
D. Marguerat dit que les miracles sont des évènements racontés de manière à présenter un Jésus divin
Question posée :
Cher pasteur,
Merci encore pour toutes vos prédications qui me remplissent de joie et d’énergie, de même que pour votre blog que je consulte régulièrement. J’espère que mes questions n’ont pas été posées. Voici, en tout cas, ce que je me demande :
— Concernant les miracles ou signes, je sais que vous avez une approche symbolique ; celle-ci m’a d’ailleurs permis de me rapprocher du christianisme après m’en être éloigné suite à des cours de catéchisme littéralistes et sans esprit critique. Que pensez-vous de l’approche de D. Marguerat, où il dit que les miracles sont des évènements racontés de manière merveilleuse pour présenter un Jésus divin (comme les Grecs attribuaient ce pouvoir à Xerxès, de même que redonner la vue chez les empereurs pour les Romains) ? On dirait qu’il ne présente pas la dimension symbolique, comme marcher sur les eaux, soit les tourments de notre vie actuelle, mais fait une lecture historicoreligieuse, si je ne me trompe pas. Ces deux approches sont-elles compatibles ?
— Selon vous, comment Jésus nous permet-il de marcher sur les eaux comme Pierre ? Est-ce surtout par son autorité (et non seulement ses enseignements), le fait qu’il puisse nous toucher aujourd’hui toujours par cette pulsion d’amour ou son Dieu proche ?
— De même, une autre question qui me fait peur : j’ai souvent été déçu dans ma vie par des gens que je pensais bons, été abusé, etc. Chaque homme peut avoir une part d’ombre plus ou moins forte, et certains se cachent pour le faire. Comment savoir, malgré la beauté et la puissance de l’Évangile, que Jésus était pleinement bon dans l’histoire et n’avait pas de parts d’ombres, comme avoir pu être violent, etc. ? Je m’excuse pour cette question.
— De même, concernant les prophéties, comme celle d’Isaïe sur la naissance du Sauveur : comment les prophètes, en plus d’être messagers de Dieu, arrivaient-ils à prédire des évènements, à dire qu’un tel naîtra à tel endroit pour sauver ?
Je vous remercie encore, cher pasteur
Réponse d’un pasteur :
Cher Aldebert,
Merci pour votre excellent message, vos encouragements et ce questionnement qui, j’en suis persuadé, sera fécond.
C’est vrai que je pense que tous les récits de miracle des évangiles ont un sens symbolique. C’est en cela qu’ils sont des « signes ».
De quoi les miracles sont-ils le signe ?
Je ne suis pas persuadé que ce soit pour nous donner une leçon de christologie, comme le pense Marguerat, mais plutôt pour que le lecteur vive une expérience de salut, voire de résurrection, et ainsi pour nous aider à vivre par le Christ. Ensuite, il est clair que tout miracle est signe de transcendance (au-delà de la nature des choses) et donc du divin. Cependant, la limite entre ce qui est divin et humain s’estompe en Christ, de toute façon, et c’est aussi quelque chose qui est dit pour nous, que nous devenions ainsi plus à l’image de Dieu, comme le projetait déjà le premier chapitre du livre de la Genèse.
Cependant, je pense qu’un certain nombre de miracles ont un fond historique. Je pense que Jésus avait des talents de guérisseur, mais parmi tous ses actes, seuls ceux qui pouvaient avoir un sens spirituel pour la foi du lecteur aujourd’hui ont été repris dans les évangiles. Nous sommes l’aveugle, le paralysé, le sourd, le muet, et le possédé de divers démons qui nous tourmentent.
D’autres récits, comme celui de la marche sur les eaux, n’ont par contre à mon avis pas de base matérielle historique, mais spirituelle seulement. Il s’agit d’une mise en récit de merveilles de vie dont nous bénéficions par la foi. Dans ce registre des prodiges purement spirituels non matériels, je mettrais la conception miraculeuse de Jésus dans Marie (au sens matériel, cela ferait de Jésus un demi-dieu, pas vraiment humain) et la multiplication des pains…
En tout cas, ces textes nous sont donnés pour nous faire vivre en Christ. C’est à chacun de l’interpréter à sa façon, librement, de se laisser rejoindre dans sa propre vie, de s’identifier d’une certaine façon à la fois à la personne qui bénéficie du miracle et au Christ qui est l’auteur du miracle (avec Dieu), et encore aux apôtres qui s’amusent à repousser les autres pour garder le Christ pour eux-mêmes…
C’est ainsi que, par la foi, il nous arrive de marcher sur l’eau.
