
Nous sommes doués pour le bonheur (Genèse 2:7-8 ; Psaume 1er ; Matthieu 5:3-12)
Explorons les différentes visions du bonheur, de la philosophie grecque au bouddhisme zen, en passant par la Bible et l’enseignement de Jésus. Un voyage spirituel et philosophique pour découvrir un bonheur vivant, présent, et profondément humain.
Texte, vidéo et poscasts de la prédication. Ceci est un témoignage personnel. N’hésitez pas à donnez votre propre avis ci-dessous.
Podcast audio de la prédication / Podcast audio du culte
(Voir le texte biblique ci-dessous)
prédication (message biblique donné au cours du culte)
à Genève, le dimanche 10 août 2025,
par : pasteur Marc Pernot
Prédication
Différentes opinions sur le bonheur
Il est utile, je pense, de creuser la question du bonheur car les options à ce sujet sont très différentes selon les sensibilités, et au final cela a une grande influence sur nous.
Le bonheur selon Aristote et la philosophie grecque
Aristote, suivi par nombre de philosophes grecs, fait du bonheur le but de la vie humaine afin que nous ne dépendions de rien ni de personne. Cela fait du bonheur, le critère d’une vie réussie. Avec ce problème que cela nous accable encore plus quand nous souffrons, nous rendant coupables du malheur qui nous frappe et d’en souffrir. C’est rude.
Le bonheur et le lâcher prise dans le bouddhisme zen
Le bouddhisme zen a eu une influence inattendue dans notre culture depuis les années 1970 avec des injonctions au lâcher prise, à se vider de soi-même, à se dissoudre dans le grand tout. C’est presque diamétralement opposé à ce que vit Jésus-Christ, proposant au contraire de valoriser l’individu et sa vie présente, son développement, sa créativité et des relations de qualité.
Les promesses différées du bonheur dans les religions et idéologies
Certains courants du christianisme, mais aussi l’hindouisme et diverses idéologies comme le communisme ont promis un bonheur pour plus tard à condition que nous supportions bien sagement la souffrance présente avec la promesse de lendemains qui chantent, ou la promesse que dans la vie future les justes seront récompensés d’un bonheur sans fin, ou le nirvana pour ceux qui se plient docilement au jugement du karma. Freud n’a pas tort de parler d’opium du peuple pour qualifier ce genre de propagande.
Jésus-Christ et le bonheur au présent
Jésus, lui, reprenant les premiers mots du Psaume 1ᵉʳ, annonce un bonheur pour maintenant : Heureux les pauvres en Esprit, maintenant, car le royaume des cieux est à eux, au présent. C’est aussi ce que dit le Psaume 23, en réalité : « Le bonheur et la grâce m’accompagnent aujourd’hui et m’accompagneront au quotidien de ma vie » (le verbe est à l’inaccompli). Quand on parle du bonheur au présent : on ne peut pas nous raconter des blagues sans que cela se remarque, alors que c’est facile d’annoncer des lendemains qui chantent (demain, toujours demain), et c’est facile d’annoncer un bonheur à arracher par notre propre sagesse (si ça ne marche pas, le coupable est tout trouvé).
Identifions donc ce bonheur qui nous est donné.
Les deux mots bibliques pour dire « bonheur »
Il y a deux mots pour dire « bonheur » dans la Bible :
Le 1ᵉʳ mot pour dire « bonheur » est טוֹב « tov ».
