À la spiritualité et à l’intelligence, Salomon ajoute un peu de religion (1 Rois 8:1-30 – Salomon, épisode 2/2)
L’histoire de Salomon nous propose un parcours de vie : de la spiritualité à l’intelligence, puis au service et enfin à la religion. Comme un parcours d’amélioration et d’amour du monde par Dieu.
Texte, vidéo et poscasts de la prédication. Ceci est un témoignage personnel. N’hésitez pas à donnez votre propre avis ci-dessous.
Podcast audio de la prédication / Podcast audio du culte
(Voir le texte biblique ci-dessous)
prédication (message biblique donné au cours du culte)
à Genève, le dimanche 4 août 2024,
par : pasteur Marc Pernot
Prédication
Le roi Salomon est célèbre pour avoir choisi de demander à Dieu la sagesse plus que tout autre chose. Salomon est connu aussi pour sa construction du temple de Jérusalem au Xe siècle avant Jésus-Christ. Ces deux étapes jalonnent un parcours.
Le parcours de l’humain accompli
Salomon est effectivement un personnage historique réel, la Bible part de son histoire et s’en sert pour nous brosser le parcours d’une vie humaine bien en forme. Voici, en résumé, l’itinéraire de vie de Salomon.
- Cela commence par la spiritualité.
- Salomon demande alors à Dieu la sagesse, ou plutôt un cœur qui écoute, doué de sagesse et d’intelligence.
- Il demande cela en vue de pouvoir mieux aider ceux qui lui sont confiés.
- Et enfin, à sa spiritualité, à son intelligence et à ce service des autres, Salomon ajoute la religion avec la construction d’un temple spectaculaire. C’est la 4ème colonne de sa vie.
La religion arrive en fin de ce parcours de formation, pourtant, on ne peut pas dire que la religion soit le sommet de la vie humaine, plus que la spiritualité, l’intelligence et le service de l’autre. On a même l’impression que ces 4 étapes sont d’importance décroissante. Ce serait comme un ruissellement de la source qui est la rencontre avec Dieu, puis d’étape en étape jusqu’à la religion.
Certaines cultures du monde voient l’itinéraire de l’humain comme une montée vers le spirituel, dans un dépouillement progressif de ce qui est terrestre et de nos soucis des choses de ce monde. La Bible n’est pas comme cela, au contraire, même. En Christ, la Parole de Dieu, le spirituel, vient à nous et s’incarne dans notre être, dans notre vie, et porte des fruits en ce monde, comme Jésus l’incarne très bien.
Dieu s’incarne en nous et grâce à nous
L’itinéraire de Salomon part donc du plus haut : de la spiritualité, de Dieu qui vient à nous, et en nous. Cela concerne tout le monde, même qui n’a pas ou pas trop de sentiment religieux : tout humain a au fond de lui une source qui est plus grande que lui, si l’on y fait attention. Que ce soit par la mystique, effectivement, ou l’amour, ou la joie, ou l’étonnement, l’émerveillement, ou l’espérance…
De cette expérience spirituelle, Salomon cherche à faire quelque chose. Il demande à Dieu de le grandir en qualité d’être : que ce spirituel ait pour fruit une capacité d’écoute, une sagesse et une intelligence plus grandes. Sa spiritualité n’est pas simplement une sérénité, un bien-être, une exaltation. C’est bien plus que cela : c’est une étincelle de création non pour nous propulser au 7ème ciel, mais pour que la Parole de Dieu s’incarne dans notre être de chair maintenant.
Salomon ne demande pas d’avoir la sagesse et l’intelligence pour être sage et intelligent. Il le demande à Dieu afin de pouvoir accomplir un service en ce monde, très concrètement pour les personnes auxquelles il pense. C’est un pas de plus dans l’incarnation de la Parole de Dieu : que sa spiritualité soit utile en le reconnectant mieux au monde et aux personnes qui sont là. C’est fondamental car l’humain est un être social, fait pour être à l’écoute d’autres membres de ce corps qu’est l’humanité et même la création entière. Et de voir alors avec sagesse et intelligence comment on peut être un peu utile, le service s’incarne ainsi dans l’évolution du monde. La religion est un pas de plus, c’est une œuvre humaine comme l’est ce temple de Salomon, construit avec des pelles et des pioches, des scies et des burins pour travailler les matériaux : la pierre, les bois de cèdre et de cyprès du Liban, le bois de santal et l’or d’Ophir.
À quoi sert donc ce temple, et la religion en général ?
