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Prédication

Quelle est la recette de l’humain, et du bonheur ? (Genèse 2 ; Ésaïe 43 ; Cantique des cantiques 2 ; 1 Jean 4)

Vidéo :

Enregistrement audio de la prédication / Enregistrement audio du culte

(Voir le texte biblique ci-dessous)

prédication (message biblique donné au cours du culte)
à Genève le dimanche 30 janvier 2022,
par : pasteur Marc Pernot

fioles de chimie - Photo by Raghav Bhasin on Unsplash

Savez-vous de quoi nous sommes fabriqués ?

Par exemple pour faire un gâteau, la recette commence par une liste d’ingrédients : 2 œufs, 200 g de farine, 100 g de sucre, du lait, du beurre et de la levure… Quelle est la recette d’un être humain ? La science nous donne la liste des ingrédients, pour un poids moyen de 71,768 kg, il faut :

  • 55 litres d’eau et 12,600 kg de carbone, nous sommes donc faits au 9/10 d’eau et de charbon.
  • 2,100 kg d’azote, 1 kg de calcium, 700 g de phosphore, c’est à dire quelque chose comme un petit sac d’engrais pour les plantes.
  • 150 g de soufre,
  • 100 g de sel de cuisine,
  • 3 g de magnésium (déjà dans l’engrais)
  • 3 g de fer (1 gros clou),
  • 1 décigramme de cuivre (une agrafe).

Avec cela : combien coûte un humain en matériaux ? Environ 18,50 CHF. Pour ceux qui sont plus légers, on devrait pouvoir s’en sortir avec 10 CHF seulement de matière première.

Pourtant vous valez infiniment plus ! C’est évident. C’est pourquoi la société est prête à payer extrêmement cher pour sauver quelqu’un, en soins médicaux, en éducation, ou en hélicoptère si nous étions en danger en montagne…

Pourquoi est-ce que nous valons si cher, alors que la matière de notre corps est si bon marché ?

 

1ère idée : c’est que nous ne sommes pas de la matière en vrac, mais un corps vivant.

C’est absolument incroyable que de la simple matière inerte puisse être organisée de façon à former un être vivant. C’est encore plus prodigieux que ce corps vivant soit capable de penser, de faire de la musique, d’aller sur la lune, et même, miracle des miracles, que ce corps soit capable de rêver et d’aimer ! Tout cela à partir d’atomes tout ce qu’il y a de plus ordinaires.

Le fait que cette matière soit si bien organisée donne un grand prix à notre être vivant.

 

2ème idée : chacun de nous est unique.

Une pièce unique est toujours plus précieuse qu’une production en série. Or, chacun de nous est unique : il existe un seul exemplaire au monde de chacun de nous, et il n’y aura jamais dans l’avenir quelqu’un d’autre comme nous. C’est ce que nous dit le prophète Ésaïe : Dieu nous connaît en particulier comme une personne unique qui a un grand prix à ses yeux, c’est pourquoi il nous connait par notre nom.

À mon avis, c’est un élément de réponse pour expliquer notre valeur, mais ça ne suffit pas à expliquer notre valeur infinie.

 

3ème idée, c’est l’amour dont nous sommes aimé qui nous donne une valeur infinie.

Par exemple, même un vieux pull peut avoir pour nous une grande valeur parce qu’il est un souvenir, même s’il n’a aucune valeur en lui-même. C’est ainsi que nous avons une valeur infinie pour ceux qui nous aiment. L’amour n’a pas besoin de raisons pour aimer. C’est comme cela que les amoureux s’aiment : tel est l’amour de Dieu pour nous, dit le livre du Cantique du cantique dans la Bible.

Quand on aime une personne : son ami, son enfant, sa grand-mère, son conjoint… si cette personne tombe malade et doit rester au lit, on ne l’aime pas moins pour autant, bien sûr, et on aura envie de s’occuper d’elle d’autant plus, sinon c’est qu’on ne l’aimait pas vraiment. C’est que notre valeur va infiniment au delà de nos seules performances.

Mais alors, que dire d’une personne qui n’a personne pour l’aimer ni même la connaître, pas même quelqu’un pour la regarder, n’aurait-elle pas de valeur ? Il y a des personnes qui vivent dans la rue, inconnues de tous, quand elles meurent, il y a juste marqué sur le papier de décès « un homme d’une trentaine d’année », par exemple. Aux yeux des humains, hélas, ils ne valent peut-être pas grand chose. Et bien : aux yeux de Dieu, ils ont et ils auront toujours une valeur infinie. Comme le dit David dans le Psaume 27 : « Même si père et mère m’abandonnaient, l’Éternel me gardera toujours, lui, dans son amour ».

