Éloge de la vieillesse
Témoignage de Herman Hesse
J’emprunte ce titre à Hermann Hesse. Il parle d’expérience, lui-même dans le grand âge, il n’en cache pas les difficultés et il en relève aussi l’extrême valeur. Il parle en observateur attentif et bienveillant des personnes qu’il rencontre, il parle en philosophe et en poète amoureux de la nature. Et c’est ainsi qu’il fait l’éloge de la vieillesse. Il serait dommage qu’un certain jeunisme nous le fasse oublier, car c’est important pour tous, pour les plus jeunes qui ont par définition tout à apprendre de la vie, et aussi, bien sûr pour les personnes âgées qui devraient être honorées.
Les philosophes stoïciens
Les philosophes stoïciens remarquaient déjà que la sagesse est de vivre intensément chaque jour, quelque soit l’âge ou les aléas de l’existence, Sénèque dit que le grand âge est le temps où l’âme jouit de son beau moment, ayant toute sa force, l’emportant alors sur le corps (lettre à Lucillus). Montaigne a célébré le grand âge comme celui permettant la plus grande sincérité « À ce dernier rôle de nous il n’y a plus à feindre, il faut montrer ce qu’il y a de bon et de net dans le fond du pot… le masque tombe, l’homme demeure » (Les Essais).
Herman Hesse connaît la douleur de vieillir mais il remarque qu’avec le grand âge sa faculté de contempler et d’aimer s’amplifie, pourquoi ? Parce qu’alors nous pouvons sentir la valeur du temps, nous sommes la même personne à travers les multiples strates de notre existence, comme quand on voit le paysage entier du sommet de la montagne, de sorte que la vieillesse n’est pas le déclin de la vie mais son apogée : « Si l’on est assez vieux, alors on a l’impression que l’existence entière, avec ses joies et ses souffrances, ses amours et ses découvertes, ses amitiés, ses liaisons, les livres, la musique, les voyages et le travail ne constituent rien d’autre qu’un long détour menant à l’éclosion de ces instants où Dieu se révèle, où le sens et la valeur de tout ce qui existe et se produit s’offrent à nous à travers la forme d’un paysage, d’un arbre, d’un visage, d’une fleur. »
L’apôtre Paul
Cela nous permet de mieux saisir ces paroles de l’apôtre Paul « Même si notre être extérieur se détruit, notre être intérieur se renouvelle de jour en jour… parce que nous regardons, non pas aux choses visibles mais à celles qui sont invisibles, car les choses visibles sont passagères et les invisibles sont éternelles. » (2 Cor. 4)
par : pasteur Marc Pernot
Psaume, prière et paroles
Extraits du Psaume 71
Éternel ! je cherche en toi mon refuge:
Que jamais je ne sois confondu !
Dans ta justice, sauve-moi et délivre-moi ! Incline vers moi ton oreille, et secours-moi !
Sois pour moi un rocher qui me serve d’asile, Où je puisse toujours me retirer !
Tu as résolu de me sauver,
Car tu es mon rocher et ma forteresse.
Car tu es mon espérance, Seigneur Eternel !
En toi je me confie dès ma jeunesse.
Dès le ventre de ma mère je m’appuie sur toi; C’est toi qui m’as fait naître ;
tu es sans cesse l’objet de mes louanges.
Je suis pour plusieurs comme un prodige,
Et toi, tu es mon puissant refuge.
Que ma bouche soit remplie de tes louanges, Que chaque jour elle te glorifie !
Ne me rejette pas au temps de la vieillesse ; Quand mes forces s’en vont,
ne m’abandonne pas !
O Dieu! tu m’as instruit dès ma jeunesse,
Et jusqu’à présent j’annonce tes merveilles.
Ne m’abandonne pas, ô Dieu!
même dans la blanche vieillesse,
Afin que j’annonce
ta force à la génération présente,
et ta puissance à la génération future !
David (≈Xe siècle avant Jésus)
Paroles du prophète Ésaïe
Écoutez-moi, vous que j’ai portés dès votre origine, que j’ai soutenus dès votre naissance !
Jusqu’à votre vieillesse, je serai le même,
Jusqu’à votre vieillesse je vous soutiendrai ;
Je l’ai fait, et je veux encore vous porter,
Vous soutenir et vous sauver.
Souvenez-vous de ces choses,
et soyez des hommes !
Ésaïe 46:3-8 (≈VIe siècle avant Jésus)
Prière de Bernard de Clairvaux
Notre Père, nous te prions
Incline vers Toi, Ô Dieu,
ce peu de chose que Tu as voulu que je sois.
De ma pauvre existence,
je te supplie de prendre les années
qui me restent à vivre.
