Deux poissons et un corbeilles de pains (masaïque de l'Eglise de la multiplication, Tagba, Israël)
Prédication

Le surgissement de la surabondance

Deux poissons et un corbeilles de pains (masaïque de l'Eglise de la multiplication, Tagba, Israël)

Mosaïque de l’église de la Multiplication, à Tagba, en Israël (wikipedia)

Par : pasteure Laurence Mottier

(Voir le texte biblique ci-dessous)

prédication (message biblique donné au cours du culte)
à Genève le jeudi 8 octobre 2020, par la pasteure Laurence Mottier

Du pain et des jeux disaient les empereurs romains pour satisfaire les foules, pour plaire à la plèbe, et tenter de les maîtriser et d’amadouer ces foules versatiles. Panem et circenses disaient les empereurs.

Alors quelle est la différence entre eux et ce Jésus entouré d’une foule qui l’a suivi au désert ? Il en guérit les malades, nous dit l’Evangile et il la nourrit de pain et de poissons. Si les faits observés peuvent apparaître similaires – des miracles de guérison qui épatent la galerie/du pain qui rassasie des ventres vides, tout est, au fond, différent.

Jésus n’est pas un empereur en herbe qui cherche à se concilier la foule pour régner et asseoir son pouvoir. Il se laisse approcher pendant 3 jours nous dit l’Evnagile de Matthieu – un temps limité donc – pendant ce temps, la foule comme les disciples sont avec lui, près de lui, vivent cette intimité, reçoivent soin, enseignement et relèvement – et puis il renvoie cette foule sur les chemins, à son quotidien et à ses tâches.

Nulle emprise, nulle manipulation de la part de Jésus ; nul mirage d’un Eden fusionnel et factice où la foule se retrouverait coincée au fond de ce désert.

Jésus, l’homme Dieu, sillonne les couloirs de l’humanité pour des rencontres en vérité et en liberté et puis, chacun reprend sa route.

Si les empereurs jouent avec la faim du peuple et en font un moyen de pression et de coercition, Jésus n’utilise pas la faim de la foule pour s’attirer ses bonnes grâces et qu’elle lui en soit redevable à vie.

C’est par compassion, avec ses entrailles, avec sa matrice que Jésus prend soin de la faim de la foule. Jésus, dans son humanité, connaît les risques de défaillir en chemin, de chuter, de dépérir, de s’épuiser, d’échouer dans un fossé creux. Il sait qu’il est possible que nous n’arrivions plus à assumer notre humaine condition.

Comme une mère nourricière qui sait toujours ce qu’il y a dans son frigo et ses armoires – et aussi ce qui y manque – Jésus sustente la foule, de vrais pains et de vrais poissons. Il n’est pas un charlatan qui vend des mirages d‘ascétisme, de privations en vue d’une pureté illusoire. Si sa Parole est pain vivant, si sa présence est préfiguration d’un Royaume en plénitude, il n’oublie jamais que nous sommes matière, besoins, pulsion et instinct.

Les empereurs ont des grands-prêtres pour gérer le sacré, bâtir des temples monumentaux et tenir en respect tant les puissances divines que les foules humaines, à force de rituels. Un clergé qui légitime leur pouvoir et leur ascendant.

Jésus, sous la voûte céleste, dans un désert perdu de Palestine, au milieu d’une foule bigarrée, célèbre, tête nue, ce geste souverain et humble du pain rompu et partagé.

Si un empereur a une fâcheuse tendance à se prendre pour Dieu ou son élu ou son émanation sainte, en s’érigeant un trône soi-disant imprenable, Jésus se place sous l’autorité de son Père, le Dieu créateur de toutes choses et c’est toujours à Lui et à Lui seul qu’il rend grâces avant de rompre le pain et d’agir pour autrui.

Cela ne revient-il pas à dire que la démultiplication du don de la grâce n’a pas besoin d’un temple, d’un clergé, ni d’ordre religieux ou de dogmes, pour advenir ?

N’avons-nous pas, comme Eglise instituée, à nous méfier de nous-mêmes et à toujours relativiser ce que nous sommes comme organisation ? et à l’ordonner fondamentalement à notre prochain et au service d’autrui, de notre société et du monde ?

La grâce advient où et quand elle veut, au milieu de l’humaine foule, saisie par le regard aimant de Jésus.

De la gratuité du geste de l’homme Dieu, du don de la mère nourricière surgit une surabondance que nul empereur ne peut se payer.

Avant de reprendre la route, restons encore un peu autour du maître,

demeurons avec lui,

réjouissons-nous en sa présence,

célébrons et recevons de lui la vie,

Lui seul est parole, geste et pain, qui restaurent.

Amen

Matthieu 15,32-39

Jésus appela ses disciples et dit : « Je suis ému de compassion par cette foule, car voilà trois jours qu’elle est avec moi et elle n’a pas de quoi manger. Je ne veux pas la renvoyer le ventre vide ; les gens risquent de défaillir en chemin. » Les disciples lui demandèrent : « Où pourrions-nous trouver du pain pour faire manger à sa faim une telle foule, dans cet endroit désert ? » Jésus leur dit : « Combien avez-vous de pains ? » Ils dirent : « Sept, et quelques petits poissons. » Il ordonna à la foule de s’installer par terre. Puis il prit les sept pains et les poissons et remercia Dieu. Il les partagea, les donna à ses disciples et les disciples les distribuèrent à tous. Les gens mangèrent à leur faim. On ramassa sept corbeilles pleines des morceaux qui restaient. Ceux qui avaient mangé étaient 4 000 hommes, sans compter les femmes et les enfants. Après avoir renvoyé la foule, Jésus monta dans la barque et se rendit dans la région de Magadan.

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