Pourquoi donc faut-il ajouter la religion ?
Salomon l’explique dans son discours d’inauguration. Le temple, et donc la religion, servent à aider les humains à prier Dieu, même quand on ne le voit pas, qu’on ne l’entend pas, qu’on ne le sent pas. Même quand on est pécheur, même quand on ne fait a priori pas partie du club de la bonne religion, du bon peuple, de la bonne croyance(v.42). Le temple est là, massif, comme un signe bien visible de cette promesse que Dieu a faite de nous écouter nous, et de répondre à notre prière.
Pourtant, dit Salomon, Dieu n’est pas dans le temple mais il répond du haut des cieux, dans une tout autre dimension, et il exauce, soigne, pardonne. Ça marche même à distance du temple, quand on se retrouve perdu n’importe où par notre faute, dit Salomon (v.47). C’est à cela que sert le temple : à aider l’humain à prier Dieu alors même que l’on est loin de Dieu.
Cela permet à chacun, s’il le veut, de se retrouver à la première étape, à l’origine du parcours de Salomon, que l’on ait eu ou non une expérience spirituelle vive. Cette première étape est alors ouverte à toute personne.
La dernière étape du parcours de l’humain renvoie ainsi à la première étape. En mathématique, on appelle cela une fonction récursive : la fin renvoie au début du processus afin de le vivre à nouveau, et d’ajouter ainsi à chaque fois une étape supplémentaire. Encore et encore.
Pour le croyant, cela lui rappelle qu’il n’a jamais fini de découvrir Dieu, d’en être enrichi en terme de capacité d’écoute, de sagesse, de discernement personnel, en mobilisation pour servir. Il y a tant encore à prier pour demander à Dieu son aide, et à recevoir encore de lui.
Pour le non-croyant, le temple majestueux est un signe visible, même pour celui qui ne sait rien de Dieu, qui n’a jamais prié, ou qui pense que Dieu est absent de son monde et de sa vie. La religion institutionnelle lui dit à lui aussi qu’il peut s’adresser à Dieu personnellement, le prier comme si Dieu était là, présent, l’écoutait, et lui voulait du bien.
Le temple est là, massif, comme la religion, il n’est qu’un signe, il rappelle aux humains qu’il existe une dimension spirituelle. Et qu’elle est essentielle.
Saint Exupéry écrit en 1943, dans une sorte de testament spirituel : « Il n’y a qu’un problème, un seul de par le monde. Rendre aux hommes une signification spirituelle, des inquiétudes spirituelles. Redécouvrir qu’il est une vie de l’esprit plus haute encore que la vie de l’intelligence, la seule qui satisfasse l’homme. »
C’est le rôle de la religion d’être là et de nous dire cela, nous aider à nous en saisir, dans notre être de chair.
Ce n’est pas Dieu qui a besoin de la religion. Que pense-t-on : Dieu aurait besoin d’un temple comme d’un microphone pour mieux entendre l’homme qui prie ? Cela n’a pas de sens. La religion, comme le temple est construite par les humains pour les humains afin de leur rappeler qu’il existe une vie de l’esprit, une vie spirituelle et qu’elle mérite que nous nous en préoccupions.
Cela ne devrait pas être contre l’intelligence et la sagesse, au contraire, comme le dit ce parcours de Salomon : notre vie spirituelle doit être un réel enrichissement pour notre écoute des autres, pour notre sagesse, notre réflexion personnelle, notre discernement.
Cette vie spirituelle n’est pas une fuite hors de ce monde, au contraire. Quand elle est vécue sincèrement et personnellement, intimement, comme Salomon : notre vie spirituelle nous permet de chercher comment nous pouvons être utile en ce monde, alors même que nous nous sentons tout petit.
Salomon construit donc ce temple majestueux pour dire la grandeur de Dieu au cœur de notre être, de notre vie : que dieu est à notre écoute en toute circonstance, et qu’il est Dieu unique commun à tous.
C’est utile mais il y a deux grands risques auxquels pense Salomon (et c’est sage) :
Le premier risque est que l’on pense que Dieu serait là, dans notre religion. Salomon explique que, bien évidemment, Dieu n’habite pas réellement dans le temple (dans la religion quelle qu’elle soit, ni dans un rite quel qu’il soit). Il est bien conscient que Dieu est d’un autre ordre, une autre dimension : « Et quoi ! les cieux et les cieux des cieux ne peuvent te contenir, combien moins cette maison que je t’ai bâtie ! (v. 27). C’est bon à rappeler car la tendance de l’humain est toujours et partout de se faire des idoles : comme des dieux que l’on peut voir, que l’on peut garder, que l’on peut s’approprier et qui nous distinguent des autres personnes que l’on peut alors commodément considérer comme infidèles, étrangères à la vérité.
