Marc Pernot le 5 octobre 2025 à Saint-Pierre de Genève
Prédication

Régénération et renouvellement : le salut universel selon Tite 3:5-6

Face à l’objection du paradis pour tous (même les tyrans), l’apôtre Paul révèle le secret du salut : une double opération de Dieu. Découvrez comment la Palingénésie (création continuée) et l’Anakainōsis (réparation) garantissent la transformation de l’humain. Une approche théologique inspirante.

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prédication (message biblique donné au cours du culte)
à Genève le dimanche 5 octobre 2025,
par : Marc Pernot, pasteur à Genève

Le Salut de Dieu pour Tous : Une Transformation Radicale

Lors de la dernière prédication, nous avons vu que l’apôtre Paul affirme avec force que la base de l’Évangile est le Salut de Dieu pour tous les humains (Tite 2:11). À la suite de ce culte, plusieurs personnes ont soulevé cette objection majeure : comment peut-on imaginer un paradis où l’on croiserait des figures de la méchanceté historique, des tyrans et des individus notoirement nuisibles ? C’est une question pertinente, à laquelle l’apôtre Paul répond dans ce même passage de sa lettre à Tite. Le salut n’est pas une simple amnistie ; c’est une transformation radicale. Paul l’explique : Dieu nous a sauvés « par le bain de la régénération et du renouvellement par l’Esprit Saint » (Tite 3:5-6).La grâce de Dieu est un amour inconditionnel qui ne peut se résigner à perdre aucune de ses créatures. Nous irons tous au paradis, mais cela passe par une double action de Dieu au bénéfice de chacun : la régénération et le renouvellement.

1. La Régénération : La Création Continuée (Palingénésie)

Le terme traduit par « régénération » est le mot παλιγγενεσία (palingénésie en philo) de παλιν (à nouveau) et de γένεσις (la genèse, la création) : Il ne s’agit pas d’une unique « seconde naissance » mais de notre création poursuivie sans cesse à nouveau. C’est un processus continu, toujours en cours chez chaque personne.

Nous le sentons : il nous arrive parfois le bonheur d’avoir franchi un palier. En tout cas, nous sentons à tout âge que nous évoluons, que nous murissons. C’est cela dont il est question.

Jésus utilise souvent des images agricoles pour illustrer ce qu’est le « Royaume de Dieu », c’est-à-dire cette action de Dieu pour nous sauver : un semeur qui répand abondamment les graines comme des germes de bonté et de création. Ou une graine de moutarde qui devient un grand arbre capable de domestiquer les aspects les plus sauvages de notre nature. Le Psaume 1ᵉʳ renvoie, lui, à l’image d’un arbre irrigué en profondeur, destiné à croître et à porter du fruit en sa saison.

Le terme régénération ne me semble pas bien rendre cette notion de nouveauté, ni l’expression de nouvelle naissance qui pourrait faire penser à une unique nouvelle étape. Il me semble plus juste de parler de création continuée.

Difficulté et Bénédiction de notre Genèse Inachevée

Cette nature inachevée de l’humain est pour nous à la fois une difficulté et une bénédiction.

  • La difficulté est que l’humain est inabouti, imparfait.
  • La bénédiction, c’est que nous sommes libres de participer à notre propre genèse. Et cette création continuée nous fait connaître le bonheur de grandir, d’aimer plus et mieux, d’avoir moins peur, et d’être parfois nous-mêmes source de bonnes nouveautés.

Mais bien sûr, en attendant, toute personne reste imparfaite, à la fois pécheresse et au bénéfice de la grâce de Dieu, de son pardon et de ses bons soins. Cette imperfection pose quand même des problèmes très concrets, c’est ce dont s’inquiétaient nos amis quant à honorer avec bienveillance l’existence de toute personne, et à l’accueillir, en plus, au paradis. Que fait Dieu ?

C’est comme dans un jardin : il ne suffit pas de planter de bonnes graines, de mauvaises herbes poussent joyeusement et des branches mortes bloquent la montée de la sève. C’est pourquoi une seconde opération de salut est indispensable, en plus de la création continuée.

2. Le Renouvellement : La Réparation de l’Humain (Anakainōsis)

Si le terme de palingénésie est un terme hautement philosophique, le terme de renouvellement, en grec ἀνακαίνωσις (anakainōsis), est tiré du vocabulaire quotidien : c’est la rénovation d’un bâtiment ou la réparation d’un objet par un artisan. Dieu est notre créateur continu, il est aussi notre Réparateur d’humain.