Comme dans le Psaume 23 : « Le bonheur et la grâce. » Ce mot hébreu « tov » signifie aussi « bon », « bien fait », comme dans le récit de création de la Genèse : « Dieu vit que cela était bon » après un jour de création apportant un véritable plus. C’est le bonheur de l’émerveillement devant ce qui a été créé et du fait que l’évolution ait pu avancer à ce point. Ce n’est donc pas un bonheur fantasmé. Réellement, tout n’est pas chaos, division et souffrance : nous constatons qu’il existe des choses qui sont bonnes, et que cela n’a pas toujours été ainsi. L’humain est une merveille d’évolution, et le monde est plein de merveilles. C’est vrai qu’il y a aussi des choses qui ne vont pas, en nous, dans notre vie et dans ce monde. David n’est pas naïf : quand il parle du « bonheur et de la grâce qui l’accompagnent tous les jours de sa vie », c’est juste après avoir évoqué la vallée d’ombre et de mort qu’est aussi notre être et notre vie par certains côtés. Néanmoins, il peut faire cette confession de bonheur parce qu’il se sent accompagné par Dieu, par sa grâce dans un bon cheminement. Contrairement à Aristote, le bonheur n’est pas le but, il est une réalité vivante, mobile et qui nous accompagne : Dieu, l’Éternel. Le bonheur de David est d’être ainsi accompagné sans jugement, précisément, chaque jour de sa vie, comme nous tous. Ce bonheur-là se vit dans l’émerveillement et dans la prière. Il peut jaillir par surprise dans notre journée ou dans les veilles de notre nuit, venant ouvrir la dure carapace de nos peurs et de nos souffrances, de nos inquiétudes et de notre culpabilité. Dans ces moments-là, personnellement, montent à mes lèvres ces mots que Rilke met dans la bouche d’Orphée sortant de l’enfer : « Être ici est une splendeur. » Un sentiment de gratitude, de louange qui nous fait un bien fou.
Le 2ᵉ mot « bonheur », c’est אַשְׁרֵי « ashreï ».
Comme dans le Psaume 1ᵉʳ et donc dans les paroles de Jésus qui reprend cette parole dans ce poème sur le bonheur de l’humain.
Ce qui est traduit par « heureux » est le mot Ashreï qui est un pluriel, ce n’est donc pas simplement « le bonheur », mais de multiples qualités d’être qui caractérisent l’humain. Ashreï est le pluriel du mot asher qui n’a pas moins de trois significations :
1) Asher signifie être heureux, effectivement.
2) Asher est aussi le pas en avant (cf. Ps. 40:2), ce contact dynamique avec le sol qui sait s’en détacher un instant pour se projeter dans un sens que nous avons choisi. Il y a un réel bonheur à avancer en ce monde, ne serait-ce que d’un tout petit pas, et tout autant à faire avancer, d’une certaine façon, le monde autour de nous.
3) Asher est enfin un des mots les plus courants en hébreu, utilisé pas moins de 4 800 fois dans la Bible : c’est le pronom relatif. Notre bonheur s’inscrit donc au pluriel dans la multiplicité de belles relations.
Bonheur, marche et relation : une vocation humaine
« Être heureux », « être en marche », « être en relation » sont liés. Or, cela est donné à l’humain, c’est dans sa nature. L’humain est un animal social (en relation avec d’autres, ce qui est difficile mais extrêmement bon). L’humain est un animal spirituel, ce qui est immense. L’humain évolue tout au long de sa vie, c’est dans sa nature, c’est un fait d’observation que nous évoluons au gré des rencontres que nous faisons, de nos choix et de nos attachements, de ce en quoi nous mettons notre foi.
Créer le bien : la vocation créatrice de l’humain
L’humain est aussi créateur, capable de faire bouger les choses. C’est ce que nous dit la Genèse en disant que nous sommes créés à l’image de Dieu, créateur, et que nous sommes tous faits de poussière du sol pétrie et de souffle créateur de Dieu : c’est un mélange assez baroque qui fait tout le génie de l’humain. C’est ainsi que nous avons naturellement, si je puis dire, une capacité native à évoluer et à faire évoluer, à créer du bon, à être en relation. C’est une merveille fort heureuse.
