Marc Pernot le 16 juin 2024
Prédication

Que faire face à la violence de notre humanité ? (Genèse 3 à 12 ; Matthieu 10:16)

Le livre de la Genèse parcours les facettes de la violence humaine avant qu’avec Abraham soit amorcé une issue possible, qui se réalise en Christ. qui nous envoie dans le monde avec foi et intelligence

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pasteur Marc Pernot

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à Genève, le dimanche 16 juin 2024,
par : pasteur Marc Pernot

Prédication (message biblique donné au cours du culte)

Dans le début de la Bible, il y a un récit pathétique où Dieu regarde l’humanité qu’il a créée et en est terriblement déçu, jamais il n’avait pensé qu’elle serait tellement violente « L’Éternel vit que la méchanceté des humains était grande sur la terre, et que toutes les pensées de leur cœur se portaient chaque jour uniquement vers le mal. L’Éternel se repentit d’avoir fait l’humain sur la terre, et il fut affligé en son cœur. »(Genèse 6:5-6). La violence humaine ne date donc pas d’hier. Ce récit du regret de Dieu d’avoir créé une telle humanité est vieux de 6’000 ans en Mésopotamie, et il a été ensuite repris par les hébreux dans la Bible.

La Genèse nous propose ainsi de porter notre regard sur la violence de notre humanité, d’en chercher les racines et ce que nous pourrions faire, avec Dieu, avec son aide. Cette méditation couvre les chapitres 3 à 11 de la Genèse, juste après les récits de la création et avant qu’au chapitre 12 l’histoire d’Abraham et de Sarah dessine un chemin d’humanisation de l’homme, en avançant pas à pas vers ce que Dieu espérais : un humain qui est une bénédiction et non une catastrophe.

Ce que l’histoire d’Abraham promet, c’est le Messie, le Christ, qui le réalise. Jésus nous associe à ce service : avec un réalisme saisissant, il nous prépare à agir dans notre monde tel qu’il est. (Matthieu 10:16).

Genèse 3 : l’hubris humaine

La violence apparait dans le récit biblique dès le premier épisode avec l’hypocrisie d’Adam et Ève n’assumant rien et rejetant leur faute sur l’autre. C’est ce que nous voyons dans bien des conflits. La première violence mise en scène dans la Bible est ainsi toute simple, elle est intime et domestique.

Elle se tourne contre Dieu, contre nos plus proches et donc contre nous-mêmes. Cela attire notre attention sur la banalité de la violence et de ses racines en nous.

Adam et Ève veulent se faire dieu à l’égal de Dieu. Être violent est toujours prendre un peu la place de Dieu. C’est pourquoi ce récit est placé en tête. Ce n’est pas un « péché originel » comme il a été dit dans des théories inventées au début du Ve siècle, ce dont il est question dans cet épisode n’est pas de l’histoire passée, c’est une attitude qu’il est bon de savoir repérer pour s’en guérir. Cette folie d’Adam et Ève s’appelle l’hubris, la folie de se prendre d’une certaine façon pour un dieu. Ça rend la vie compliquée, violente, autodestructrice.

Genèse 4 : l’incapacité de communiquer

Vient ensuite dans la Bible l’histoire de Caïn assassinant son frère Abel. Quel est la racine du problème ? La jalousie. Abel ne lui faisait aucun tort, Caïn en est seulement jaloux. C’est le second ferment de violence.

Ensuite, Caïn a un problème de communication. Il voulait honorer Dieu, ce qui est un bon geste, mais il ne comprend pas Dieu : c’est un manque d’écoute et un manque de théologie. C’est la même chose avec son frère : Caïn veut parler à son frère, ce qui est un bon geste, mais il n’arrive pas à communiquer autrement que par la violence, par l’ultime violence qu’est la négation de l’autre, le meurtre. Pour pouvoir s’exprimer autrement que par la violence, il faudrait avoir appris à écouter l’autre, à se parler, à se connaître.

Pourtant, Caïn a un bon fond, de bons élans vers Dieu et vers son frère, mais sans profondeur. Dieu lui explique qu’il a les clefs en lui-même pour élever son regard et dominer son mal, au lieu de se laisser dévorer par sa propre colère.