Le second risque de cette religion solidement bâtie ce serait de scléroser notre théologie et notre foi. Salomon travaille sur cette seconde question grâce au coffre d’alliance hérité du temps de Moïse qu’il place au cœur du cœur du temple qu’il construit. Salomon ne garde pas seulement le coffre d’alliance, il en garde aussi les barres qui servaient à Moïse pour le trimbaler dans son chemin à travers le désert. Salomon fait en sorte que ces barres restent visibles plus encore que le coffre : même si le temple est massif et pas transportable, ces barres de coffre nous appellent à une foi mobile, à une foi qui nous accompagne et nous met en route, grâce à des temps de désert où nous nous placerons, à notre tour, à l’écoute de la Parole dans le silence.
Dieu nous accompagne.
Amen
Texte de la Bible
1 Rois 8 (extraits)
1Alors le roi Salomon assembla auprès de lui à Jérusalem les anciens d’Israël et tous les chefs des tribus, les chefs de familles des Israélites, pour faire monter l’arche de l’alliance de l’Éternel depuis la cité de David, qui est Sion… 6Les sacrificateurs apportèrent l’arche de l’alliance de l’Éternel à sa place, dans le sanctuaire de la maison, dans le Saint-des-Saints, jusque sous les ailes des chérubins… qui couvraient l’arche et ses barres par-dessus. 8On avait donné aux barres une longueur telle que leurs extrémités se voyaient du lieu-saint devant le sanctuaire, mais ne se voyaient pas du dehors. Elles sont restées là jusqu’à aujourd’hui. 9Il n’y avait rien d’autre dans l’arche que les deux tables de pierre que Moïse y déposa en Horeb, lorsque l’Éternel conclut une alliance avec les Israélites, à leur sortie du pays d’Égypte…
22Salomon se tint debout devant l’autel de l’Éternel, en face de toute l’assemblée d’Israël. Il étendit les mains vers le ciel et dit : 23Éternel, Dieu d’Israël ! Il n’y a point de dieu semblable à toi, ni en haut dans les cieux, ni en bas sur la terre : tu gardes l’alliance et la bienveillance envers tes serviteurs qui marchent en ta présence de tout leur cœur ! … 27Mais quoi ! Dieu habiterait-il véritablement sur la terre ? Voici que les cieux et les cieux des cieux ne peuvent te contenir : combien moins cette maison que je t’ai bâtie ! 28Toutefois, Éternel, mon Dieu, sois attentif à la prière de ton serviteur et à sa supplication pour écouter le cri et la prière que ton serviteur t’adresse aujourd’hui. 29Que tes yeux soient nuit et jour ouverts sur cette maison, sur le lieu dont tu as dit : Là sera mon nom ! Écoute la prière que ton serviteur fait en ce lieu. 30Tu écouteras la supplication de ton serviteur et de ton peuple d’Israël, lorsqu’ils prieront en ce lieu. C’est toi qui écouteras, en ce lieu où tu sièges, dans les cieux ; tu écouteras et tu pardonneras !
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On se pose toujours et encore la question de savoir si la religion et l’intelligence sont compatibles entre elles … Il ne faut pas oublier que la religion est souvent du côté de l’obscurantisme et contre les progrès de l’humanité.
Tout instrument puissant est dangereux. C’est à chacun d’apprendre à l’utiliser. C’est pourquoi il convient d’éduquer les jeunes et de se cultiver soi-même, d’aiguiser notre sens pratique, notre sens critique. Cela se cultive et s’exerce comme un muscle. C’est vrai que ça ne vient pas tout seul.
Merci Marc pour ces deux prédications qui invitent à la réflexion. Je reviens sur cette phrase : « Dieu n’habite pas réellement dans le temple (dans la religion quelle qu’elle soit, ni dans un rite quel qu’il soit) » ; elle m’a fait réfléchir à la façon dont l’être humain peut accéder à une certaine connaissance de Dieu, aussi minime soit elle. D’où vient ce que je crois savoir de Dieu ? Presque exclusivement de ce qu’on m’en a dit, c’est à dire en quelque sorte de la religion. Certes je me permets de faire ma sauce personnelle, mais selon quels critères ? Difficile à dire. Je me demande alors si, être convaincue que Dieu s’est révélé en Jésus et ne le chercher qu’à travers cela, ne revient pas à enfermer Dieu dans une religion.
