Transcription de la Vidéo :
L’Annonciation est un récit fondateur qui traverse les siècles, mais son interprétation dépasse souvent le cadre de la simple image pieuse pour rejoindre les grandes structures de la pensée humaine.
L’Annonciation : un récit classique de « théogonie »
Au premier chapitre de l’Évangile selon Luc, il y a un récit qui est extrêmement connu et qu’on appelle le récit de l’Annonciation. Il est représenté par tous les plus grands peintres ; c’est un ange qui vient visiter une jeune fille, Marie, à Nazareth, et qui lui annonce tranquillement qu’elle va être enceinte directement de la part de Dieu, sans l’intervention d’un homme.
Alors ça semble un peu curieux comme histoire aujourd’hui, mais à l’époque de Jésus, c’était un grand classique de la littérature mondiale. On appelle ça un récit de théogonie (de Θεός (theós), « dieu », et de γεννάω (gennáô) « engendrer » : les récits où un dieu engendre un enfant). Ça existait dans toutes les cultures : le « grand homme » local naît d’un dieu en croisant une plume, un rayon de soleil, une trace, ou bien Dieu, un ange…
Des parallèles dans la mythologie mondiale
Par exemple, dans la Grèce antique, c’est le cas d’Alexandre le Grand, l’immense empereur, et c’est le cas de Platon, le grand sage, qui serait né d’Apollon. À Rome, ce serait le cas de Romulus et Rémus, les fondateurs de la ville, et de l’empereur Auguste. En Chine, ce serait le cas de Lao-Tseu ; en Mongolie de Gengis Khan. En Mésopotamie, 4 000 ans avant Jésus-Christ, ce serait Gilgamesh. C’est la même histoire chez les Aztèques, chez les Iroquois, chez les pharaons… C’est donc un grand classique de la mythologie mondiale.
Une naissance spirituelle au chapitre 3
Est-ce que l’Évangile serait de cet ordre-là, une mythologie de plus ? Eh bien non. Parce qu’au chapitre 3 du même Évangile selon Luc, il est raconté que l’Esprit descendit cette fois-ci sur Jésus, et qu’une voix vient du ciel — Dieu donc — et lui dit : « Tu es mon fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré. » (Luc 3:22). C’est ce qu’indique la Traduction Œcuménique de la Bible, la plus officielle, fidèle aux meilleurs manuscrits de l’Évangile en grec.
L’expérience mystique du Christ
Par conséquent, Jésus serait né de Dieu directement dans une expérience spirituelle, dans sa démarche, dans sa prière. Tout d’un coup, il a cette expérience mystique qui lui fait vraiment sentir l’attachement indéfectible de Dieu pour lui, et ça l’inspire des qualités proprement divines, ce qui fait qu’il va avoir une vie extraordinaire.
Je trouve que cela fait beaucoup plus de sens que les récits de théogonie pris au sens matériel : Jésus n’a pas besoin d’avoir de l’ADN de Dieu pour être véritablement Fils de Dieu, engendré par Dieu. C’est normal, parce que Dieu n’a pas d’ADN puisqu’il n’a pas de corps fait de protéines comme nous. Par conséquent, Jésus n’a pas l’ADN de Dieu, ni Gengis Khan, ni Platon, ni Gilgamesh évidemment. Nous avons tous un ADN pleinement humain.
Marie comme modèle pour l’être humain
Mais alors, à quoi sert ce récit de théogonie qui est au chapitre 1ᵉʳ, l’Annonciation ? Pourquoi est-ce que Luc nous raconte cela ? Je pense que c’est pour nous inspirer, nous. Parce que dans l’Évangile, Marie est le type de l’être humain idéal que nous sommes appelés à suivre. Nous laisser inspirer par ce personnage, c’est quand même plus à notre hauteur que d’être vraiment comme Jésus-Christ.
La prière comme lieu de l’Annonciation
Alors c’est nous que Dieu vient visiter avec un ange. Quand il y a marqué « un ange » dans la Bible, ça veut dire concrètement dans la prière. L’ange descend vers Marie et lui dit : « Sois joyeuse, toi à qui la grâce de Dieu a été pleinement donnée. Le Seigneur est avec toi, ne crains rien, Marie » (Luc 1:28, 30).
Vous pouvez lire ce verset en remplaçant « Marie » par notre propre prénom et sentir, dans la prière, que Dieu veut votre bonheur, veut votre joie, qu’il a un attachement indéfectible pour vous, un amour pour vous même si vous n’avez encore rien fait, comme Marie : que Dieu est avec vous, et que vous n’avez donc rien à craindre.
Conclusion : la naissance de Dieu en soi
Cela peut vraiment être inspirant dans notre vie, cela peut nous libérer pour essayer de faire de belles choses dans notre existence par le bonheur d’avoir reçu cet amour de Dieu. C’est ainsi que nous pouvons recevoir une dimension divine en nous, comme le dit Angelus Silesius : « Il faut qu’en toi Dieu naisse. Le Christ serait né mille fois à Bethléem, s’il ne naît pas en toi, c’est en vain qu’il est né. »
Mais voilà, à Noël, nous recevons cette nouvelle que Dieu vient en nous et nous donne son Esprit.