Nous sommes aimés par Dieu et par quelques personnes qui nous aiment vraiment. Nous sommes aimés avec nos qualités et nos défauts, malgré nos difficultés à faire le bien. Jésus affirme que même les cheveux de notre tête sont comptés par Dieu, pourtant, des cheveux, nous en perdons des dizaines chaque jour, c’est même une partie de notre corps que l’on coupe et jette à la poubelle ! Dieu est donc attaché à nous jusque dans les détails, c’est dire comme nous avons du prix à ses yeux. Pourquoi ? Parce que Dieu est comme ça. L’amour est comme cela.

L’infinie valeur de la personne humaine est ainsi fondamentalement de l’ordre du spirituel. Jésus nous suggère de poser cela comme la base de notre théologie et comme la base de notre façon d’être humain.

C’est assez naturel : c’est ainsi que nous considérons ceux que nous aimons, en étant sensible par dessus tout à cette dimension spirituelle. Nous avons plus de peine à reconnaître notre propre valeur. Au moindre problème, nous avons vite l’impression d’être nul et que nous vie est ratée. Alors que c’est faux. C’est absolument faux. Si la même difficulté arrivait à quelqu’un que nous aimons, nous ne l’aimerions pas moins. Il est donc essentiel d’exprimer notre amour, et de bien prendre conscience de l’amour dont nous sommes aimés, en particulier de cet amour que Dieu a pour nous et que rien ni personne ne pourra nous enlever.

Voilà de quoi l’humain est fait : de quelques matières premières tirées de la terre, d’une organisation géniale de cette matière qui fait de nous un être vivant unique, et de beaucoup d’amours qui font que nous avons une valeur infinie.

 

Nous évoluons un peu chaque jour.

Cela nous donne des pistes d’action pour la vie courante. Car cela se « travaille » d’être humain :

  • Être reconnaissant pour notre corps vivant, dans la louange au créateur de la vie. Soigner ce corps. Même si seulement 3g de fer sont indiqués dans notre composition, nous ressentons de la fatigue si l’on manque de fer et on déprime si l’on manque de magnésium.
  • Se connaître et apprécier notre unicité, respecter et apprécier celle des autres humains. Cela se travaille par l’observation et par l’intelligence, et aussi en aimant et en se sachant aimé. C’est un exercice quotidien.

Ce n’est pas tout. Car nous sommes un être vivant, et même vivant d’une formidable façon : nous évoluons chaque jour. Nous nous transformons.

 

Le bonheur.

Voilà notre nature, voilà de quoi nous sommes faits.

C’est la recette de l’humain, et c’est aussi la recette du bonheur. Car, comme le dit Aristote : le bonheur est d’agir selon notre propre nature.

Le bonheur c’est tout simplement être nous et produire nos fruits à notre rythme. Le bonheur c’est aimer et être aimé. Le bonheur c’est d’évoluer et c’est d’être source d’évolution.

Comment faire pour que notre évolution soit belle et qu’elle nous corresponde, que nous ne devenions pas n’importe quoi ? En faisant appel à un expert : à Dieu, le créateur de la vie, l’inventeur de l’évolution de l’univers, la source de notre capacité à aimer.

La Bible nous suggère de travailler main dans la main avec Dieu, en équipe, afin de créer ensemble l’humain que nous serons demain.

C’est à nous-même que Dieu s’adresse quand il dit « créons l’humain à notre image » (Genèse 1:27) : si tu le veux, toi et moi ensemble nous créerons un être qui te ressemble et qui me ressemble : un être vivant qui soit source de vie, un être vivant qui aime.

Un être pétri de matière, et vivant du souffle créateur de Dieu.

Amen.

pasteur Marc Pernot

Textes de la Bible

Genèse 2

7L’Éternel Dieu forma l’humain de la poussière du sol ; il insuffla dans ses narines un souffle vital, et l’humain devint un être vivant.

8Puis l’Éternel Dieu planta un jardin en Éden, du côté de l’orient, et il y mit l’humain qu’il avait formé. 9L’Éternel Dieu fit germer du sol toutes sortes d’arbres d’aspect agréable et bons à manger, ainsi que l’arbre de la vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal.

 

Ésaïe 43

1Mais maintenant, ainsi parle l’Éternel qui t’a créé, Jacob, qui t’a formé, Israël : Ne crains pas, car je t’ai libéré,
je t’ai appelé par ton nom, tu fais partie des miens…
4Car tu as un grand prix à mes yeux,
que tu as du poids et que moi je t’aime :

5Ne crains pas, car je suis avec toi.