Je connais mille personnes qui m’ont témoigné du fait que leur foi les a véritablement sauvées dans une situation trop dure à vivre, que leurs propres forces ne leur auraient pas permis d’y arriver seules. Les enseignements, comme ces récits de miracles, nous disent que cela peut nous arriver, mais le cérébral ouvre des portes, mais c’est la foi, c’est l’Esprit, quelque chose qui vient de Dieu qui peut alors nous mettre debout et nous faire avancer. Cela débloque des forces profondes enfouies en nous et nous en donne de nouvelles. Donc oui à votre Dieu proche de nous, et même Dieu en nous (on appelle cela son Esprit, ou plutôt son souffle de vie que nous inspirons).
Certes, tout homme a une part d’ombre.
Enfin : plus ou moins. La tête joue aussi, comme le dit Albert Camus : « un homme, ça s’empêche ». C’est à cela aussi qu’il est bon de réfléchir, de faire de la théologie et de la philosophie, de se construire ainsi un système de valeurs personnelles. Ce n’est plus alors seulement pour obéir à Dieu ni même pour être respecté des gens; mais par respect pour soi-même que l’on arrive à se dire : « Non, ça je ne le ferai pas, car cela ne correspond pas à ce que je veux être. » Pour avoir cette petite force nécessaire à un sursaut, cela demande un peu d’entraînement, et cela demande aussi l’aide de Dieu, sans doute.
Jésus a-t-il eu sa part d’ombre ?
Elle effleure parfois dans un énervement, dans un découragement, dans des hésitations, dans le désespoir de Gethsémanée et de la croix. Mais, à mon avis, les évangiles n’ont pas tant pour but de nous faire une biographie de Jésus ni même de nous décrire l’homme en tant que tel. Le but des évangiles est de nous présenter le Christ : ce qui, en Jésus, nous dit l’humain tel que Dieu l’espère. Une figure de l’humain idéal, idéal inaccessible, évidemment, c’est ainsi inspirant sans nous culpabiliser de ne pas y arriver. C’est essentiel pour nous donner une visée. Ensuite, oui, il nous invite, en particulier avec ces récits de miracle, à nous ouvrir à une puissance de vie qui nous dépasse.
Je ne dirais pas que les prophètes prédisent l’avenir.
Ils disent la trame essentielle de la réalité de ce monde où Dieu agit. Ces trames sont de tout temps, et les paroles de prophètes se réalisent donc de leur temps, mais aussi en Christ et dans notre vie. C’est de tout temps que Dieu nous appelle, nous parle et nous sauve. C’est en nous que naît un sauveur par le souffle de l’Esprit. Comme le dit Angelus Silesius : « Le Christ serait-il né mille fois à Bethléem, s’il ne naît pas en toi, c’est en vain qu’il est né. » C’est donc cela aussi que prédisent les prophètes.
Bravo pour vos recherches, vos interrogations, votre inspiration, je suis certain que cela vous apporte et vous apportera beaucoup (je pense pouvoir le prophétiser).
Dieu vous bénit et vous accompagne..
par : pasteur Marc Pernot
Réponse de la personne :
Cher pasteur,
Merci beaucoup pour votre réponse très enrichissante et féconde. Pardonnez-moi, je ne vous réponds que maintenant.
J’ai approndi mes réflexions et aurais d’autres questions si cela ne vous dérange pas, j’espère qu’elles n’ont pas été posées.
Si je vous comprends bien, je me trompe peut-être, les auteurs des évangiles, à travers leurs écrits, n’ont donc pas tant voulu prouver la messianité de Jésus, mais plutôt cherché à présenter des textes nous faisant réfléchir et nous questionner ?
J’ai vu que Jean-Claude Barreau disait que les évangiles étaient des textes de « propagande », bien entendu dans un sens positif j’imagine, celui-ci était chrétien ; pensez-vous que ce terme est adéquat ? Selon vous, les textes ne sont donc pas censés nous faire des leçons de christologie?
Étant donné que les évangiles ne sont pas une biographie de Jésus (mais plus sûrement des histoires théologiques?), pourquoi garder le nom de Jésus et ne pas tout simplement parler de Christ ? Une amie m’a dit que le fait de parler autant de Jésus ressemblait à une sorte de culte de personnalité comme si c’était un « gourou », et cela l’a écartée du christianisme. Je ne saurais comme lui répondre.
De même, comment garder confiance en l’humanité, chacun ayant effectivement du bon, mais aussi du mauvais ? Quand je vois des individus comme l’abbé Pierre qui, chez les catholiques comme les protestants, athées et autres était presque considéré comme un saint, un prophète ou un exemple à suivre, je me dis que l’humanité peut faire des éloges d’individus avec des passés sombres (je ne sais pas si cela a été confirmé légalement, et ce n’est pas tant pour être dans la dénonciation facile, je ne parle pas tant de l’abbé Pierre, mais j’ai vu beaucoup de gens dans ma vie donner de la nourriture aux SDF par exemple, faire des maraudes, et beaucoup le faisaient entre autres je pense pour paraître bien aux yeux des autres, même si cela est plus complexe et qu’il y a sûrement du bien en tout le monde)
Cher pasteur, je vous remercie encore.