Une autre remarque, un peu plus légère. Le temple construit par Salomon est ici une image de la religion. Il n’empêche que les églises (les bâtiments) sont aussi un signe qui peut rappeler l’importance du spirituel, et ce d’autant plus qu’elles sont bien souvent belles et construites avec du cœur. Il me paraît essentiel de les préserver, pas seulement pour des raisons culturelles.
Grand merci, Pascale, pour cet encouragement.
Effectivement, dans notre idée de Dieu entre
Pour ne pas s’enfermer dans notre conception d’aujourhui, c’est une disposition d’esprit (et d’Esprit), en plaçant les barres au desus du coffre d’alliance contenant les antiques tables de la loi, on place le cheminement comme plus essentiel et vrai que ce que que nous avons mis dans notre coffre à théologie aujourd’hui. Et c’est à mon avis une saine disposition.
Ou comme le dit Jésus : le chemin est la vérité (la fidélité à l’essentiel, à Dieu, à nous-même) et la vie (Jean 14:6)
Tout à fait d’accord pour ce qui est de stemples et des églises, de leur clocher qui est comme le doigt de la main qui montre le ciel. Et encore plus les cloches quand elles sonnent à la vollée, invitant à la prière, là où on est, et en particulier pas à l’église 🙂
D’accord avec vous pour la menace de l’hubris. Une certaine exaspération brutale (dans l’athéisme rageur qui me menace) vient sans doute de l’immensité de la déception quand, avec Dieu, nous avions le maximum de Sens et de cohérence. Du coup, plus seul que jamais, désenchanté autant que dégrisé, face à une surenchère religieuse tous azimuts qui le blesse par son assurance paisible ( « il fait Dieu comme il fait jour »), l’homme athée qui fut spirituel se sent d’autant plus décalé, incompris, hors jeu (je), plus hargneux que douloureux, comme peut l’être un amant plaqué.
MERCI, Marc, de permettre ce dialogue, aussi écorché et désespéré soit-il, comme deux voies éternellement parallèles…
Pour reprendre le mot de St Exupéry que vous citez, le seul problème pour moi n’est pas que le monde soit spirituel, mais qu’il soit fraternel. Qu’il le devienne de plus en plus. En 2024, tous les temples, y compris « le » Temple, se sont effrités et disloqués dans une poussière d’indifférence, vestiges pittoresques mais vains (vestiges d’une vieille pensée théocentrée, toujours bavarde car se croyant encore inspirée), mausolées inutiles, totems fossiles d’une époque où l’on croyait fut comme fer à une présence divine. Or, le ciel est vide, « Dieu » est une hypothèse inutile, les restes mythologiques voire archéologiques ne sont que les vestiges d’une antique et pernicieuse superstition. Aujourdhui, seule cette petite planète bleue que ses habitants, au sein de Maïa, la terre patrie, sont appelés à humaniser. Homo solus. Bref, en ce qu’il a de meilleur, c’est en l’homme seul que j’ai foi. Homo Deus.
Ce que vous dites n’est à mon avis très proche de ce que j’essayais de dire. Je spécifiais ainsi explicitement que derrière la notion de « spiritualité » j’entendais et respectait ce que les uns et les autres avaient comme élan supérieur au fond d’eux. Pas seulement les patenôtres, mais aussi. L’idéal de fraternité de Maïa peut entrer dans ce que l’entends par « spiritualité » dans cette prédication. Espérant que cela nourrisse une écoute des autres et un discernement personnel, et delà un service des autres et du monde.
Précisément dans cet élan vers le meilleur il ne me semble ni juste ni performant de traiter péjorativement les autres formes que d’autres humains donnent à leur recherche de la source du mailleur. Ce qui est source de violence c’est précisément cela : ce que dénonce sans cesse la Bible Hébraïque : l’idolâtrie : élever sa propre façon de voir au rang de seule vérité et d’en profiter pour traiter l’inspiration des autre d’infidèle, d’illusoire, de faux dieu, et autre noms d’oiseaux. C’est d’une violence qui engendre la violence car l’autre est attaqué à la racine-même de ce qui l’inspire. Aujourd’hui, on ne dirait plus « idolâtrie », mais intégrisme (religieux ou athée), fanatisme, intolérance, communautarisme… Mais le fond reste, une sorte d’hubrys dans sa propre façon de voir, un manque d’écoute de l’autre, le reste suit.