10 décembre 2023

Marc Pernot le 10/12/2023
Prédication

Providence : Dieu vient nous secourir. Oui, mais comment ? (Romains 8:26-39)

Texte, vidéo et poscasts de la prédication. Ceci est un témoignage personnel. N’hésitez pas à donnez votre propre avis ci-dessous.

pasteur Marc Pernot

 

Vidéo :

Podcast audio de la prédication / Podcast audio du culte

(Voir le texte biblique ci-dessous)

texte de la prédication à imprimer

prédication (message biblique donné au cours du culte)
à Genève, le dimanche de l’escalade, 10 décembre 2023,
par : pasteur Marc Pernot

La providence : Dieu qui tirerait les ficelles du destin ?

L’hymne officiel de la République de Genève, le « Cé qu’é lainô » (texte ci-dessous) chante la providence de Dieu, son secours dans notre histoire. C’est « celui qui est en haut », « le bon Dieu », « qui tient dans sa main la victoire. »

Cette théologie n’est pas sans poser des questions. Pour l’incroyant, mais aussi pour le croyant car cette théologie fait se heurter notre foi et notre expérience de la vie : Dieu vient nous secourir ? Vraiment ? Oui, dans un sens mais comment nous aide-t-il ?

Car nous observons que l’accident, la catastrophe ou la maladie frappent souvent aveuglément, sur des personnes qui ne sont ni pires ni meilleures que d’autres (c’est ce que fait remarquer Jésus à plusieurs reprises Luc 13, Jean 9). Et il existe de vraies canailles qui, hélas, l’emportent ; massacrant, violant, pillant le pays voisin, la maison de son prochain, l’héritage de ses frères…

Les athées ont alors beau jeu de nous dire face à ces événements « Alors, où est-il votre Dieu ? » (comme dans le Psaume 115). C’est souvent notre propre conscience qui nous crie cela quand le mal nous frappe, nous ou ceux que nous aimons. C’est ainsi qu’une certaine pensée de la providence de Dieu a fait plus d’athées que tous les militants athées du monde. Ces personnes perdent la foi en un dieu qui n’existe effectivement pas : une idée, un fantasme de dieu tout-puissant, faisant la pluie comme le beau temps, envoyant la guérison comme la maladie selon son bon désir. Cette théorie est épouvantable pour celui qui souffre car alors comment lutterait-il contre les causes de cette souffrance si c’est Dieu qui la lui envoie ? Et comment avoir confiance et aimer un Dieu capable de faire souffrir alors qu’il aurait pu l’empêcher ?

Cette théorie d’une providence mécanique de Dieu, tenant tout dans ses mains, la santé comme la maladie, la victoire et la défaite : cette théologie fait des dégâts épouvantables, elle n’est pas cohérente avec l’amour de Dieu manifesté par Jésus-Christ ? Oui : eh bien cela nous appelle à évoluer dans notre théologie, voilà tout. Ce serait dommage de jeter le bébé Jésus avec l’eau du bain. Une autre théologie est possible, une autre idée de la providence, qui nous permet de vraiment vivre le secours de Dieu dans notre vie. Une aide puissante.

Veiller et prier : pour l’athée comme pour le croyant

Ce que nous dit d’abord Jésus c’est « veillez et priez » afin de pouvoir faire face aux difficultés (Matthieu 26:41).

Excellent conseil, et contrairement à la première intuition : il n’est pas obligatoire d’être « croyant » pour le faire, et c’est déjà source de victoires inattendues. C’est pourquoi les athées peuvent s’inspirer de ce chant de louange à Dieu qui est l’hymne genevois de l’Escalade. Regarder vers le haut, comme le suggère les premiers mots du « Céqu’é lainô » : porter ses regards sur ce qui est élevé, ce qui est bon, bien, juste et beau dans le monde, dans les autres et en nous-même : cette simple pratique de la pensée positive est certes un peu basique mais c’est déjà un « veiller ».

Et cette observation positive devient un début de prière si l’on cherche ce qui, dans notre vie, a pu nous aider à l’emporter sur ce qui nous blessait et nous tuait. C’est chercher ce qui a été pour nous « le maître des batailles qui a tenu dans sa main la victoire ». Discerner ce qui nous a été un secours dans la peine et se recentrer sur ces sources de mieux. Nous avons là déjà un premier degré du « veiller et prier » de Jésus, et c’est vrai que c’est une grande aide sur le chemin de notre vie.