 

Cantique des cantiques 2

10Il prend la parole, mon bien-aimé. Il me dit :

— Lève-toi, mon amie, ma belle, et viens !
11Car voici que l’hiver passe, la pluie cesse, elle s’en va. 12On voit des fleurs dans le pays ;
la saison de la chanson arrive ;
et on entend la voix de la tourterelle…

Lève-toi, mon amie, ma belle, et viens !
14Ma colombe au creux d’un rocher, au plus caché des montagnes,
fais-moi voir ton visage, fais-moi entendre ta voix ; car ta voix est si agréable à mes oreilles, et ton visage si beau à mes yeux. »

 

1 Jean 4

16En Christ : Nous avons connu l’amour que Dieu a pour nous, et nous nous y sommes attachés. Dieu est amour ; celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui.

18Il n’y a pas de crainte dans l’amour, mais l’amour parfait de Dieu élimine toute crainte, car la crainte supposerait une punition… 19Pour nous, nous aimons, parce que Dieu nous a aimés le premier.

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8 Commentaires

  1. Luc dit :

    Immense merci pour cette très belle prédication célébrant la vie, la beauté de l’existence, et une certaine forme d’enchantement et de poésie, et que je mets dans mon anthologie des prédications.
    Très belle sélection de textes bibliques.

    Je reprends une phrase de chaque paragraphe en les mettant en relation avec un extrait des textes bibliques choisis :
    « 1.Le fait que cette matière soit si bien organisée donne un grand prix à notre être vivant. [Genèse 2 : L’Éternel Dieu forma l’humain de la poussière du sol ; il insuffla dans ses narines un souffle vital, et l’humain devint un être vivant, et Esaïe 43 : Car tu as un grand prix à mes yeux, que tu as du poids]
    2. Or, chacun de nous est unique : il existe un seul exemplaire au monde de chacun de nous, et il n’y aura jamais dans l’avenir quelqu’un d’autre comme nous. [Cantique des Cantiques 2 : fais-moi voir ton visage, fais-moi entendre ta voix ; car ta voix est si agréable à mes oreilles, et ton visage si beau à mes yeux.]
    3. L’amour n’a pas besoin de raisons pour aimer. [Genèse 2 : Puis l’Éternel Dieu planta un jardin en Éden, du côté de l’orient, et il y mit l’humain qu’il avait formé.]
    4. Se connaître et apprécier notre unicité, respecter et apprécier celle des autres humains. [1 Jean 4 : En Christ : Nous avons connu l’amour que Dieu a pour nous, et nous nous y sommes attachés.]
    5. Le bonheur c’est tout simplement être nous et produire nos fruits à notre rythme. [Genèse 2 : L’Éternel Dieu fit germer du sol toutes sortes d’arbres d’aspect agréable et bons à manger, ainsi que l’arbre de la vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal.] Le bonheur c’est aimer et être aimé. [1 Jean 4 : Pour nous, nous aimons, parce que Dieu nous a aimés le premier, et Esaïe 43 : Car tu as un grand prix à mes yeux, que tu as du poids et que moi je t’aime ] Le bonheur c’est d’évoluer et c’est d’être source d’évolution. »

    Commentaire sur la phrase :
    « C’est absolument incroyable que de la simple matière inerte puisse être organisée de façon à former un être vivant. »
    Il existe des sortes d’intermédiaires entre la matière et un être vivant multicellulaire : les organes et les circulations, eux-mêmes composés de cellules (et d’eau et d’autres composés chimiques en transit). Or ces cellules sont vivantes. Les cellules de notre corps sont à notre service, comme les instruments d’un orchestre se mettent au service d’un ou d’une chef d’orchestre. Et d’autres cellules sont en symbiose avec notre corps dans notre corps, en particulier dans notre ventre pour la digestion. Et d’autres processus plus ou moins incontrôlés interagissent également à l’intérieur de notre corps : des virus de milliers d’espèces différentes qui font évoluer leur cible en cherchant à se répliquer inlassablement, des bactéries, des microbes qui nous forcent à lutter…
    Certains types d’alimentation, de fruits et légumes (pour leurs fibres et leurs vitamines), de boissons (chaudes en particulier) et de régénérations peut-être après prises d’antibiotiques peuvent améliorer la biodiversité de cette formidable vie symbiotique à l’intérieur de nous-même.
    Un autre point très important, et sur lequel nous avons une influence indirecte, mais matérielle : l’épigénétique. Le code génétique de notre corps (dans les cellules de notre corps, celles porteuses de notre code génétique) est enroulé de molécules chimiques qui activent ou désactivent certaines parties du code, certains gènes. Or l’hygiène de vie, la qualité de l’environnement, et notre propre état d’esprit influent sur cet épigénétique, peut-être même sur celui des gamètes, avec des transmissions intergénérationnelles possibles, quelle que soit par ailleurs la transmission génétique à proprement parler.

