« J’ai vu tout ce qui se fait sous le soleil, et voici : tout est vanité et poursuite du vent. » (Ecclésiaste 1:14)
⤑ « Vanité des vanités, tout est vanité » : ce cri retentit, encore et encore, dans le livre de l’Ecclésiaste. Comme le cri d’un désespoir qui nous étreint, parfois, quand on regarde notre vie, quand on perd ses proches, quand on voit nos efforts réduits à néants, peut-être. Il est bien précieux que la Bible mette ainsi des mots sur ce sentiment. Qu’il soit pris en compte car il a une consistance. Qu’il soit ainsi accepté non pas comme une faiblesse : mais comme étant une réalité qui mérite d’être travaillée.
⤑ Il y a quantité de mots pour dire la nullité en hébreu : שָׁוְא (shavé : la ruine), רִיק (riq : le vide), אֱלִיל (eilil : une illusion), תֹּהוּ (tohou : sans forme) et בֹּהוּ (bohou : vide)… L’Ecclésiaste n’utilise aucun de ces mots pour parler de notre existence, le mot traduit ici par « vanité » est le mot hébreu hébel : la légère buée qui apparait devant nos lèvres en hiver. Un presque rien qui disparait quasi instantanément, mais qui n’est pas rien : c’est la trace de notre souffle, le souffle de vie, une réalité divine. Nous connaissons ce mot car c’est le nom d’Abel dans la Genèse, tué par son frère Caïn jaloux de lui, Caïn qui veut dire « possession ». Abel c’est l’être, c’est notre personnalité profonde, et finalement c’est dans la suite d’Abel que naîtra l’humanité à travers Seth. Cette histoire nous appelle à veiller sur cette dimension essentielle de notre être qu’est la réalité spirituelle, et c’est la promesse que, malgré tout ce qui peut arriver, ce souffle de vie qui est en tout humain est plus fort que la mort.
⤑ Quand on examine bien l’existence à la lumière du soleil qui garde ce qui a de la valeur et élimine ce qui n’est qu’apparence : voici ce qui reste et qui donne sa véritable valeur à la vie : le hébel, notre souffle profond, existant en tout être si l’on fait attention à cette si légère manifestation qu’est la buée devant notre bouche. C’est la première chose qui demeure, nous dit l’Ecclésiaste, et une seconde réalité qui est un geste essentiel : « la poursuite du vent ». Cela peut sembler une vaine activité, mais en hébreux cette expression signifie « l’ardente recherche de l’Esprit », de ce souffle de Dieu. C’est ce que l’on cherche quand on a pris conscience qu’en l’humain, ce qui donne sa valeur à l’ensemble, ce qui reste quand tout le reste a disparu : c’est ce souffle profond qui nous anime, qui s’exprime à travers notre personnalité unique, ce souffle éternel car il nous vient de Dieu.
par : pasteur Marc Pernot
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Je vous remercie de votre texte qui m’a saisi aux entrailles, tant il est le reflet de nos existences et de celui du Christ qui disait :
« Et moi j’ai dit:
C’est en vain que j’ai travaillé,
C’est pour le vide et le néant que j’ai consumé ma force;
Mais mon droit est auprès de l’Eternel,
Et ma récompense auprès de mon Dieu. » (Es. 49 : 4)
Je me suis longuement penchée sur le mot hébreu שָׁוְא (shavé : la ruine) corrélé à un sentiment d’impuissance : les « à quoi bon » associés à la tyrannie des si…si je n’avais pas… si j’avais su….sans imaginer un instant que nous avons fait ce que nous avons pu dans nos circonstances du moment.
Et pourtant, malgré ce sentiment de vide, cette certitude demeure : « Car en ceci ce qu’on dit est vrai: Autre est celui qui sème, et autre celui qui moissonne. » (Jean 4 : 37). Nous sommes collaborateurs de Dieu et lui seul sait le temps et le lieu où doit germer la semence jetée dans nos coeurs et dans les coeurs.
Peut-être ne verrons-nous pas les fruits de notre travail dans notre existence terrestre, mais je suis encouragée par ce verset d’Apoc. 14 : 13 :
« Et j’entendis du ciel une voix qui disait:
Ecris: Heureux dès à présent les morts qui meurent dans le Seigneur!
Oui, dit l’Esprit, afin qu’ils se reposent de leurs travaux, car leurs oeuvres les suivent. »
Concernant le « hébel, notre souffle profond » je pensais à ces trois versets qui parlent du Souffle, dans le sens « insuffler » :
– L’Éternel Dieu forma l’homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et l’homme devint un être vivant. (Gen. 2 :7)
– Il (Dieu) me dit: Prophétise, et parle à l’esprit! prophétise, fils de l’homme, et dis à l’esprit: Ainsi parle le Seigneur, l’Éternel: Esprit, viens des quatre vents, souffle sur ces morts, et qu’ils revivent ! (Ez. 37 : 9)
– Après ces paroles, il (Jésus) souffla sur eux, et leur dit: Recevez le Saint Esprit. (Jean 20 : 22)
Pour revenir à votre texte :
« Cela peut sembler une vaine activité, mais en hébreux cette expression signifie « l’ardente recherche de l’Esprit », de ce souffle de Dieu. C’est ce que l’on cherche quand on a pris conscience qu’en l’humain, ce qui donne sa valeur à l’ensemble, ce qui reste quand tout le reste a disparu : c’est ce souffle profond qui nous anime, qui s’exprime à travers notre personnalité unique, ce souffle éternel car il nous vient de Dieu. »
Comment ne pas citer Maître Eckart :
« Je ne trouve de goût à la volonté d’aimer Dieu que lorsque je suis unifié, là où le silence de Dieu est le bien le plus grand de la créature et où il est la finalité de l’être et de la vie.
Là, tu peux aimer l’Esprit qui s’écoule de Dieu, lorsqu’il est dans l’unité de la Trinité, là où l’Esprit n’est pas seulement saisi par lui-même, mais que tu le goûtes uni à l’amour, à la bonté de Dieu, là où toute bonté jaillit surabondamment de la bonté de Dieu. »
(Maître Eckart, Sermon 15 : 55, 60)
Bien fraternellement et merci pour ces beaux moments à « penser » vos mots étayants autant spirituellement que théologiquement
Chère Claire-Lise
Grand merci pour cet écho et ce magnifique prolongement.
Dieu vous bénit et vous accompagne
C’est étrange. J’ai toujours perçu ce texte comme un appel à relativiser nos certitudes comme nos réactions aux tribulations du moment.
Bonjour
Du coup est ce que ce verset 14 est bien traduit?
C’est difficile de traduire parfaitement des jeux de mots dans une autre langue
C’est curieux comme les prêtres ont toujours clamé ce « vanité des vanités », en certifiant qu’il voulait dire qu’il fallait mépriser les honneurs, la réussite, la richesse bien sûr. Beaucoup l’ont asséné en chaire, notamment Bossuet (qui n’en était pas à un paradoxe près).
Mais vous expliquez bien que le sens en est complètement différent et heureusement.
Vous auriez dû fonder une académie pour expliquer aux jeunes (et moins jeunes) pasteurs que le rituel n’est pas la foi, et que transmettre l’espérance vaut mieux que mettre perpétuellement l’accent sur les faiblesses humaines.
Merci à vous.