L’aide de Dieu est plus qu’une sagesse

Mais il y a bien plus. Dieu n’est pas seulement un mot valise pour dire ce-qui-est positif-et-source-de-mieux-dans-notre-vie. Une fois que l’on a abandonné l’idée trompeuse d’un Dieu magicien qui tient dans sa main la pluie et le beau temps, il serait bien dommage d’aller à l’autre extrême et de perdre cette dimension de transcendance qu’est Dieu : une force, une inspiration, un acte de création qui dépasse tout ce qu’offre comme ressources la sagesse humaine et ses exercices comme la méditation.

C’est ce dont Paul parle ici, avec ce texte d’une puissance tragique et d’une profondeur formidable. Manifestement il y met toutes ses tripes, toute sa force, son expérience de foi. D’un côté, il souligne que Dieu agit puissamment pour nous, nous rendant vainqueur : qu’aucune force ne pourra nous emporter. Et en même temps il décrit avec un réalisme cru la terrible réalité de ce qui accable l’humain dans son chemin sur terre. Toutes ces choses négatives et sources de souffrances ne viennent donc absolument pas de Dieu, c’est tout le contraire, Dieu est pour nous, et il est contre toutes ces réalités nocives. Paul en dresse une première liste, chacune d’elle nous évoque quelque chose très concrètement, ce n’est pas de la théologie abstraite, c’est à vif dans la peine humaine : « Qui nous séparera de l’amour du Christ ? La détresse ou l’angoisse ou la persécution ou la faim ou le dénuement ou le péril ou les armes ? » (Rom. 8:35)

Toutes les choses de cette liste sont radicalement négatives et ne sont en aucun cas dans la volonté de Dieu pour personne. Si Paul dit que ces réalités ne nous séparerons pas de l’amour du Christ, c’est qu’hélas le risque existe : la détresse trop envahissante, l’angoisse trop profonde, la persécution, la faim noire, le dénuement, le péril, la violence rongent l’homme à un tel point que cela peut lui faire perdre pied, perdre la foi, ne plus avoir une seconde ni un atome de force pour reprendre souffle, pour fermer les yeux la nuit, et se lever le jour. Paul affirme pourtant qu’un fil tient bon, qu’un fil doit tenir : celui de l’amour du Christ pour l’humain, pour chaque humain, même quand il est à terre, écrasé, pestiféré, paralysé, muet, aveugle, pécheur. Cela manifeste l’amour de Dieu pour nous, sa créature, son enfant, Dieu qui est le créateur de l’univers à notre chevet, Dieu pour nous.

Comment Dieu vient à notre secours ? De l’intérieur

Où est alors l’aide et la providence de Dieu pour cet homme broyé par la vie ? C’est par l’intérieur de l’homme que Dieu vient au secours de l’homme broyé.

C’est d’abord, nous dit Paul, « l’Esprit de Dieu qui vient au secours de notre faiblesse. » C’est là le tout début de cette remontée à la vie, c’est la première œuvre de la providence de Dieu pour nous. Quelque chose d’essentiel de l’Évangile nous est dit là, venant à l’inverse de bien des théologies et des pratiques religieuses. Nous n’avons pas à convaincre Dieu de venir à notre secours puisque Dieu travaille déjà en nous pour que l’homme broyé puisse d’abord trouver la force d’un gémissement inexprimable qui est le tout début de sa remontée, comme un début de début de souffle, d’appel, et donc d’espérance. Le droit de dire notre plainte et d’être entendu.

Paul dit avec tendresse pour nos prières enfantines : nos demandons n’importe quoi dans nos prières : comme si Dieu ne savait pas, comme si Dieu devait être convaincu, réveillé, attendri, peut-être pour sauver l’homme en détresse ? Ces paroles sont du bruit où l’homme croit devoir prendre les commandes au dessus de Dieu, cela nous distrait de l’essentiel qui est Dieu qui, au fond de chacun, travaille à nous connecter à lui. On peut le sentir parfois, seulement c’est de l’ordre du murmure inexprimable. Si nous en l’entendons pas, il suffit de savoir qu’au fond de nous, il y a une dimension qui est plus que nous et qui travaille pour nous.

