peux que regretter d’avoir pensé qu’ils faisaient fausse route à l’époque où mon amie subissait traitements et échecs.

Pour autant, j’ai du mal à m’imaginer faire féconder un ovule et un spermatozoïde hors de son cadre naturel.
A partir de quand et jusqu’où estime-t-on qu’un enfant est l’oeuvre de Dieu ?
Jusqu’où la Science est-elle un appui ? A partir de quand contredit-elle Dieu ?
La limite est elle notre conscience personnelle ? si c’est le cas, il n’y a aucune limite puisque chacun a la sienne

Merci pour vos réponses,
Bien à vous

Réponse d’un pasteur :

Bonjour

Bravo d’avoir des « principes » et à être prête à les remettre en cause dans leur application dans la vie réelle, en fonction de chaque cas particulier. A mon avis, c’est exactement la bonne méthode, le geste éthique.

Au contraire, si nous n’avions pas du tout de « principe », de valeurs, d’idéal, de morale… nous vivrions comme une feuille morte, emportée par le premier tourbillon de vent, selon l’humeur de l’instant, selon les influences portées par le groupe ou la société autour de nous, sans s’être posé de question, et donc sans avoir choisi une orientation un petit peu personnellement, et en connaissance de cause. Alors pourquoi pas vivre comme cela, mais c’est à mon avis être vraiment un petit joueur, dans la vie, dans la mesure où nous avons la capacité d’être plus créatif que cela. Nous serions comme un Jean-Sébastien Bach qui serait resté au lit toute sa vie au lieu d’exercer son génie. Et ce serait un peu problématique de ne pas chercher à se forger une éthique personnelle, car alors la personne n’a que peu d’influence sur sa propre évolution, peu de prise sur sa vie (déjà que, même en pensant, nous avons fort peu de liberté), pas d’orientation.

Donc, vive les principes, mais la vie, notre vie et celle de chaque personne comprend tant de dimensions diverses, de contraintes contradictoires, que chacune est un cas particulier.

  • Il arrive souvent que la question qui se pose corresponde au cas d’école et qu’il soit alors pas trop difficile d’évaluer les choix possibles et de les classer comme plus ou moins souhaitables au regard de nos goûts, et plus ou moins recommandables ou inacceptables au regard de nos principes.
  • Mais il arrive souvent aussi qu’il y ait conflit entre le goût et les valeurs. Nous connaissant, il arrive souvent que nous choisissions ce qui correspond à nos valeurs et nous fassions ensuite ce qui est bon pour notre goût (comme le dit l’apôtre Paul (Romains 7:19). Bon, nous y travaillons par la réflexion, l’entraînement, et la prière.
  • Il arrive souvent aussi que des principes soient contradictoires, il y a alors du tragique dans nos choix et il convient de chercher non pas à choisir le bien et renoncer au mal, mais à choisir le moindre mal.

C’est ainsi que le divorce, par exemple, est certainement une mauvaise solution (quand on se marie, c’est pour la vie, il y a donc un échec, une déception, voire un drame qui est survenu), mais nous connaissons tous des cas particuliers où le divorce est la moins mauvaises des solutions. C’est ainsi que l’avortement est toujours une mauvaise solution, comprenant une part de mort, certes, mais c’est néanmoins parfois la moins mauvaises des solutions parce que les autres solutions aussi comprendraient une part de mort, soit physique, soit psychologique. Et cela même sans se limiter aux situations vraiment extrêmes de viol sur une fillette, ou de grossesse extrêmement dangereuse pour la mère, ou d’enfants extrêmement souffrant et handicapé… mais même en cas de couple qui n’est pas prêt, à ce moment là, à accueillir l’enfant ou à l’abandonner…

C’est pourquoi il faut des principes mais aussi de la finesse d’analyse, acceptant une part de subjectivité, et de la souplesse dans l’application des principes, avec un certain art du compromis (et non de la compromission).

PMA (procréation médicalement assistée)

C’est aussi le cas de la PMA. Ce n’est certes pas l’idéal. Il y a des cas particuliers où c’est une mauvaise solution, très lourde, très traumatisante. Il y vraiment d’autres cas, comme celui que vous citez , où c’est un merveilleux miracle (avec le risque que c’en soit tellement un que l’enfant soit pris comme un petit dieu incarné, ce qui ne serait bon ni pour l’enfant, ni pour les parents ni pour leur couple, mais c’est une autre histoire). Mais il y a PMA et PMA, il y a le petit coup de pouce, il peut y avoir aussi des processus et des pratiques extrêmement poussées. Et là aussi, ce n’est pas seulement une réponse binaire : oui ou non à la PMA, mais selon les circonstances, selon les personnes, avec une réponse nuancée sur le quoi et le comment, sur une façon de travailler cette question et de répondre de façon la plus humaine et adaptée possible. En particulier, je trouve problématique d’avoir une opinion sur ce genre de questions « pour les autres », dans l’absolu, cela comporte un jugement parfois terrible à recevoir pour les personnes concernées.

