L’homme, en tant qu’individu, peut-il réellement et profondément changer ?
Question posée :
Bonjour
Je me tourne vers vous pour une question qui me semble simple par la forme, complexe par le fond: peut-on changer ? Je veux dire, l’homme, en tant qu’individu, peut-il réellement et profondément changer? Évidemment, avec l’âge et l’expérience de produit quelques évolutions et je reconnais dans ces mouvements une sorte de changement.
Mais concernant la personnalité de la personne, ses traits de caractère etc, peut-il y avoir un véritable changement au point de se libérer des chaînes personnelles ?
Exemples: un anxieux peut-il devenir non-anxieux. Un colérique peut-il réussir à se canaliser alors qu’il a toute sa vie explosé ?
Est-ce possible de changer sans réduire ce changement à un vernis posé sur soi ?
Je me le demande sincèrement.
Je crois qu’un choc, un traumatisme puisse être un déclencheur de changement, mais pr la volonté, ce changement est-il bien possible ou un idéal vain qui occupe nos vies ?
La foi, idéal suprême selon moi, peut-elle venir autrement que par la grâce ?
Des efforts répétés suffisent-ils à obtenir le graal ?
J’ai bien l’impression que la plupart des individus finissent par soit devenir une fausse version d’eux-même, soit se perdre totalement.
Je vois peu de gens resplendir totalement tout en étant différent après avoir été dans le noir durant leur vie.
Et encore, l’on ne sait pas ce qui est en chacun, dans son intimité.
Je m’excuse pour ce message sombre et pas très optimiste mais c’est encore une quête que j’espère salvatrice.
Mais cette quête n’est-elle pas elle-même une cause de ces problèmes ?
Merci à vous pour votre lecture.
Bonne journée.
Réponse d’un pasteur :
Bonsoir
Bravo pour cette belle réflexion.
Peut-on changer ?
En général, je dirais que :
- Nous pouvons cheminer : c’est à dire à la fois rester nous-même tout en étant placé différemment.
- Nous pouvons approfondir : rester nous-même mais avec plus de profondeur, avec une dimension supplémentaire qui nous permet d’enrichir notre façon d’être.
- Nous pouvons apprendre, pour peu que nous y travaillons dans l’examen personnel et confions cela dans la prière, de sorte que nous restons nous-même mais avec un bagage d’expérience et d’intelligence de la vie dans lequel nous puiserons avec notre personnalité.
- Nous pouvons avoir moins peur prendre conscience de notre propre valeur, cela change énormément la façon dont notre personnalité s’épanouira et s’exprimera.
Et pourtant, oui, nous restons nous-même avec un caractère, une personnalité, avec un moi profond. C’est ce fond que Dieu aime plus que tout et qu’aiment ceux qui nous aiment. Je pense.
Au fond de chacun, beaucoup de sincérité
Parmi les jeunes et les personnes âgées que je rencontre, je trouve énormément de sincérité. Personnellement je les trouve lumineux, chacun à sa façon, fait ce qu’il peut et c’est leur personnalité qui s’exprime, parfois de façon bien maladroite, ou qui est recroquevillée, ou éruptive, mais quand même. Il est difficile d’être soi-même, on est en définitive si seul. Nous le sommes vraiment. Cela aide infiniment d’avoir quelques personnes qui nous aiment, c’est rare, qui nous soutiennent.
La foi apporte une immense aide, et parmi les personnes âgées que je rencontre, nombreuses sont celles qui en témoignent. Mais vous avez raison, je pense, il est facile de se perdre dans la vie. Ce n’est pas tant les chocs laissant parfois des blessures profondes, c’est plutôt le manque d’intériorité qui me semble faire que des personnes stagnent, voire se perdent dans une course à la superficialité, voire s’enfoncent. Mais là encore, cela me semble plus appeler à la compassion qu’à un impitoyable « il l’a bien cherché ». Non. c’est plus compliqué que cela. Cela s’est parfois mal imbriqué, des bifurcations ont été mal négociées, des attachements ont été envahissants. C’est difficile à décrypter dans le fil d’une vie.
Des personnes extraordinaires
Mais je dirais que les personnes extraordinaires sont légion. Bien des personnes ne se vantent pas, et n’osent exposer ce qu’elles sont à l’intérieur. Or, elles sont d’une profondeur, d’une beauté, d’une humilité, un amour, une foi, une personnalité, une expérience de la vie. Et ce moi qui est leur trésor. Mon métier les laisse peut-être oser le montrer plus qu’à d’autres, car la pasteur passe (alors que tout est plus compliqué avec nos proches), le pasteur n’en profitera pas, il ne répète pas, il ne juge pas (normalement), lui parler se confond un peu avec le fait de prier, peut-être. Donc je peux témoigner que la plupart des personnes est infiniment mieux à l’intérieur d’elles mêmes qu’il parât. Mais à défaut de paroles, guetter le sourire venu subrepticement, le regard, l’attention ou la distraction, le geste timide qui est signe d’une grâce donnée. Et y discerner les petits signes de cette richesse, de cette lumière.
La foi est-elle une grâce ?