Paul déroule ensuite ce que Dieu poursuit comme travail en nous. Par avance, Dieu nous a connu et a une grande ambition pour nous, comme peuvent en avoir bien des parents pour leur enfant. Dieu nous espère à l’image du Christ. Il ne s’agit pas de se promener en racontant des paraboles car ça, c’était le style de Jésus. L’espérance de Dieu pour nous est que nous participions à ce qu’est le Christ à notre façon là où nous sommes : en faisant notre part dans l’avancée du monde, ce monde qui est notre monde, car nous en avons hérité (Rom. 8:17). Telle est notre trajectoire, partant de la personne incapable de prier, ou prise par la détresse, l’angoisse, la persécution, la faim, le dénuement, le péril, la violence. Dieu fait une personne participant à bâtir un monde où règnera un petit peu plus la foi, l’espérance et l’amour.

Dieu en nous intercède pour nous, nous connecte. L’esprit nous fait sentir que Dieu nous a choisi et adopté (Rom. 8:15-16). Ensuite, nous dit Paul « ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; et ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés. » Nous sommes donc appelé : Dieu compte sur nous. Nous sommes justifié : digne de cet amour de Dieu, digne d’avoir une place en ce monde et d’être heureux. Nous sommes ensuite glorifié : Dieu nous donne de faire la différence en ce monde par nos actes.

C’est ainsi que Dieu nous élève au dessus de la détresse : par une action intérieure, en nous, et il se pourrait bien que ce soit ensuite nous-même qui porterons secours à l’affamé, au malade, au désespéré, à l’angoissé, aux victimes de la folie des hommes.

Secours de Dieu dans le tragique de la vie

Ensuite, Paul dresse une seconde liste de réalités qui pourraient bien nous détruire si nous n’avions l’aide de Dieu et de quelques frères et sœurs que Dieu aurait réussi à faire se sentir appelés. Les réalités de cette liste ne sont pas seulement négatives comme dans la première liste, mais des réalités puissantes et à double tranchant, réalités qui font la trame et la chaîne de notre existence :

  • La mort et la vie forme la paire la plus redoutable. La radicalité de la mort nous angoisse, en même temps l’humain est un être en évolution ce qui suppose que nous mourions en partie à ce que nous étions hier pour avancer d’un pas dans la vie.
  • Les anges et autres réalités spirituelles peuvent nous couper de Dieu, cela demande un travail de l’intelligence et du cœur pour discerner ce qui vient de Dieu ou non, cela se ressemble tant.
  • Notre rapport au présent et à l’avenir est un point essentiel, pour vivre avec espérance mais en vivant bel et bien dans le temps présent.
  • Les puissances. Nous sommes chaque jour émerveillés par les capacités de l’humanité, mais épouvanté aussi.
  • Paul mentionne enfin la hauteur et la profondeur : nos victoires et nos échecs, nos moments de plénitude ou de vide, d’élévation ou d’approfondissement, de fascination ou d’angoisse… nos hauts et nos bas peuvent être utiles ou nous étourdir.

Tout cela se travaille, se prépare, s’entretient, se prie. Et finalement, nous dit Paul : en tout cela nous sommes et nous serons plus que vainqueur par Dieu qui nous a aimé depuis toujours, qui nous a prédestiné à la vie, qui nous appelle, nous justifie, nous permet d’être un peu utile autour de nous, parfois.

De sorte que, oui, vraiment, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ. Et pour cela nous sommes d’une profonde reconnaissance pour celui qui est en haut (Céqu’é lénô) et qui est en nous par son souffle.

pasteur Marc Pernot

Textes de la Bible

Romains 8:26-39

L’Esprit vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas ce qu’il convient de demander dans nos prières. Mais l’Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables ; 27et celui qui sonde les cœurs sait ce que cherche l’Esprit : c’est selon Dieu qu’il intercède en faveur des saints.

28Nous savons d’autre part que tout coopère pour le bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son projet. 29Car ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi destinés d’avance à être rassemblés à l’image de son Fils, de sorte que celui-ci soit le premier-né d’une multitude de frères (et sœurs). 30Et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; et ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés.

31Que dirons-nous donc à ce sujet ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? 32Lui qui n’a pas épargné son propre Fils, mais qui l’a donné pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi gratuitement tout avec lui ? 33Qui accusera ceux que Dieu a choisis ? C’est Dieu qui justifie ! 34Qui condamnera ? C’est Jésus-Christ qui est mort ! Bien plus, étant éveillé, il est à la droite de Dieu et il intercède pour nous ! 35Qui nous séparera de l’amour du Christ ? La détresse ou l’angoisse ou la persécution ou la faim ou le dénuement ou le péril ou les armes ? 36Ainsi qu’il est écrit : À cause de toi, on nous met à mort en permanence. On nous considère comme des moutons à l’abattoir. 37Mais dans toutes ces choses, nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés. 38Car je suis persuadé, en effet, que ni mort, ni vie, ni anges, ni les dominations, ni présent, ni avenir, ni puissances, 39ni hauteur, ni profondeur, ni aucune autre création ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu en Jésus-Christ, notre Seigneur.