Nous avons en nous ce moteur de bonheur. Ce n’est pas une proie à arracher. C’est en nous une qualité comme d’avoir notre personnalité ou de respirer. C’est fait pour se développer, comme le dit Jésus en nous montrant un enfant en exemple : l’enfant est tout naturellement en croissance. Cette qualité est le sujet de la première béatitude enseignée par Jésus et qui annonce tout l’Évangile :
La première béatitude : un appel à vivre le bonheur maintenant
Jésus nous dit : « Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux. » Or, le pauvre c’est celui qui n’est pas complètement démuni mais qui n’a pas assez pour manger à sa faim. C’est notre situation vis-à-vis de Dieu : nous avons déjà l’Esprit en nous, ce cœur même de bonheur, et c’est une bénédiction : celle de pouvoir évoluer à notre guise, aussi peu que ce soit, ce qui est déjà un bonheur.
Cet Esprit qui nous a été déjà donné, par nature, nous donne par définition le pouvoir de faire avancer les choses à notre façon autour de nous. C’est effectivement un bonheur à chaque fois que nous avons pu faire un petit peu de bien, aussi peu que ce soit. C’est le sujet des béatitudes suivantes où Jésus nous voit comme acteur : le bonheur n’est pas tant de ne pas subir de peine, ni de troubles, ni d’injustices, d’être dans une paix béate. Le bonheur est d’évoluer et de faire évoluer, un tant soit peu : sécher une larme, avoir un geste de paix concret, consoler, être prophète ou prophétesse.
Bonheur et engagement : sortir de soi pour créer du bien
Ce bonheur est littéralement une extase : une sortie de nous-mêmes pour entrer en relation et pour créer. C’est le contraire du lâcher prise, du détachement, et de l’autonomie chère aux stoïciens. C’est se sentir vitalement concerné et avoir faim et soif de justice et de paix au point de se donner parfois un mal de chien pour faire avancer un tant soit peu le bien dans le monde.
C’est dans notre nature, notre merveilleuse nature, notre nature de bonheur.
Dans cette première béatitude, Jésus nous invite à découvrir que nous sommes bien plus doués pour le bonheur que nous le pensions, y goûter, commencer à le vivre et espérer plus encore de cet Esprit Saint dont nous n’avons reçu que les arrhes. À qui irions-nous mendier plus d’Esprit Saint si ce n’est à Dieu, directement ?
C’est notre ardente prière, pour nous, pour ceux que nous aimons et pour ce monde qui en a tant et tant besoin.
Amen
Textes de la Bible
Genèse 2:7-8
L’Éternel Dieu forma l’homme de la poussière du sol ; il insuffla dans ses narines un souffle vital, et l’homme devint un être vivant. Puis l’Éternel Dieu planta un jardin en Éden, du côté de l’orient, et il y mit l’homme qu’il avait formé.
Psaume 1er
Heureux l’humain, qui ne marche pas selon le conseil des méchants, qui ne s’arrête pas sur le chemin des pécheurs, et qui ne s’assied pas en compagnie des moqueurs, 2Mais qui trouve son plaisir dans la Parole de l’Éternel, Et qui la murmure jour et nuit ! 3Il est comme un arbre planté près de courants d’eau, qui donne son fruit en son temps, et dont le feuillage ne se flétrit pas : tout ce qu’il fait lui réussit…
Matthieu 5:3-12
3Heureux les pauvres en Esprit, car le royaume des cieux est à eux !
4Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés !
5Heureux ceux qui sont doux, car ils hériteront la terre !
6Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés !
7Heureux ceux qui sont compatissants, car ils obtiendront compassion !
8Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu !
9Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés enfants de Dieu !
10Heureux ceux qui sont persécutés à cause de la justice, car le royaume des cieux est à eux ! 11Heureux êtes-vous lorsqu’on vous insulte, qu’on vous persécute et qu’on répand faussement sur vous toutes sortes de méchancetés, à cause de moi. 12Réjouissez-vous et soyez transportés d’allégresse, parce que votre récompense est grande dans les cieux ; car c’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés.
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