La possibilité d’avoir la foi est une grâce, certes. Par définition car Dieu est d’un tout autre ordre que ce monde, et nous serions bien entendu incapable d’y avoir accèes : penser aller sur la lune en sautant à pieds joints est de la rigolade à côté de cela. Et pourtant; l’humain est « capable de Dieu ». Cela fait partie de notre nature. Cela nous est donné et c’est une grâce.
Mais avoir la foi est un choix personnel. Ce n’est pas si difficile : creuser ce quelque chose qui est de l’ordre de notre intériorité, chercher la source de ce qui existe, du meilleur en nous-même. Commencer à prier ne serait-ce que dans le sentiment d’être seul avec soi-même.
Mais je reconnais que c’est plus facile à certaines personnes qu’à d’autres. Cela n’est pas une question de grâce, c’est une question de chance, de circonstances, de prédisposition naturelle à la mystique. Peut-être ?
Ensuite d’un tout petit petit début de foi, un peu de pratique personnelle permet de faire une foi qui grandit, qui s’approfondit et s’affine. Quelques instants un peu chaque jour sont déjà prometteur.
Dieu vous bénit et vous accompagne.
par : pasteur Marc Pernot
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Avoir conscience qu’on a en soi une mauvaise tendance (à la paresse, au manque d’attention envers les autres…) et prendre soin de ne pas s’y laisser aller… s’habituer à se secouer, à montrer de l’attention et donner du positif… on peut toujours le faire. Mais sera-t-on quand même jugé sur son caractère profond, celui qu’on a sciemment, volontairement, combattu, voulu surmonter dans ses actes ?
Je suis heureux de pouvoir faire un commentaire,car le sujet est aussi juste que pour celui de la prédestination !
Enfin ce qu’il me semble être raisonnable à taire autant qu’avoir a concevoir pour l’entendement
Mais éventuellement il est reste parfois difficile d’élaborer le langage qui fait notre personnalité
au fond les concepts philosophiques où la louange , peuvent être compatibles sans fuite en avant pour > comparaison n’est pas raison < mais aident ! ?
Ce sans limites !J'imagine que le devoir est d'apprendre des autres pour d'instinct connaître l'imagination! De celle nécessaire pour une intériorité, quitte a redonner l'ancien d’avec le nouveau pour joindre les deux portants de l'horizontal et du vertical comme les textes expliquant le symbole de la mort sur la croix de jésus christ
« Commencer à prier ne serait-ce que dans le sentiment d’être seul avec soi-même. »
Voilà une phrase qui me parle ! Elle me renvoie à mon expérience qui me pose cette question depuis le début, sans obtenir de réponse pour le moment (ça fait 30 ans…) : ai-je réellement choisi d’avoir la foi (chrétienne, c’est-à-dire, en Christ) ?
J’étais en quête spirituelle mais je croyais pas en un Dieu personnel, et encore moins en Jésus-Christ, en qui je ne voyais qu’un sage de ce monde et un maître spirituel. C’est une brochure évangélique trouvée sur un trottoir près de la gare de Toulouse-Matabiau qui fut à l’origine d’une situation étrange, presque absurde : celle où, dans le secret de ma chambre, je me suis agenouillé et prié un Dieu auquel je « ne croyais pas »… le mettant au défi de se révéler à moi s’il existait…
Bon… il se trouve qu’il y a répondu de façon fulgurante, un peu à l’image de ce qui est littéralement tombé sur Paul suivant le chemin de Damas, pas plus de trois jours plus tard 😛 … et là, d’un seul coup, j’ai eu ce qu’on appelle « la foi » : en la Sainte Trinité, en la révélation des Écritures comme « Parole de Dieu », en Jésus-Christ comme Seigneur, Dieu et sauveur, en son Incarnation, en Son sacrifice sur la Croix pour moi et pour l’humanité, en sa résurrection d’entre les morts dans sa chair… Tout d’un coup !… comme un package.
Mais tout de même, je me pose depuis cette question : lorsque j’ai prié Dieu, « dans le sentiment d’être seul avec moi-même », avais-je déjà la foi ? Mais le Seigneur m’a aussi souvent pointé ce passage de l’Ecriture : « Je crois, Seigneur ; viens au secours de mon manque de foi ! »
Que signifie exactement cette expression : « être nous-mêmes » ou « être soi-même » ? Le Logos est devenu ce qu’il n’était pas (homme) tout en restant ce qu’il est (Dieu) ; de même, Marie est devenue ce qu’elle n’était pas (mère) tout en restant ce qu’elle est (vierge) ; également, nous sommes appelés à devenir ce que nous ne sommes pas (saints, parfaits, transparents à la lumière divine incréée, icônes du Christ, petits dieux) tout en restant ce qu’on est (humains, limités, faillibles, dépendants). Les orthodoxes appellent cela (ce à quoi nous sommes appelés, cette transformation) la « déification », ou « transfiguration » : saint Séraphim de Sarov la définit comme le but ultime de la vie chrétienne et qu’il désigne comme « l’acquisition du Saint Esprit », dans le sens d’en être intégralement empli jusque dans la chair, jusqu’à en rayonner physiquement, et il en fut un exemple vivant, avec d’autres, dans sa vie terrestre.