Chant de l’Escalade « Cé qu’é lainô »

Écouter chanter les strophes 1, 2 et 68 (lors du culte du 10 décembre 2023 au temple de Vandœuvres) :
 
 

Texte en patois genevois du XVIIe siècle :

1. Cé qu’è lainô, le Maitre dé bataille,
Que se moqué et se ri dé canaille,
A bin fai vi, pè on desande nai,
Qu’il étivé patron dé Genevoi.

2. I son vegnu le doze de dessanbro,
Pè onna nai asse naire que d’ancro;
Y étivé l’an mil si san et dou,
Qu’i veniron parla ou pou troi tou.

4. Petis et grans, ossis an sevegnance:
Pè on matin d’onna bella demanze,
Et pè on zeur qu’y fassive bin frai,
Sans le bon Di, nos étivon to prai !

67. Pè sous anfan il a de la tandresse,
A bin volu se bouta à la brèche,
Et ranversa lous ennemi mordan
Que vegnivon fare lous arrogan. .

68. Dedian sa man il y tin la victoire,
A lui solet en démure la gloire.
A to zamai son Sain Non sai begni!
Amen, amen, ainsi, ainsi soit-y !

 

Traduction française :

1. Celui qui est en haut, le Maître des batailles,
Qui se moque et se rit des canailles
A bien fait voir, par une nuit de samedi,
Qu’il était patron des Genevois.

2. Ils sont venus le douze de décembre,
Par une nuit aussi noire que d’encre ;
C’était l’an mil six cent et deux
Qu’ils vinrent parler un peu trop tôt.

4. Petits et grands, ayez en souvenance :
Par un matin d’un beau dimanche
Et par un jour où il faisait bien froid,
Sans le bon Dieu, nous étions tous pris !

67. Pour ses enfants il a de la tendresse,
A bien voulu se mettre à la brèche
Et renverser les ennemis mordants,
qui venaient faire les arrogants.

68. Dedans sa main il tient la victoire,
A lui seul en demeure la gloire !
A tout jamais son Saint Nom soit béni ;
Amen, amen, ainsi soit-il !

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5 Commentaires

  1. Patrick dit :

    Ce qui rends La république de Genève Magnifique!
    Une prédication sous les auspices incantatoires de Paul

  2. Marie Morgane dit :

    Que Dieu et tous ses anges vous protègent toujours ! Qu’est ce qu’on deviendrait sans vous ??? Merci pour vos sermons tellement forts et tellement…. je sais même pas comment dire ! Merci, merci, merci ! ‘ Et pourtant Dieu sait que je n’aime pas Paul ! Désolée…)❤️🧡💛💚💙💜

    1. Marc Pernot dit :

      Hyper sympa.
      Magnifique encouragement !
      Dieu vous bénit et vous accompagne

  3. Lili dit :

    Merci pour cette prédication que j’ose dire « de compét’ » mais là, désolée, trop forte pour moi, je me suis perdue dedans !

    Je vous soumets juste deux réflexions :

    1) J’ai bien aimé votre « voilà tout » dans «  Oui : eh bien cela nous appelle à évoluer dans notre théologie, voilà tout ».
    C’est à la fois un constat tout simple : il n’y a qu’ « une seule » chose à faire et en même temps une totalité : c’est le tout de la question. « Voici l’Everest, il faut monter tout en haut, voilà tout… ». Forcément cela provoquera des haussements d’épaules, des refus, des réticences, des abandons si on manque d’équipement ou de volonté, mais aussi de vraies joies, certainement à chaque palier atteint même si le sommet reste inaccessible. D’autant que dans certaines théologie, il est prévu que la sortie soit quasi impossible, gravissime, vous vouant au blasphème, à la malédictions, aux flammes de l’enfer ou à que sais-je encore… Certains croyants sont ficelés, ils ne risquent pas de bouger.