Le problème est que cette violence déborde, elle devient pour Caïn un système quand il s’auto-justifie avec son « Suis-je le gardien de mon frère ? » : cela montre une conception de l’humanité qui serait comme un nuage de poussières indépendantes au lieu d’être comprise comme un corps. Cela ouvre à toute violence. Et là encore, c’est tellement contemporain.

Genèse 8 : la violence naturelle de l’humain

Le très ancien récit du déluge montre Dieu se convertissant, littéralement. Au début, nous avons l’image d’un Dieu qui cherche à éradiquer la violence de l’humanité par la violence, et à la fin nous avons ce passage où Dieu promet de rester calme et aimant pour ses créatures même quand elles le décevront. C’est évidemment pour nous que cela est raconté, car Dieu, lui, est depuis toujours et pour toujours uniquement bénédiction pour chacun. Ce récit nous invite à évoluer.

Quel était la racine de cette violence de Dieu ? La tendance à juger, et à juger sans nuance : à tantôt diaboliser l’autre (ce qui déshumanise notre ennemi), et parfois à idéaliser l’autre (au risque d’être déçu et blessé).

Quel remède ? Dieu va reconnaître que l’humain est un être complexe, à la fois loup et brebis, comme le dit Jésus. Dieu choisit de faire alliance avec l’humain tel qu’il est, sans être dupe. Pour cela Dieu travaille sur lui-même afin de ne pas se laisser contaminer par la violence de l’autre en devenant lui-même violent en retour, mais en gardant, même unilatéralement, son alliance et sa bénédiction.

Genèse 11 : le collectivisme tue l’individualité

Après l’individualisme de Caïn, une autre forme de violence, inverse, est soulignée par le récit suivant, celui de la ville et la tour de Babel. Cette violence c’est celle du collectivisme qui impose une uniformité de pensée et d’action. Dans un sens, l’intention est bonne. Mais l’alliance, la véritable alliance que nous propose la Bible, ce n’est pas l’uniformité, ce n’est pas la négation de l’individu et de sa personnalité, au contraire, c’est une association, ce sont des liens d’attachement et de bienveillance qui mettent en valeur les dons et les particularités de chaque membre.

Après ces récits fondamentaux explorant les diverses racines de la violence humaine, la Genèse ouvre la saga d’Abraham qui nous propose une issue :

Genèse 12 : la bénédiction d’Abram

C’est pour chacun d’avoir le courage de sortir du lot pour devenir lui-même : « sors de ton pays, de la maison de ton père… » ce n’est pas contre notre pays ou notre famille, au contraire, c’est en prenant en compte ce que nous avons reçu, en partant de là et en le prolongeant de ce que nous sommes personnellement. C’est ce que l’on appelle en théologie la sanctification : Dieu fait de nous un « saint », une « sainte », non que nous soyons parfait, le personnage d’Abraham est très très loin de l’être, mais Dieu nous voit ainsi, comme un individu précieux, singulier qu’il appelle à prendre sa place dans l’ensemble à sa façon, d’une belle façon. C’est le fameux appel de Dieu à Abraham : לֶךְ־לְךָ֛ « Lère Lèra » : « vas vers toi-même… » « je te bénis et te bénirai, je grandis ton nom, et sois bénédiction ».

« Être bénédiction » ? tel est son appel, et Dieu nous en donne les moyens. Il nous élève comme on élève un enfant : en l’aidant à grandir, en l’aidant à devenir lui-même. Être bénédiction c’est littéralement s’articuler avec Dieu, s’articuler avec les autres. En hébreu, le mot « bénédiction » dérive simplement du mot « genou », cette articulation qui nous permet d’avancer. Une articulation c’est à la fois un attachement à l’autre membre (la jambe avec la cuisse) tout en laissant une liberté à l’autre. C’est ainsi qu’entre nous et Dieu il peut y avoir une bénédiction, une articulation faite d’attachement et de liberté. De même dans notre pays, notre famille, avec un collègue, conjoint, enfant, voisin, ami : il y a bénédiction quand il y a un attachement fidèle permettant à chacun d’être lui-même.