    Une partie de l’extraordinaire du fonctionnement du corps en tant qu’hôte des êtres vivants multicellulaires, et donc des humains en particulier, est donc lié aux cellules. Lié à l’origine de la vie biologique, qui est entre autres assemblage des éléments suivants pour les êtres unicellulaires : enveloppe séparant l’intérieur de l’extérieur, processus internes, information codante gouvernant les processus, et capacité de réplication à l’identique ou de façon quasi-identique (légèrement évoluée) ou de façon hybridée (discontinue). Et aussi interaction avec les processus chimiques et physiques extérieurs, et encore avec les virus et autres transferts horizontaux de gènes dans l’environnement (de type soupe primordiale en milieu extrême volcanique, sous-marin, ou autre).

    Et cet origine de la vie biologique est quelque part lié à l’origine du système solaire, lié à la gravitation et autres interactions physiques.
    Et encore avant à l’origine de notre galaxie la Voie Lactée, et encore avant à l’origine de notre Univers observable en expansion, et donc au Big Bang, théorie qui explique pourquoi le ciel n’est pas uniformément lumineux du fait de la multiplicité des étoiles : parce qu’une grande partie de la lumière des étoiles des galaxies de notre Univers (partie liée au Big Bang) qui s’éloignent de nous ne nous a pas encore atteinte, car la frontière mouvante de l’Univers en formation se déplaçait à une vitesse proche de celle de la lumière ! Et la lumière fût [ Genèse 1 : et Dieu dit : « Que la lumière soit ! » Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne. Dieu sépara la lumière de la ténèbre], il y a environ 14 milliards d’années, environ 380 000 ans après le Big Bang selon cette théorie (basée entre autres sur la métrique de Friedmann-Lemaître-Walker-Robertson en relativité générale, une des quelques métriques solutions explicites à l’équation d’Einstein, et qui décrit l’inflation de l’Univers (de la portion qui est liée à celle qui nous est observable) comme un pain au levain qui gonfle dans toutes les directions simultanément).

    Cordialement,

  2. Pascale dit :

    Quand bien même ce n’est pas l’objet de cette prédication, elle fait pour moi écho à une question qui m’intéresse particulièrement en ce moment : l’humain a-t-il une spécificité qui le distingue radicalement de l’animal ? On peut l’examiner sous différents aspects : scientifique, philosophique, théologique. L’évolution des espèces me fascine, les frontières sont de plus en plus floues. Les découvertes scientifiques, que ce soit en biologie, en paléontologie, en éthologie ou autre, donnent lieu à de nombreuses spéculations et me font parfois l’impression que plus on avance, moins on en sait. Peut-être que se poser une telle question est inutile et que l’essentiel est de se concentrer seulement sur notre propre relation à Dieu mais j’ai l’impression qu’en faisant cette recherche c’est en fait Dieu que je cherche.
    Lorsque je lis  » Voilà de quoi l’humain est fait : de quelques matières premières tirées de la terre, d’une organisation géniale de cette matière qui fait de nous un être vivant unique, et de beaucoup d’amours qui font que nous avons une valeur infinie. », je me dis que cette recette de l’humain pourrait être celle d’un chien : lui aussi est de la matière remarquablement bien organisée, chaque chien est unique et il est souvent aimé par quelques humains, peut-être d’une certaine manière par d’autres animaux et j’imagine par Dieu. Mais est-ce la même chose pour une moule ? Cela me paraît moins évident, et dans ce cas où est la limite ? J’ai l’impression que le souffle dont parle Genèse 2 est celui qui distingue un être vivant d’un caillou. Pourtant, par ailleurs, bien des passages de la Bible parlent de cette spécificité de l’humain en allant même jusqu’à lui donner un caractère divin. D’un autre côté encore (j’espère ne choquer personne), s’appuyer pour cela sur la Bible alors que la Bible est écrite par des humains … j’ai finalement l’impression de tourner en rond.
    Mais, même sans réponse, qu’il est bon de se questionner ! (à ce propos merci pour cette incitation si fréquente au questionnement, sans tabou)
    Pour finir, je voudrais ajouter un extrait d’un livre que je viens de lire (« Nous les humains » de Franck Westerman). Cet extrait évoque la découverte à Dmanissi (Géorgie) de cinq crânes dont l’âge est estimé à 1,8 millions d’années, en particulier le crâne n°4 retrouvé édenté, et les deux personnes citées sont une archéologue et une paléoanthropologue. Bien entendu l’idée émise reste une spéculation, mais elle est tellement belle et n’est pas sans rapport, à mon avis, avec la prédication :