    Et ceux qui ne sont pas croyants peuvent être ficelés aussi, bien sûr d’une autre façon que vous signalez, car en abandonnant ces théologies a priori incohérentes, ils rejetteront la possibilité de toute théologie. C’est vrai car en général, on ne vous en a présenté qu’une seule et vous pouvez difficilement imaginer qu’il existe d’autres systèmes presque contradictoires. Pour beaucoup de ces personnes qui ont pu lire quelques passages de la Bible à travers ces théologies de la toute-puissance sans y adhérer, la Bible = fables assorties de dogmatisme idiot à avaler tout cru. On est ficelé sans même le savoir. On ne risque pas d’approfondir.

    Alors comment réformer sa théologie, ses conceptions, comment évoluer ? Si on reste en vase clos, entre soi, cela semble très difficile. Il faudrait faire d’autres expériences je crois, d’autres rencontres, d’autres lectures ou relire différemment, fréquenter d’autres univers que le sien. Tout ne part-il pas d’abord de l’expérience, ensuite de la réflexion, même très simple, qui l’accompagnera ? Tout un système peut être renversé par une simple incohérence justement parce qu’il fait système comme les découvertes de fossiles humains dans la grotte de Spy en Belgique qui sabotent le créationnisme. Il faudra ensuite se résoudre à quelque chose : poursuivre dans ces théologies peu satisfaisantes, les aménager ou s’en séparer. Pour ma part, je n’opposerai plus aussi strictement la foi et la raison depuis que j’ai lu votre travail.

    2) « Et comment avoir confiance et aimer un Dieu capable de faire souffrir alors qu’il aurait pu l’empêcher ? »  
    Cela semble a priori impossible, tellement illogique, et pourtant cette idée est partagée par des millions, des milliards de personnes peut-être.
    Surtout, a contrario, comment avoir confiance et aimer un Dieu incapable de faire souffrir – ce qui est un bon début pour l’aimer – mais en même temps incapable d’empêcher la souffrance ? Ce qui relève du simple constat, comme vous l’énoncez au début de votre propos. Je ne le vois pas comme un petit problème.

    Ce Dieu peut bien exister comme force créatrice, puissance d’évolution, au fin fond de notre être-même, même si on ne le trouve pas, d’accord, mais ensuite comment l’aimer ? Pour quoi (en deux mots) l’aimer ? Cela semble problématique. Je ne voudrais pas faire la mauvaise tête mais, à la fin, on est absolument tout seul devant les problèmes à régler, juste avec nos petites mains, ce qui comporte une part tragique. Nous affrontons notre propre impuissance et l’aide intérieure de Dieu n’y change rien puisqu’elle ne nous rend pas plus puissants. Le monde ne nous présente-t-il pas toujours le pire, effaçant ou minimisant les réussites dans lesquelles nous triomphons : guerres, famines, atrocités en tout genre ? Où pourrions-nous « être vainqueurs » de ce genre de réalité ? Je ne vois pas.

    Alors, « Dieu pour nous » ? Je veux bien que Dieu nous aide de l’intérieur mais l’aide semble faible. Ce n’est pas déraisonnable de penser cette aide intérieure – vraiment vous m’avez fait comprendre ce point et il n’y a aucune ironie dans mon propos, au contraire, je veux bien croire que cela « fonctionne » pour certaines personnes – mais si je trouve parfois le monde tragique, je trouve aussi cela tragique cette impuissance de Dieu, même si vous pouvez l’expliquer théologiquement, et certains soirs, je vous avoue que ça coince, je ne la comprends plus, je la trouve absurde. En adéquation manifeste avec le fait qu’en nous il n’y ait parfois aucune lumière, qu’on soit si seul et pour ainsi dire perdu, même au milieu de ses amis, face à ces problèmes énoncés avec ce réalisme touchant par Paul. Pour le coup, l’expérience est trop forte et l’espérance trop faible. Peut-être quand les choses se calmeront, y aura-t-il possibilité de voir différemment. Veiller et prier en attendant ? Cela semble simple pourtant mais je reste perplexe, j’ai du mal à vous suivre. Je dois être ficelée quelque part sans doute…

    1. Marc Pernot dit :

      Chère Lili

      1) La première question concerne le statut de la théologie pour la personne. Il y a un problème dès lors que l’on confond la chose et notre théorie sur la chose. Le risque est de sacraliser l’image que nous nous faisons de Dieu. Ce risque est sans cesse combattu dans la Bible dans la dénonciation de l’idolâtrie, en particulier dans le décalogue « tu ne te feras pas d’image taillée » (Exode 20). Dès lors que l’on accepte de ne pas confondre Dieu et notre théorie sur Dieu, il devient naturel de faire évoluer notre théologie en fonction de nos découvertes, cherchant une plus grande fidélité. C’est en quelque sorte de la théologie expérimentale.