Réponse du pasteur :
Cher Aldebert,
Je réagis bien volontiers à vos intéressantes remarques que je rappelle succintement :
Si je vous comprends bien, je me trompe peut-être, les auteurs des évangiles, à travers leurs écrits, n’ont donc pas tant voulu prouver la messianité de Jésus, mais plutôt cherché à présenter des textes nous faisant réfléchir et nous questionner ?
C’ets plus que nous faire réfléchir, il s’agit de nous faire expérimenter le salut qu’apporte le Christ. Ce n’est une théorie sur le Christ, mais vers une expérience.
J’ai vu que Jean-Claude Barreau disait que les évangiles étaient des textes de « propagande », bien entendu dans un sens positif j’imagine, celui-ci était chrétien ; pensez-vous que ce terme est adéquat ? Selon vous, les textes ne sont donc pas censés nous faire des leçons de christologie?
C’ets peut-être un peu péjoratif d’appeler les évangiles de textes de propagande. Car la propagande cherche à attraper une personne au profit d’une cause. Je dirais que ces textes sont des prédications révélant quelque chose qui nous a fait du bien pour en faire profiter ceux qui le désireraient. C’est comme ce site internet https://jecherchedieu.ch c’est un service offert gratuitement pour les personnes du monde entier, c’est désintéressé, dans l’espérance que cela aidera quelques personnes à vivre mieux, à se réconcilier avec Dieu et bénéficier de ses bons soins à lui.
Étant donné que les évangiles ne sont pas une biographie de Jésus (mais plus sûrement des histoires théologiques?), pourquoi garder le nom de Jésus et ne pas tout simplement parler de Christ ? Une amie m’a dit que le fait de parler autant de Jésus ressemblait à une sorte de culte de personnalité comme si c’était un « gourou », et cela l’a écartée du christianisme. Je ne saurais comme lui répondre.
Parce que, précisément, ce n’est pas un concept, pas seulement un bon message : c’est du vécu, c’est « incarné » dans l’existence d’une véritable personne, Jésus de Nazareth. C’est très inspirant.
De même, comment garder confiance en l’humanité, chacun ayant effectivement du bon, mais aussi du mauvais ?
Effectivement, il y faut de la bienveillance : voir et se réjouir du meilleur, remercier Dieu pour cela. Mais sans compromission, c’est à dire sans justifier en quoi que ce soit le mal. Sans laisser triompher une part de mal sous prétexte de « faire la part des choses ». Bien sur qu’un agresseur ne peut être maintenu en poste même si par ailleurs il a fait ou fait encore du bien.
Comment faire confiance dans l’homme ?
La confiance n’est pas aveugle, donc. La confiance n’exclu pas la vigilance, elle n’exclu pas de se protéger quand même, surtout quand on en connaît pas la personne en profondeur, il existe des personnes séductrices qui semblent absolument merveilleuses et qui le sont beaucoup moins en réalité. Oui, je sais, la vie est complexe, les relations humaines aussi. C’ets le revers de la médaille de l’incroyable richesse et beauté de la personne humaine. C’est comme une super Lanborghini, il parait que ce n’est pas si facile à piloter, l’humain est comme cela : une créature grand luxe, hyper puissante dans bien des domaines, mais délicate à manier. Alors au début, il faut y aller avec prudence.
Jésus nous propose : “Voici, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. Soyez donc prudents comme les serpents, et simples comme les colombes.” (Matthieu 10:16)
Dieu vous bénit et vous accompagne
par : pasteur Marc Pernot
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Je ne pense rien de bon de l’approche de Daniel Marguerat. C’est ce qu’a probablement pensé l’étudiante de l’époque… https://www.reformes.ch/eglises/2024/07/soupcons-dabus-une-dette-epongee-en-faveur-du-secret-eerv-vaud-unil-faculte-de
À quand des questions-réponses sur Cuvillier et Ansaldi?
Merci pour cette référence.
En même temps, la « cancel culture » est une démarche délicate. On peut étudier un livre sans justifier pour autant son auteur. Ècarter du pouvoir de nuire une personne dès que l’on a des soupçons me semble prudent, quant à décider d’un grand « brûlement » de livres ? Je ne sais pas.
En ce qui concerne Ansaldi, c’est effectivement un scandale, je l’ai eu comme professeur, j’ai été assez choqué par cet homme et soupçonneux sur ses pratiques « d’entretien pastoral ». Je ne comprends pas que l’église ait laissé passer cela pendant des années. Sur Elian Cuvillier, il est un bon auteur, un bon professeur, un bon prédicateur. Pour le reste, laissons d’abord la justice faire son œuvre : en ce cas l’église et la faculté de théologie ont réagi, en tout cas. Vous oubliez Michaël Langlois, je ne suis pas certain que la faculté de théologie de Strasbourg ait géré la situation au mieux, c’est le moins que l’on puisse dire.