La création continuée est purement positive, apportant un supplément d’être. La réparation de l’humain est plutôt comme un soin médical visant à enlever une tumeur. C’est ce qui est mis en image dans le Psaume 1ᵉʳ. Il présente deux portraits, celui du juste et celui du méchant. Le travail de réparation est comparé au vannage du blé : sur l’aire de battage, le vent emporte la paille pour ne laisser que le bon grain dans le panier. Ce vent, ce Souffle, c’est l’Esprit de Dieu.

Quand on regarde cette image de la paille et du grain, il est clair que cela dit que chaque personne est comme un épi, à la fois paille et grain, méchanceté et bonté. On ne peut avoir l’un sans l’autre dans un épi comme dans notre être humain toujours en cours de genèse.

Le jugement de Dieu ne vise donc pas à éliminer certaines personnes, mais à trier au sein de chaque personne, pour garder précieusement sa meilleure part – le grain – et supprimer son côté piquant – la paille.

Le Jugement comme Purification et Transformation

Ce jugement de Dieu est de l’amour bien sûr. Comment en serait-il autrement avec Dieu ? L’amour discerne, valorise et conserve ce qui est bon ou prometteur chez l’autre, même s’il est caché par toute une meule de paille.

Paul témoigne lui-même de cette rénovation, lui qui fut autrefois un furieux intégriste persécutant les autres. Il reconnaît : « Nous étions autrefois insensés, rebelles, égarés, esclaves de toutes sortes de désirs et de plaisirs ; passant notre temps dans la méchanceté et dans l’envie, odieux et nous détestant mutuellement. » (Tite 3:3). L’Esprit l’a soigné de cette méchanceté, mais il a conservé la beauté de son enthousiasme qui est maintenant au service du bien.

Le jugement est ainsi une purification de chaque personne, non une sélection de quelques-unes.

Cette purification est une image récurrente de la Bible : comme la moisson suivie du vannage du blé, comme la vendange et le pressoir qui éliminent les rafles mais gardent la moindre goutte de bon jus, comme le minerai passé au creuset pour éliminer les scories et ne garder que l’or, l’argent et le platine. Une lecture hâtive de la Bible peut se laisser abuser par ces images du juste et du méchant ayant pour conclusion que le méchant sera éliminé et jeté dans les flammes de la Géhenne. En réalité, c’est donc le méchant en chacun qui sera éliminé, et le juste en chacun qui sera précieusement gardé par Dieu.

L’Amour Inimaginable de Dieu

L’idée d’un concours divin où seuls les plus performants seraient sélectionnés est absurde. Même le meilleur d’entre nous a sa part de méchanceté à réparer. Mais surtout, aucun parent digne de ce nom n’abandonnerait ses enfants à la forêt. C’est encore plus inimaginable pour Dieu. Il nous garde tous, cherchant notre croissance positive (par création continuée) et notre guérison (par la réparation).

Par conséquent, oui, nous serons tous sauvés, mais après restauration et élimination de toute méchanceté, de notre paille, de nos pépins et de nos scories. Seul Dieu sait ce qu’il restera d’un Adolf Hitler après une telle restauration, mais ce ne sera plus l’épouvantable tyran, peut-être quelque chose d’aussi mignon et minuscule qu’un nouveau-né.

Mais peu importe, nous verrons bien pour la vie future (pour l’instant, c’est ici que ça se passe). L’important c’est de vivre aussi peu que ce soit ces deux immenses services en notre faveur que sont notre création continue et notre restauration. Dire que ce sont des fruits du travail de l’Esprit en nous montre que ce sont des miracles que nous aurions bien eu du mal à obtenir par notre seule sagesse.

Cette théologie du salut peut nous inspirer dans notre façon de vivre : c’est un regard bienveillant sur l’autre, sans naïveté, discernant le meilleur, le valorisant, l’aidant à se développer. Cette théologie torpille les jugements binaires qui classent les gens et les pays entre « gentils » et « méchants ».

Paul et Jésus : l’Adaptation à la Culture Philosophique

Jésus et Paul ont été inspirés par cette bienveillance de Dieu jusque dans leur façon de s’exprimer ici. Pour dire ce salut de Dieu, ils utilisent le terme de palingénésie. Ils auraient pu citer du Ésaïe, du Jérémie ou du Zacharie pour dire que Dieu a pour projet d’apporter du neuf dans nos vies, mais ils utilisent ce terme de palingénésie, étranger à la Bible et issu de la philosophie stoïcienne. L’attitude de Jésus et de Paul est touchante : ils entendent la culture de la personne qu’ils accompagnent, ils partent de là pour lui proposer un cheminement. C’est le reflet de la tendresse de Dieu et de sa patience : nous avons le droit de tâtonner dans notre façon de penser, de prier, et d’agir : Dieu nous accompagnera toujours pour le meilleur.

pasteur Marc Pernot, église protestante de Genève

Textes de la Bible

Tite 3:3-7

3Nous aussi, en effet, nous étions autrefois insensés, rebelles, égarés, esclaves de toutes sortes de désirs et de plaisirs ; passant notre temps dans la méchanceté et dans l’envie, odieux et nous détestant mutuellement.