    Teona nous apprit que l’un des cinq crânes, le Skull 4 sans dents, avait donné lieu à une nouvelle théorie. À première vue, il ressemblait à un vieillard malade, mais on s’était aperçu, après l’avoir examiné plus attentivement, que l’homme avait vécu encore deux ans après avoir perdu sa denture. Il aurait par conséquent été maintenu en vie.
    « Par ses pairs », précisa-t-elle. Ils lui proposaient des aliments qu’il pouvait avaler, peut-être l’ont-ils nourri.
    Dans le silence qui suivit, j’essayais d’imaginer l’homme de Dmanissi dans le rôle d’assistant de vie. L’idée que l’humain tenait son humanité du soin apporté aux plus faibles était en totale opposition avec la théorie machiavélique de Leakey.
    Teona a appelé cela « a counter-narrative ».
    « Les femmes seraient-elles sensibles à d’autres aspects des choses que les hommes ?
    — Dans le domaine de la science, ce ne devrait pas être le cas. Pourtant, dans la pratique, ça l’est. »
    Teona Shelia nous a raconté qu’entre-temps, l’idée du soin aux plus faibles avait également été adoptée par sa collègue María Martinón, une Espagnole qui a suivi sa formation à Dmanissi. Depuis peu, elle s’est fait connaître par une publication sur les grottes préhistoriques de la sierra d’Atapuerca en Espagne. Lors de ses recherches sur un crâne datant de 400 000 ans et appartenant à une enfant handicapée, elle en est arrivée à la conclusion que la fillette n’avait pas été rejetée à la naissance. À l’aspect de sa denture, on pouvait estimer qu’elle avait entre cinq et douze ans. Cette enfant dépendante n’aurait pas survécu sans les soins des adultes. Comme Teona Shelia, Maria Martinón était acquise à la thèse selon laquelle la spécificité de l’humain consiste à prendre soin des faibles et des malades.

    1. Marc Pernot dit :

      Chère Pascale
      Merci pour ce passionnant apport !
      Il y a un continuum entre le minéral, le végétal, l’animal. Et l’humain et clairement un animal.
      D’où l’importance du spirituel, de la pensée, de ce qui donne du sens, ce qui perçoit les questions et cherche à élaborer notre réponse et à nommer pour ne pas confondre, ce qui consiste à chercher du sens.

      Il y a des animaux qui sont capables de soins de plus faibles. Et de don de soi pour le groupe ce qui contrarie le plus élémentaire instinct de survie.

      Aussi n’est-ce pas sur quelque performance que ce soit que je reconnaîtrais l’humain, mais sur le fait que nous soyons placé ainsi dans cet arbre généalogique. C’est très, peut-être trop basique. Néanmoins, il me semble important d’avoir une pensée sur cette question qui permette de reconnaître comme pleinement humain une personne absolument incapable de performance comme une personne profondément handicapée, ou un sans domicile fatigué que plus personne ne reconnaît, et une personne humaine qui comment des actes que l’on pourrait qualifier d’inhumains.

      Il est vrai que le fait d’être capable de prendre soin d’un autre qui ne nous est pas d’une utilité criante ; et le fait de chercher ce qui, dans l’être d’une personne dépasse sa simple survie, et le fait de chercher ce qui fait source de qualité d’être et de vie au delà du soin du corps : tout cela est une belle espérance pour l’humanité, certes. Et cela me semble essentiel, comme pour un rosier de fleurir. Mais même quand il n’a pas de fleurs un rosier est pleinement un rosier ?

      1. Pascale dit :

        Effectivement reconnaître l’humanité en la liant à une quelconque performance pourrait impliquer que le non performant n’est plus humain, ce qui n’est évidemment pas souhaitable. Mais la capacité d’un groupe à prendre soin des plus faibles n’est pas une performance individuelle et implique justement que le plus faible, et donc aussi le non performant,  continue à faire partie du groupe. Je crois que, au-delà de l’idée elle même,  ce que j’ai trouvé particulièrement touchant c’est qu’on en trouve d’éventuelles traces si anciennes et peut-être aussi qu’on sache encore poser un regard positif. Et merci beaucoup pour vos remarques.