Quant à celles que j’ai perdues
j’en éprouve humiliation et repentir.
Veuille ne pas dédaigner mes regrets.
Désormais, il n’y a plus en moi,
que le désir de sagesse
et un cœur que je t’offre.
Bernard de Clairvaux (1090-1153)
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Bonjour Monsieur le Pasteur,
Très honnêtement, l’éloge de la vieillesse fait partie des thèmes magnifiques de la poésie, de certains romans, de l’art photographique. Dans la réalité, vieillir est un parcours du combattant qui n’a plus les « armes » de la jeunesse pour combattre un quotidien qui, dans nos sociétés, ne lui est absolument pas adaptée. C’est une succession de pertes : physiques, mentales et surtout affectives. C’est un dénument souvent terrible qui, certes, peut rapprocher de l’Essentiel, mais quand les fonctions cognitives le permettent…
L’expression « personnes à charge » résumé assez bien ce que représente la personne âgée pour la société. Mourir me fait moins peur…
Bien à vous.
Chère Pascale,
Bien des personnes que je rencontrent sont dans le grand age, ce billet n’est pas un billet théorique, mais d’expérience : celle de l’incroyable beauté et profondeur d’être que je rencontre dans mes visites. Franchement. Ensuite, il est normal que nous soyons à charge les uns des autres à certains moments de notre vie. Je reconnais qu’il est plus confortable d’être celui qui aide que celui qui est aidé, mais je trouve que l’un et l’autre sont beau. Aider, et être aidé. Porter et être porté. C’est là que l’humain fait corps. La personne n’est pas abaissée parce qu’elle est à charge, l’enfant ne n’est pas non plus quand il a besoin d’un coup de main.
En Corée où je suis souvent allé (c’est le pays de ma femme), dans les parcs il y a des toboggans et balançoires pour les enfants et il y a une petite plateforme couverte pour que les personnes âgées puissent se réunir et bavarder. Et on aime tout autant l’aïeul dont les fonctions cognitives ne sont pas très brillantes. Mais c’est vrai qu’il est mieux d’être en forme que malade.
Je vous rejoins totalement mais notre société a du mal à accorder une place digne aux personnes âgées qui ont œuvré pour le monde, chacun-e à leur niveau. On ne pense plus à la transmission, à la sagesse que la vie leur a enseigné. Tout doit aller vite, tout doit profiter, être utile. Nous manquons cruellement de structures adaptées. Nous avons tendance à « parquer » les personnes âgées. J’aime ces écoles qui ont des projets communs avec les EHPAD : lecture, jeux, chansons, histoires de vies… mas ces « expériences sont minoritaires et la solitude du grand âge est profonde. Alors votre propos m’amène à davantage d’optimisme. Il faut s’y mettre. « Yallah !!! » comme le disait sœur Emmanuelle.
Très bonne fin de journée et merci pour vos réponses si rapides et porteuses d’espoir. Pascale 🕊
Dans la vieillesse, il y a manifestement deux phases. La première phase correspond effectivement à ce qui est décrit ici et il me parait important d’en faire l’éloge, de souligner et d’insister que cela peut être une belle période de la vie. Pendant cette phase il peut y avoir une dépendance plus ou moins importante, mais la dépendance n’est pas réservée à la vieillesse, on est même tous plus ou moins dépendant des autres. Puis vient une deuxième phase de la vieillesse avec des fonctions physiques et cognitives extrêmement diminuées dont il me parait tout de même difficile de faire l’éloge, sans pour autant que cela signifie que la personne a moins de dignité. Les progrès de la médecine ont rendu cette phase bien plus fréquente et il est normal qu’elle fasse peur et qu’elle suscite débats et réflexions. Personnellement, je me demande souvent que devient alors la relation à Dieu et j’espère que les mots de Paul cités plus hauts gardent encore tout leur sens.
Merci, Pascale
Je peux témoigner de la profondeur de spiritualité de certaines personnes plus très en forme. C’est plus que touchant, c’est parfois bouleversant. Pas toujours, cela dépend beaucoup de comment on a vécu, me semble-t-il. Et donc le public que je rencontre, et dont le corps et l’esprit sont fatigués, sont souvent des personnes qui ont fait place à Dieu dans leur vie d’une manière ou d’une autre de façon profonde. C’est loin d’être le tout venant. Pour ce qui est du verset de Paul, je me demande si ce ne serait pas comme le vin, le bon devient de meilleur en meilleur en vieillissant, le moins bon ne s’arrange que rarement en prenant de l’âge…
Tellement vrai.. et nos églises ont leur rôle à jouer pour inverser la tendance.