4Cependant, lorsque Dieu, notre Sauveur, a manifesté sa bonté et son amour pour les humains 5– non pas parce que nous aurions fait des œuvres de justice, mais en vertu de sa propre miséricorde – il nous a sauvés par le bain de la régénération et du renouvellement par l’Esprit saint (de l’Esprit Saint ?) 6qu’il a répandu sur nous largement par Jésus-Christ, notre Sauveur, 7afin que, justifiés par sa grâce, nous devenions héritiers, selon l’espérance de la vie éternelle.

Matthieu 19:28

Jésus leur dit : Je vous le dis en vérité, quand le Fils de l’homme, au renouvellement de toutes choses, sera assis sur le trône de sa gloire, vous qui m’avez suivi, vous serez de même assis sur douze trônes, et vous jugerez les douze tribus d’Israël.

Psaume 1er

Heureux l’humain, qui ne marche pas selon le conseil des méchants, qui ne s’arrête pas sur la voie des pécheurs, et qui ne s’assied pas en compagnie des moqueurs, mais qui trouve son plaisir dans la parole de l’Éternel, Et qui la médite jour et nuit ! Il est comme un arbre planté près d’un courant d’eau, qui donne son fruit en son temps, et dont le feuillage ne jaunit pas : tout ce qu’il fait réussit. Il n’en est pas ainsi des méchants : ils sont comme la paille que le vent dissipe. C’est pourquoi les méchants ne résistent pas au jour du jugement, ni les pécheurs dans l’assemblée des justes. Car l’Éternel connaît la voie des justes, et la voie des pécheurs se perd.

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14 Commentaires

  1. Pascale dit :

    Je reviens sur cette prédication dans laquelle je vois une certaine ambiguïté, qui du reste est peut-être voulue. Alors que le point de départ concerne une vie par-delà la mort, la suite me semble traiter essentiellement de la vie en ce monde. D’ailleurs, lorsqu’on parle de salut, ce mot évoque pour la plupart des personnes une vie future, alors que dans votre petit dictionnaire de théologie, le salut est à vivre dès maintenant, et désigne plutôt ce que Dieu peut nous apporter en ce monde. Mais ce salut-là n’est pas si universel que cela, car il faut tout de même d’abord s’en saisir pour pouvoir en bénéficier. Alors que, si on imagine que Dieu garde la moindre parcelle de bonté de chaque personne, nul ne peut s’y soustraire.
    Par ailleurs, vu qu’il était au départ question de personnages hors norme, cette prédication m’a aussi fait penser à un livre que j’ai lu il y a quelques années : Les 7 de Spandau. Une journaliste a, entre autres, recueilli des témoignages de quelques uns des pasteurs français qui se sont succédés auprès des sept criminels nazis, condamnés à des peines de prison à l’issue du procès de Nuremberg. Un seul des sept condamnés, Rudolf Hess, est resté incarcéré à l’isolement pendant quarante ans, jusqu’à sa mort. Au cours des dernières années, le pasteur Charles Gabel, qui l’a visité une fois par semaine pendant neuf ans, était persuadé que Hess s’était transformé sur un plan personnel. Dans le livre, il témoigne ainsi : « L’homme que j’ai connu m’est apparu très différent de ce qu’on pouvait raconter sur lui. Et je n’aime pas l’idée qu’un être humain ne puisse pas changer. On voit tous les jours des détenus qui s’amendent. Si on ne croit pas au pardon, à la réinsertion, à la rédemption, alors à quoi sert la prison ? Je crois profondément que Dieu peut avoir une influence sur le cœur des hommes, quels qu’ils soient et dans n’importe quelles circonstances. » Je me pose alors la question : dans un contexte d’isolement, et plus généralement de grande solitude, Dieu peut-il réellement poursuivre son œuvre de création continuée, pour reprendre l’expression utilisée dans la prédication ? Il me semble que cette notion ne peut avoir de sens que dans un cadre d’interaction avec autrui, puisque le but ultime est bien d’augmenter en nous notre capacité à aimer.