La volonté de Dieu et notre liberté

Pour ce qui est de la dimension théologique, c’est assez simple.

Dieu n’est certainement pas celui qui empêche la fécondité d’un couple qui désirerait avoir un enfant. Dieu est le Dieu de la vie, qui nous aide dans nos bons projets de vie, d’épanouissement. Si ce couple sympa ne peut pas avoir d’enfant, c’est malgré la volonté de Dieu. C’est comme la maladie, on ne peut pas dire qu’elle serait la volonté de Dieu. Par conséquent, nous ne luttons pas contre la volonté de Dieu quand nous luttons contre la maladie, mais avec Dieu, dans son sens et accompagnés par lui.

Nous ne sommes pas seulement des créatures mais aussi appelés à être des créateurs. Co-créateurs avec Dieu. Par exemple, dans la Genèse (2:15), quand l’humain est placé dans le jardin d’Eden, Dieu lui confie la mission de le cultiver et de le garder. Le devoir de cultiver est même avant celui de garder, c’est à dire que notre participation à une création continuée l’emporte sur le devoir de garder ce que Dieu a lui-même prévu et réalisé. C’est bien conforme à l’idée que l’humain est créé à l’image de Dieu, c’est à dire que l’humain est créé pour être lui-même créateur. Cela se retrouve aussi dans l’idée du salut comme le don de la lumière (par exemple dans Jean 1, Jean 8:12…), c’est à dire que la volonté de Dieu ne s’exprime pas comme un ordre fixé à l’avance et auquel il faudrait se soumettre, mais comme sa volonté est de nous rendre capable de voir par nous-mêmes les tenants et les aboutissants, et de chercher quel sera notre chemin, quel projet créatif sera poursuivi. Un enfant n’est donc pas l’œuvre uniquement de Dieu, c’est une œuvre humaine accompagnée par Dieu.

Ensuite cette mise en lumière peut effectivement permettre de voir clair sur la situation. Mais cela ne rend pas univoque la réponse à apporter. Dieu a certes, lui aussi, quelque idées, des projets possibles, des recommandations à apporter concernant des choses positives ou négatives, des oui-ça-peut-être, des oui-ça-c’est-génial, des pour-cela-attention-quand-même-à-ceci, des ah-non-vraiment-pas-ça !, des pfiouuu-vous-êtes fatigants-avec-vos-gamineries…. Mais toujours, nous avons aussi avoir notre mot à dire avec Dieu.

Quelle vocation ?

Par exemple quand un couple se rend compte qu’il a un problème de stérilité. Il pourra s’interroger sur ce projet. Est-ce qu’ils pensent qu’ils ont la vocation de faire un enfant, compte tenu du fait qu’il y a bien d’autres façons d’avoir une vie féconde et créatrice ? C’est une question très personnelle, subjective. Tant de choses entrent en jeu, des choses que l’on ne peut pas forcément saisir soi-même. Il y a aussi les autres talents dont on dispose (plus ou moins), le métier que l’on a, l’environnement familial, le couple… Parfois, notre vocation nous vient comme une évidence, par exemple quand on a un enfant, il est assez vraisemblable que Dieu espère que nous aurons la vocation de l’élever. Quand on a une vieille voisine qui a besoin d’un coup de main dans l’immeuble, il peut être assez clair que Dieu espère en nous pour l’aider. Mais dans le cas d’un enfant qui n’est pas encore né, même dans un couple non stérile ou dans un couple plus ou moins stérile, la question, je pense, est laissée ouverte par Dieu. Parce que c’est très personnel et que la sincérité d’implication dans le projet est vraiemnt importante pour le développement de tous.

Et donc oui, la limite doit souvent tenir compte de chaque cas particulier. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de limites :

  • D’abord parce que pour chaque cas particulier, chaque couple, pour chaque famille à un moment donné de sa vie, il y a une limite à définir avec une grande sagesse et finesse (ce qui se travaille, dans la réflexion et la prière).
  • Mais aussi parce que si certaines limites sont à rechercher au cas par cas, il me semble qu’il y a quand même des limites qui sont valables pour tous. Qu’une personne ne soit jamais considérée comme un moyen mais toujours comme une finalité en elle-même.

Amitiés fraternelles
Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : Marc Pernot, pasteur à Genève

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Un commentaire

  1. irgvap dit :

    Bonjour,
    Le prolongement de Dieu en nous c’est l’amour véritable, et cela transcende la relation humaine qui peut et doit tout faire pour recevoir et transmettre au mieux cet amour. L’éthique est dans ce que les hommes font au mieux pour permettre, assurer la transmission de cet amour dans les meilleures conditions (exemple PMA).

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