    2. Matthieu dit :

      Bonjour Pascale, Marc,

      concernant la caractérisation de l’humain au sein du règne du vivant sur Terre, en listant points communs (ceux qui sont peu souvent cités) et différences, nous pouvons citer les éléments suivants :
      – les embryons humains prennent successivement la forme de plusieurs formes du règne animal avec de grandes ressemblances morphologiques avec les embryons d’autres espèces (point souvent interprété comme une trace du processus d’évolution sur plusieurs dizaines de millions d’années)
      – les bébés naissent complètement dépendants (par contraste avec les bébés chevaux ou antilopes, capables de suivre leur mère et le troupeau, voire de galoper au bout d’une heure ou moins) ; cette dépendance totale est un point commun avec les primates ; les bébés kangourous et d’autres marsupiaux sont également dépendants mais naissent à un stade moins avancé ; le cerveau des bébés humains continue de se développer après la naissance (sinon leur volume ferait qu’ils ne pourraient pas naître), ceci davantage que chez d’autres espèces
      – les enfants ont une croissance extrêmement lente et nécessitent une éducation très longue par des adultes (parents biologiques, parents sociaux, ou éducateurs) ; cette éducation est liée à la transmission du langage et de la culture (au sens des sciences sociales et de l’anthropologie, ce qui est beaucoup plus général que la « culture générale » par exemple, et correspond plutôt à toutes les pratiques propres à un groupe humain)
      – les humains sont donc capables de langage et de culture transmissible par éducation (par imitation gestuelle, langage oral, ou codification symbolique par écrits, schémas, dessins…) ; d’autres espèces animales en sont également capables, mais à un niveau nettement moindre : langage des animaux, notamment chez mammifères marins, et culture transmissible pour certaines techniques alimentaires chez certains groupes de chimpanzés par exemple
      – les humains sont dotés de la bipédie de locomotion (sauf handicap), comme les oiseaux (ou certains dinosaures leurs ancêtres) ; anatomiquement ceci est notamment lié à la forme du pied (gros orteil non opposable comme le pouce ce la main), à celle du bassin, au développement des muscles des jambes et du dos… ; cette bipédie est l’élément clef qui libère les mains (caractéristique mentionnée dans certains travaux d’André Leroi-Gourhan sur la préhistoire il me semble)
      – les humains ont recours aux mains à pouces opposables pour les tâches pratiques (comme les primates), permettant donc les activités manuelles (y compris écrire, tenir un livre…) ; les zones de contrôle des mains dans le cerveau sont très fortement développées par rapport à toutes les autres espèces de primates (mammifères qui nous ressemblent le plus), permettant une très grande finesse de contrôle des mouvements des doigts, et donc une très large gamme d’activités manuelles
      – comme la plupart des organismes multicellulaires, les humains sont symbiotiques, avec présence de lignées de bactéries symbiotiques non humaines au sens génétique, notamment au sein du ventre pour la digestion ; d’autres types de symbiose sont possibles, comme chez les plantes, les arbres : des bactéries et des champignons au niveau des racines, permettant des transferts et même des communications chimiques avec les plantes et arbres (notamment de même espèce) liés à leur système racinaire par proximité de voisinage ; les symbiotes, les autres bactéries non symbiotiques, les champignons, protistes ou virus présents dans notre corps sont même parfois capables de nous influencer indirectement (effet au niveau du cerveau) ; nous ne sommes pas aussi influençables que des souris, mais certaines souris sont attirées par les chats ou au minimum perdent leur peur des chats (ce qui n’est pas très bon pour leur survie à titre individuel !) du fait du protiste de la toxoplasmose par exemple
      – le coefficient d’encéphalisation (un peu compliqué dans sa définition) des humains homo sapiens est de l’ordre de 7.5 (5.3 pour les dauphins, 2.5 à 5 pour les hominidés préhistoriques (comme les homo Georgicus à Dmanissi) hors Néandertal (entre 5 et 7 ?), 2.8 pour les bonobos, 2.5 pour les chimpanzés, 2.1 pour les macaques, 1.9 pour les éléphants, 1.8 pour les baleines, 1 à 1.2 pour les chats et chiens, 0.9 pour les chevaux, 0.8 pour les brebis, 0.4 à 0.5 pour les souris, rats et lapins)
      – les humains sont capables de s’identifier eux-mêmes, de se reconnaître soi-même dans un miroir, à partir d’environ 3 ans, ce que certaines espèces animales arrivent également à faire, mais pas beaucoup ; pour faire le lien avec le point précédent, il me semble que cette capacité devrait correspondre à un coefficient d’encéphalisation de 1.5 et plus (toutes les espèces au-dessus sont capables de réussir ce test)
      – les humains sont capables de production de biens, services ou d’outils (utiles a priori pour eux-mêmes ou la société) mais aussi de créativité et de création, dans les domaines pratiques comme théoriques, concrets comme abstraits ; ceci ne se retrouve pas ailleurs dans le règne animal, ou alors de façon très limitée (production d’outils à partir de branches pour attraper les termites chez certaines populations de chimpanzés)
      – les humains pratiquent (ou sont capables de pratiquer) des rites funéraires vis à vis des personnes décédées qui leurs sont/étaient chères ; chez les animaux, les éléphants se recueillent parfois longuement en touchant de leur trompe les crânes d’éléphants de leur troupeau qu’ils connaissaient, en reconnaissant probablement leur odeur
      – les humains sont capables de religiosité : croyance en l’existence d’une (au moins) dimension suprasensible ou métaphysique de la réalité
      – le dimorphisme femmes/hommes est modéré (les paranthropes aujourd’hui disparus, des hominidés mais qui ne sont pas nos ancêtres, avaient un dimorphisme plus proche de ceux des gorilles, avec des mâles plus grands/volumineux), ce qui a des implications sociales et culturelles (éventail de structures familiales et organisations sociales possibles)
      – les humains sont des animaux sociaux (Aristote ?) ; ce qui est un point commun avec les insectes sociaux, et les animaux pouvant vivre en meutes (loups), harems (gorilles, lions), clans (singes), hordes (zèbres, gnous, buffles, antilopes…), bancs (de poissons, d’oiseaux comme les martinets…)… ; à titre individuel, on peut caractériser la tendance à l’extraversion (sociabilité combiné à la capacité à s’intéresser à autrui pour lui-même) ou à l’introversion (études, lecture, méditation, réflexion, créativité, création…), l’épanouissement a priori le plus complet correspondant peut-être à un double développement simultané de l’extraversion et de l’introversion, et ce dans plusieurs domaines d’activité, mais au choix de chacune/chacun bien entendu, et surtout à son rythme et selon ses capacités, sa nature, ses choix, préférences et inclinations…
      – selon la Bible, les humains sont aussi des esprits, ayant donc une part divine (métaphysique ?) en eux-mêmes ; elle ne dit rien des animaux il me semble ; et s’inscrivent dans une échelle du vivant qui continue dans le Ciel (dans notre intériorité ou dans la dimension métaphysique) pour aller jusqu’à Dieu, avec de possibles puissances intermédiaires entre humains et Dieu (Jésus humain-Messie ressuscité ou humain-dieu (subordinatianisme) ou humain-Dieu (une des trois hypostases du Dieu-Trinité en trois personnes, les trois personnes-hypostases ayant la même substance), Esprit Saint ou Souffle de Dieu, anges et autres créatures enchantées existants ou non…)