    1. Marc Pernot dit :

      Chère Pascale
      Vous avez raison, pour moi, le salut est double :

      1. le fait même d’être considéré comme valable et
      2. le fait d’être mis en forme (guéri et grandi)

      Et cela :

      1. aussi bien pour la vie présente
      2. que pour la vie future, de la même façon.

      Seulement, il me semble que ce qui nous importe le plus est ce qui concerne la vie présente (pour la vie future, nous verrons bien en temps utile, le plus tard possible en ce qui me concerne).

      Avec cette clef que donne Jésus dans son dialogue avec Marthe : c’est le meilleur de nous-mêmes, cette part qui est supérieurement vivante, qui reste vivante dans la vie future, traversant la mort du corps.

      C’est pourquoi je trouve très très intéressant votre récit.
      Grand merci

  2. Lucas dit :

    Dans les évangiles, Jésus semble, pour le moins, très rigoureux, disons même restrictif sur le Paradis. « Les riches n’entreront pas », « La porte de la perdition est large », et ainsi de suite. On serait même tenté de croire qu’il faut être un véritable saint ou un moine dans son monastère pour prétendre avoir accès au Paradis !
    Qu’en est-il réellement ?…
    La porte est étroite, certes, mais pas aussi étroite qu’un trou de souris, espérons-le. Je suis souvent découragé en me disant que, de toute façon, je vais aller en Enfer, étant donné les paroles de Jésus…

    1. Marc Pernot dit :

      Cher Lucas,

      Les paroles de Jésus sont assez déroutantes, c’est tout à fait délibéré de sa part. Il cherche à nous faire entrer ainsi dans un questionnement, pour une autre façon de penser, libérée par notre confiance en Dieu.

      Dans la religion de l’époque, il fallait effectivement faire son paradis grâce à un comportement exemplaire aussi bien religieusement que moralement. L’Évangile de Jésus-Christ, la Bonne Nouvelle, c’est qu’au contraire tout repose sur la grâce de Dieu qui a choisi de nous aimer et donc de nous garder, de nous accompagner dans notre vie présente (et dans sa suite).

      C’est bien ce qui est marqué dans le passage que vous citez. D’un côté, Jésus dit que c’est impossible aux riches d’entrer dans le royaume de Dieu, et puis il ajoute immédiatement ensuite que ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu. C’est à dire que, oui, c’est impossible par nos propres mérites d’entrer dans le royaume de Dieu, il faudrait pour cela, comme vous le dites, être parfait. Mais ça tombe bien car ce qui nous fait entrer dans le royaume de Dieu ne sont pas nos mérites, mais c’est la grâce de Dieu qui a choisi de nous aimer et donc de nous garder. Si Dieu a choisi de nous y donner une place, j’ai confiance qu’il y arrivera, il est assez grand pour se débrouiller. Ça prendra le temps qu’il faudra, Dieu est patient.

      La porte est même beaucoup beaucoup plus étroite qu’un trou de souris ! Jésus dit que la porte est aussi étroite que le trou d’une aiguille à coudre, mais qu’avec Dieu, même un chameau peut passer. (Luc 18:27)

      C’est ce que j’essaye d’expliquer dans la prédication ci-dessus, comment Dieu s’y prend pour nous rendre juste.

      Soyons donc, sans crainte, Dieu nous bénit et nous accompagne. En particulier, vous-même, Lucas.

      Bien fraternellement,

  3. Pascale dit :

    Bien sûr c’est un pur exercice de pensée, mais si on élimine Hitler et consort, on peut alors se demander où situer la limite. De fil en aiguille on peut aller assez loin … jusqu’à celui qui n’a pas donné un verre d’eau ? Peut-être que la difficulté à intégrer une grâce totalement inconditionnelle vient du fait qu’à notre échelle c’est irréalisable, la vie est bien trop complexe. La bienveillance absolue de Dieu ne le met pas en danger, mais pour nous ce serait une autre histoire. Alors, comme vous le suggérez, on peut s’en inspirer un peu et cesser de chercher à donner des conseils à Dieu sur ce qu’il a à faire.

    1. Marc Pernot dit :

      Oui, c’est comme si on décidait d’enlever le dernier wagon des trains afin d’éviter les accidents sur cette partie exposée du train 🙂

      En plus, dans un concours, le dernier reçu a la même note que le premier recalé : pour l’entrée dans une école c’est déjà dur, mais si l’on imagine envoyer ainsi une des deux personnes à l’éternel bonheur et l’autre à l’éternelle torture, ce serait épouvantablement injuste et cruel, non ?

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