Comme solution à la violence humaine, ce texte nous propose de répondre à cet appel et cet aide de Dieu nous permettant d’avancer vers une version de nous-même plus aboutie où nous sommes une bénédiction. Un peu plus une bénédiction, un peu plus concrètement. C’est un appel que nous recevons, et c’est un travail, comme quand on marche pas à pas.

Et là encore, pas d’idéalisme. Jésus nous invite à travailler avec ce monde bien réel.

Matthieu 10 : Jésus associe intelligence et foi

Jésus nous envoie tel que nous sommes vers des humains qui sont tous plus ou moins à la fois brebis et loups, comme nous. Ces paroles de Jésus sont une citation d’Ésaïe (11:6) qui parle du temps où le Messie aura fait son œuvre. C’est pour faire ce travail que Jésus nous appelle : que l’agneau qui est en nous domestique le loup qui est en nous et dans le monde : « Voici, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. Soyez donc intelligents comme les serpents, et purs comme les colombes. » Comment allons-nous faire pour que notre brebis soit une bénédiction tout en étant le moins possible le repas du loup, contaminée par sa violence ?

À nous qui sommes déjà mi brebis, mi loup, Jésus nous invite à être encore serpent et colombe. Jésus reprend ici deux figures des premiers récits de la Genèse que nous avons évoqués. Le serpent évoque l’intelligence, la subtilité (Ge 3:1). La colombe évoque l’Esprit de Dieu qui nous est donné et qui amène dans son bec un rameau d’olivier, un tout début de bourgeon de bénédiction. Il est bon d’associer les deux : l’intelligence du serpent et la pureté de la colombe. L’intelligence subtile pour discerner entre la brebis et le loup, sans naïveté ; et la pureté de la colombe qui tient radicalement l’idéal de bénédiction. À Adam et Ève il manquait la colombe : le serpent de leur intelligence est devenu une intelligence maligne. La pureté de la colombe sans le discernement de l’intelligence pourrait tourner à l’intégrisme, refusant d’aimer ces êtres mi brebis mi loups et de leur rester attaché.

C’est en articulant l’intelligence et la foi, la lucidité et l’idéalisme, la contemplation et l’action, que nous pourrons être une bénédiction, et donc source de paix en nous et dans ce monde.

Avec l’aide de Dieu.

pasteur Marc Pernot

Textes de la Bible

Genèse

Chapitre 3:11L’Eternel Dieu dit: Est-ce que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de manger? 12L’homme répondit : La femme que tu as mise auprès de moi m’a donné de l’arbre, et j’en ai mangé. 13Et l’Eternel Dieu dit à la femme : Pourquoi as-tu fait cela ? La femme répondit : Le serpent m’a séduite, et j’en ai mangé.

Chapitre 4:6L’Eternel dit à Caïn : Pourquoi es-tu irrité, et pourquoi ton visage est-il abattu ? 7 Si tu agis bien, tu relèveras ton visage, et si tu agis mal, le péché se couche à la porte, et ses désirs se portent vers toi: mais toi, domine sur lui. 8Cependant, Caïn adressa la parole à son frère Abel ; et comme ils étaient dans les champs, Caïn se jeta sur son frère Abel, et le tua. 9L’Eternel dit à Caïn : Où est ton frère Abel ? Il répondit : Je ne sais pas ; suis-je le gardien de mon frère ?

Chapitre 8:21L’Eternel dit en son cœur : Je ne maudirai plus la terre, à cause de l’humain, parce que les pensées du coeur de l’humain sont mauvaises dès sa jeunesse ; et je ne frapperai plus tout ce qui est vivant, comme je l’ai fait. 22Tant que la terre subsistera, les semailles et la moisson, le froid et la chaleur, l’été et l’hiver, le jour et la nuit ne cesseront point. 9:1Dieu bénit Noé et ses enfants, et leur dit : Soyez féconds, multipliez, et remplissez la terre.