Irénée de Lyon signifiait que « le Fils de Dieu s’est fait homme afin que l’homme devienne fils de Dieu ». Athanase d’Alexandrie reprend, en la condensant tout en l’étendant, cette formule : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne dieu ». Mais comment être « saints comme Il est Saint », « parfaits comme notre Père céleste est parfait », transparents à la lumière divine incréée, icônes du Christ, transfigurés, petits dieux, en traînant nos casseroles ?
Comment est-ce possible de changer ? Par notre propre volonté ? On s’interroge ici à juste titre :
« Mais concernant la personnalité de la personne, ses traits de caractère etc, peut-il y avoir un véritable changement au point de se libérer des chaînes personnelles ?
Exemples: un anxieux peut-il devenir non-anxieux. Un colérique peut-il réussir à se canaliser alors qu’il a toute sa vie explosé ?
Est-ce possible de changer sans réduire ce changement à un vernis posé sur soi ?
Je me le demande sincèrement.
Je crois qu’un choc, un traumatisme puisse être un déclencheur de changement, mais par la volonté, ce changement est-il bien possible ou un idéal vain qui occupe nos vies ? »
Le saint apôtre Paul nous donne ici une clé de compréhension en ce que « le Seigneur c’est l’Esprit ; et là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté. Nous tous qui, le visage découvert, contemplons comme dans un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, de gloire en gloire, comme par le Seigneur, l’Esprit ».
« L’homme, en tant qu’individu, peut-il réellement et profondément changer ? »
Je dirais que l’individu ne change pas : il reste toujours identifiable par ce qui le sépare de l’ensemble (l’humanité) ; en revanche, la personne, elle, est sujette à transformation, car elle se définit, au contraire de l’individu, par ce qui la relie aux autres : cette personne est unique et elle a un visage et un nom, qui peuvent eux aussi changer.
Il n’y a pas de fatalité en Dieu, ni rien de figé : que la vie, le mouvement, l’être, le renouvellement permanent. Il n’y a donc rien en nous qui ne puisse pas changer ou devenir : ni notre caractère, ni notre personnalité, ni notre pensée, ni notre conscience, ni notre corps. Nous sommes appelés à cette transformation, aussi bien psychique, que spirituelle et corporelle, qui consiste à nous dépouiller du vieil homme pour revêtir l’homme nouveau.
Quel est cet homme nouveau ? Toujours le même individu mais une nouvelle personne, un même être devenu ce qu’il n’était pas tout en restant ce qu’il est. Le prototype du nouvel Adam, c’est le Christ. Il s’est montré « sur la montagne » à trois de ses disciples tel qu’il est réellement, et de toute éternité : leur yeux se sont ouverts et ils ont vu le Christ tel qu’il est, resplendissant de la gloire résurrectionnelle, transparent à la lumière divine incréée, parfaitement saint, transfiguré. De même, non par notre seule volonté, « nous tous qui, le visage découvert, contemplons comme dans un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, de gloire en gloire, comme par le Seigneur, l’Esprit ». Nous sommes cependant co-créateurs de cette nouvelle personne par l’exercice de la foi, de la charité, de la prière, de l’ascèse, de l’action de grâce (l’eucharistie), de la louange, de ‘adoration, de la méditation de la Parole, et de tout autre moyen.
Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne dieu. Le premier pas que nous ayons à faire d’avoir conscience de la nécessité impérieuse d’un changement, d’un retournement, d’une métanoïa, de désirer changer et croire que cela est possible à Dieu, même si c’est impossible à nous.
Avoir conscience qu’on a en soi une mauvaise tendance (à la paresse, au manque d’attention envers les autres…) et prendre soin de ne pas s’y laisser aller… s’habituer à se secouer, à montrer de l’attention et donner du positif… on peut toujours le faire. Mais sera-t-on quand même jugé sur son caractère profond, celui qu’on a sciemment, volontairement, combattu, voulu surmonter dans ses actes ?
Quel beau récit que celui de votre conversion, qui vous est « tombée dessus » en quelque sorte. Vous savez, je crois que St-Paul lui-même dont vous nous donnez l’exemple a fait cette expérience fulgurante après une longue recherche, et que c’est un peu comme çà dans toute conversion, même si le converti n’a pas conscience de son cheminement. Après tout, Paul nous dit dans une des épîtres qu’il « poursuivait les chrétiens avec la dernière fureur » ou à peu près çà.. çà veut bien dire à quel point la question le titillait déjà! J’aime aussi beaucoup votre développement à propos de « l’homme (ou la femme) nouveau ou nouvelle » que nous devenons en Christ. Oui, nous devenons cet homme ou cette femme nouvelle avec tout ce que nous sommes! Ou alors, l’Incarnation n’a pas vraiment eu lieu. St-Paul, le sanguin, le colérique, est resté le même qu’avant! Sauf que désormais, il a mis toute la fougue avec laquelle il poursuivait les chrétiens à annoncer la bonne nouvelle.. 🙂 Meilleures salutations à vous et bonne journée!