      1. Matthieu dit :

        PS concernant la production de biens, services ou d’outils : les castors construisent des barrages, les oiseaux et d’autres espèces font leur nid ou leur habitat, de nombreux mammifères construisent des galeries souterraines, les fourmis et les termites sont comme des architectes (termitières…).
        On peut parler plus généralement d’espèces ingénieur de l’écosystème : https://fr.wikipedia.org/wiki/Esp%C3%A8ce_ing%C3%A9nieur
        A ce titre, les humains sont une espèce ingénieur : animal social – ingénieur de l’écosystème.
        Capables de déforestation, de désertification, mais aussi de re-végétaliser les villes et espaces périurbains voire certains déserts selon que l’aménagement local du territoire est plus ou moins en symbiose avec la biodiversité locale ou planétaire…

  3. Pierre dit :

    Bonjour

    Tout d’abord un grand merci pour tout ce que vous mettez sur internet.

    Contrairement à mon habitude je voudrais régir à votre prédication du 30 janvier dernier, sur les deux thèmes abordés, la valeur égale que tout homme a devant Dieu, et la vocation de l’homme au bonheur.

    Avant tout je tiens à préciser que je suis un farouche partisan de la laïcité à la française. Cette laïcité ne nous empêche nullement d’exprimer ni de défendre nos valeurs et opinions (du moment que tout ceci ne trouble pas l’ordre public) et parfois je me désole de l’attitude timorée de l’EPUdF dans ce domaine.

    Ainsi lorsqu’un président de la république française ose affirmer « qu’il y a des hommes qui ne sont rien » j’aurais aimé que la valeur égale de tout homme soit réaffirmée avec force et que des dizaines de prédications comme celle du 30 janvier aient été entendues dans les temples français les dimanches qui ont suivi.

    De même lors que la France est en période électorale, le silence de l’EPUdF me paraît assourdissant. Un tiers des français s’apprête (paraît il) à voter pour des candidats qui veulent renvoyer les émigrés ou les priver de leurs droits, (et que certains candidats le proposent « au nom des valeurs chrétiennes ! ») ne serait il pas opportun de rappeler les vraies valeurs de l’Evangile ?

    Dans la seconde partie de votre prédication vous parlez du bonheur. Or à ma connaissance un seul candidat ose en parler ! Les 2/3 veulent au contraire les contraindre à travailler toujours plus ! Or je considère que les progrès de l’automatisation font que travailler 2 jours par semaine serait largement suffisant pour produire ce dont nous avons vraiment besoin. Dans de nombreux domaines il y a plus de personnes pour nous inciter à acheter ce dont nous n’avons pas besoin (marketing, publicité, vente ,…) que de personnes pour fabriquer les produits !