Chapitre 11:1Toute la terre avait une seule langue et les mêmes mots. 2Comme ils étaient partis de l’orient, ils trouvèrent une plaine au pays de Schinear, et ils y habitèrent. 3Ils se dirent l’un à l’autre : Allons ! … 4bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet touche au ciel, et faisons-nous un nom, afin que nous ne soyons pas dispersés sur la face de toute la terre.

Chapitre 12:1L’Eternel dit à Abram : Va vers toi-même, hors de ton pays, de ta patrie, et de la maison de ton père, dans le pays que je te montrerai. 2Je ferai de toi une grande nation, et je te bénirai, je rendrai ton nom grand, et tu seras une bénédiction.

Matthieu 10:16

Jésus dit à ses disciples : « Voici, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. Soyez donc intelligents comme les serpents, et purs comme les colombes. »

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3 Commentaires

  1. Jean dit :

    L’aujourd’hui de notre monde toujours est d’être en transformation ou en gestation. Nos Communautés (peu importe lesquelles) sont en crise. Chacun essaie de passer sur la rive de la quiétude. Quelle est-elle ? sinon celle de la foi. Les forces se déchainent avec leur violence. Tout passage est déracinement, de là nait l’Espérance. Les meilleures organisations, les plus belles institutions se démantèlent à l’image des hommes ( même agréés) qui les servent. Tout se déconstruit. Quelque part, cela sonne le tocsin, la fin de mission dont y compris celle dite « religieuse » peu importe les domaines :éducation, justice, défense, médecine, culture, social… Quelle attitude? Chacun le sait : il est nécessaire « d’être debout ! », « faire face » être acteur dans le monde de tous hommes pour que, la sérénité règne et restent en dehors de notre barque « ces flots, ces tempêtes insufflées fréquemment par des « aventuriers » ou « magouilleurs » de tous ordres.
    Soyons donc debout! n’en déplaise aux tripatouilleurs en tous genres. Oui, le « package d’homme de bonne volonté » fonctionne quand il s’ouvre aux vertus.

  2. Pascale dit :

    J’ai adoré ce paragraphe : « Genèse 8 : la violence naturelle de l’humain ». Vous invitez souvent à lire un passage de la Bible en prenant la place des différents personnages. Ici on fait fort, puisque c’est à la place de Dieu qu’on est invité à se mettre. C’est assez osé. Merci, ne serait-ce que pour cela. Et c’est vrai que pour éviter d’être soi-même violent il vaut mieux avoir un Dieu qui ne le soit pas.
    Face à la violence, il y a une chose qui me paraît aussi assez essentielle, c’est l’éducation, la transmission. Pour pouvoir lutter contre sa propre violence il faut déjà la reconnaître et être persuadé de sa nocivité. Lorsque Caïn tue son frère cela ne semble lui poser un problème que lorsqu’il commence à dialoguer avec Dieu. Avant cela il n’a pas l’air d’être conscient que ce ne serait peut-être pas une bonne idée de tuer son frère. Le Décalogue ne viendra que plus tard. D’ailleurs certaines des dix paroles sont bien une réponse aux racines de la violence que vous évoquez ici, à commencer par la première, ne pas se prendre pour Dieu. Alors, même si on désapprend un peu trop facilement,  l’éducation reste donc primordiale, et ce n’est pas toujours si évident dans les petites choses du quotidien, où la violence peut avoir de multiples visages, en tant que parent ou éducateur de toutes sortes, car la meilleure éducation est l’exemple.

    1. Marc Pernot dit :

      Grand grand merci, Pascale.

      Effectivement, je lis la conversion de Dieu au déluge comme un appel à convertir notre théologie, et donc notre propre façon d’être.

      Ensuite, c’est normal de suivre les traces de Dieu, car l’idée que nous nous faisons de Dieu est par définition le juste ultime. Mais de toute façon, c’est comme en vélo si l’on fixe un cailloux qui est sur la route notre roue file droit sur le cailloux, de même quand on a une théologie, une certaine notion de Dieu, cela nous façonne à l’image de notre théologie. C’est pourquoi il est quand même important de faire de la théologie, ce n’est pas seulement un jeu intellectuel abstrait, cela change profondément notre façon d’être et d’agir.

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