      Effectivement, si l’on sacralise notre propre pensée, en changer est alors comme de monter à l’Everest. C’est très précisément cette image que Jésus prend quand il dit que par la foi « quelqu’un peut dire à cette montagne: Ote-toi de là et jette-toi dans la mer, et s’il ne doute point en son coeur, mais croit que ce qu’il dit arrive, il le verra s’accomplir. » (Marc 11:23). La montagne est ici une figure des cultes rendus à des idoles. Ce n’est pas facile de s’en débarrasser, il y faut effectivement parfois un miracle de foi, d’attachement à Dieu plutôt qu’à l’image que nous nous sommes fabriquée de lui.
      Il est vrai que dans certaines églises, une unique théologie est présentée comme la seule et unique vérité de Dieu lui-même. Seulement, nous sommes un monde où l’information circule, où des livres sont écrits, où nous rencontrons chaque jour des personnes fort diverses, il faudrait vraiment le vouloir pour penser qu’il existe une seule pensée sur Dieu, avec quelques petits tyrans qui cherchent à l’imposer en empêchant le bas peuple de se poser des questions. Effectivement, c’est dans ce monde ouvert, que chacun est amené à tisser ses expériences spirituelles et ses convictions. C’est à la portée de toute personne qui le désire.

      2) Comment aimer une personne, par exemple Dieu, qui peut aider mais n’est pas toute puissante ? Ce n’est pas une mince difficulté, c’est pourtant à la portée d’à peu près tous les enfants quand ils découvrent (très tôt) que leur papa et leur maman ne sont ni parfaits ni tout puissants. Je reconnais que la pilule n’est pas facile à avaler, sauf que c’est tout à fait essentiel, et que finalement tout le monde y arrive. Et c’est alors qu’effectivement il est possible de commencer à aimer l’autre, et non pas seulement notre propre imaginaire.

      La difficulté est d’accepter un entre deux : papa n’est pas tout puissant, serait-il donc nul et ne pouvant rien m’apporter ? Dieu n’est plus un Zeus tout-puissant, cela voudrait dire qu’il est pour nous comme mort ? Sujet d’aucune espérance, d’aucun secours, aucune action ? Cette logique du tout oui/tout non, du zéro ou un, du on / off est enseignée dans les mathématiques au nivau primaire et secondaire. Il me semble qu’il faudrait initier dès le plu sjeune âge à apprendre à raisonner, aussi, avec des logiques floues, avec des degrés de vérité, et des degrés de possibilité. Ce n’ets pas fai que toutes les portes sont soit ouvertes soit fermées. Il existe des portes entrouvertes, des portes en train de s’ouvrir, des portes verrouillées et des porte sseulement poussées, des portes de box de chevaux qui dont une moitié est fermée et une moitié ouvert, et il existe des portes dont on ne peut pas être absolument certain qu’elles sont ouvertes mais dont on le sopçonne à cause d’un léger courant d’air… La vie est parfais comem cela, et parfois binaire, il est vrai.

      Découvrir Dieu, aimer Dieu ? Pas facile ? C’est, comme j’essaye de le dire, chercher ce qui, une fois ou l’autre, nous a aidé à avancer, à surmonter quelques difficultés. C’est une sorte de « connais-toi toi-même » mais pas seulement statique, dans notre cheminement, ce qui a pu être un moteur positif. Je connais une personne pour qui la course à pied au petit matin dans la ville était d’un grand grand secours. Il lui faudrait encore chercher ce qui l’aidait dans cet exercice, ce qui est derrière profondément : seulement les endorphines ? Ou la solitude rythmée par la foulée, la tranquillité, la concentration ? Un rendez vous où on sait pouvoir espérer avancer dans sa propre existence ? On eut déjà commencer à penser cet exercice comme spirituel. Et aimer ce qui nous aide dans cet exercice, pas seulement aimer l’exercice. Ce n’est en tout cas pas très loin de ce que le croyant fait dans la prière, cherchant Dieu, commençant à aimer Dieu, et se donner des rendez vous régulier avec « ça » qui est pour moi un moteur de croissance. Je sais que ce genre d »élargissement ne plaira pas à certains croyants, qu’ils vivent le meilleur de leur façon de vivre leur foi, cela ne devrait pas les conduireà mépriser ce que vivent les autres, selon ce qu’ils sont.
      Grand merci pour ce débat, ouvrant effectivement à bien des façons d’être différentes.

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