    Dans cette volonté de faire travailler les hommes encore et toujours plus je me demande si les chrétiens n’ont pas leur part. En effet Gn 4,16-19 est le plus souvent caricaturé par :

    – tu enfanteras dans la douleur

    – tu gagneras ton pain à la sueur de ton front

    En ce qui concerne la première phrase que l’on songe aux débats de XX° siècles pour faire admettre l’accouchement sans douleur, face à la majorité des médecins et des églises. Et je ne suis pas sûr que le combat soit totalement gagné.

    La deuxième phrase n’est pas combattue tant elle apparaît comme une évidence. Et elle me paraît même faire partie des grands enseignements des églises pour qui ne l’oublions pas l’obéissance et l’ordre font partie des vertus cardinales.

    Aussi j’ai vraiment apprécié que vous rappeliez aux protestants, que « Dieu est Amour » Je crois que Dieu ne veut pas le malheur l’homme et comme vous le rappelez en le créant à son image il en fait un créateur.

    L’homme peut être heureux en créant dans son travail, mais il peut sans doute l’être encore plus en créant dans la liberté du lien, de la beauté.

    Oui que les protestants proclament haut et fort que « La Bible nous suggère de travailler main dans la main avec Dieu, en équipe, afin de créer ensemble l’humain que nous serons demain », que c’est la volonté de Dieu que nous nous engageons à suivre dans le Notre Père. Et que la vie n’est pas de souffrir en accomplissant des « bullshit jobs », seule perspective que nous propose la majorité des candidats à l’élection présidentielle.

    Avec mes fraternelles amitiés

    1. Marc Pernot dit :

      Cher Pierre
      Grand merci pour ces encouragements. Et désolé du délai de réponse, j’ai été débordé par des services funèbres, en plus du service habituel.
      Franchement, je préfère que les autorités administratives de l’église ne s’expriment pas, et encouragent les paroissiens de base à le faire. Je pense cela plus conforme à notre vision d’une église au service de tous, et qui ne se prend pas pour tous.
      L’église est là pour aider les fidèles à ouvrir les yeux, les oreilles et le cœur, à se sentir concerné, à discerner personnellement par la réflexion personnelle dans la prière ce qu’il convient à cette personne de faire, et qu’elle puisse le faire. Dans la confiance dans l’aide et le pardon de Dieu. Le service de l’église est ainsi de bas en haut.
      Quand les autorités de l’église se met à parler au nom des protestants, cela chasse de l’église des personnes qui ne sont pas d’accord, car elles ressentent qu’elles ne sont pas à leur place dans cette église, voire ne pas avoir leur place dans la foi chrétienne si en plus les autorités de l’église se sont exprimées au nom de Jésus-Christ. Or, ce seraient précisément les personnes qui ne sont pas d’accord qu’il seraient bon d’avoir dans l’église pour travailler avec ces personnes.
      Même quand l’église a raison et s’exprime : le a l’air, aux yeux du monde, que les individus sont invités à ne pas penser et à s’aligner avec ce que l’église, ce qui dessert profondément l’annonce de l’Evangile. Mais en plus, hélas, un groupe est souvent d’une qualité moyenne, la moyenne de ses participants, cela fait que l’église, en tant que groupe, est rarement très prophétique. Par exemple elle a eu un métro de retard en ce qui concerne la place des femmes (libérée officiellement en France des les années 60 !), la place des homosexuels (dont le couple a été reconnu par l’église extrêmement tard), pendant la 2e guerre, si des individus ont eu des comportements admirables, en tant qu’institution, je n’ai pas l’impression que l’église ait brillé par son engagement…
      Voilà pourquoi, personnellement, je préfère que les autorités des églises se concentrent sur leur vocation de servir les personnes, nourrissant leur foi et leur réflexion, les amenant à s’engager.
      J’ai l’impression que la Bible a inspiré une réelle avancée sur bien des points, et ce n’est pas fini. C’est lent car chaque génération a à revivre des million d’années d’évolution, et repart avec une conscience entièrement à développer.
      Pour le statut de l’humain face au travail, la centralité du commandement du shabbat est particulièrement intéressant : garder une journée par semaine, valorisée, où l’on ne produit rien et où notre dignité et celle de cette journée sont magnifiées. C’est quelque chose d’important. Et le fait que l’humanité est un corps avec des membres différents et tous essentiels. C’est un des immenses fondamentaux à mon avis. Bref la Bible me semble être un outil fantastique, et c’est précisément ce qui doit être travaillé avec la population pour l’émanciper, pour qu’elle ait des valeurs, qu’elle s’engage.
      Bien fraternellement

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