22 juillet 2019

Une belle grande croix dans un temple protestant - photo Eglise Protestante de Genève
Bible

Dieu dit de ne pas faire d’images, pourquoi des croix dans les temples protestants ?

Une belle grande croix dans un temple protestant - photo Eglise Protestante de Genève

Question posée :

Bonjour
Comment expliquer la croix dans des églises protestantes ? N’est-ce pas contraire au principe de Exode 20:4 ?
Votre réponse me fera avancer dans mes recherches, pour la vérité… Jean 8:32.
Merci.

Réponse d’un pasteur :

Bonsoir Madame

Je ne pense pas que l’on puisse lire la Bible comme un recueil de commandements, sinon il faut aussi lapider les enfants désobéissants (Deutéronome 21:21) et chasser les personnes qui portent des vêtements en fibre mélangées (Lévitique 19, 19)

La Bible est à prendre comme un livre de questions, d’excellentes questions à se poser. Pour ensuite chercher dans notre conscience à l’adapter à notre situation, avec notre intelligence et notre prière.

Par exemple en ce qui concerne ce verset que vous citez « Tu ne te feras point d’image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. » (Exode 20:4). Il est intéressant de remarquer que quelques chapitres plus loin (Exode 37:7-9), les hébreux font deux grands chérubins d’or pur pour décorer le coffre contenant précisément ces tables de la Loi interdisant de faire des images ! Cela montre bien comment nous devons utiliser ces textes, non à la lettre mais par l’Esprit et avec intelligence, discernement.

Quant à la croix dans les temples protestants, votre question est intéressante.

A l’origine, un lieu de culte protestant réformé n’avait jamais de croix ni d’images. La seule « décoration » était des versets choisis dans la Bible, comme une invitation à lire et à interpréter soi-même les écritures. A mon avis, c’était une excellente pédagogie. Et bien entendu, toute représentation par un objet ou une image était écarté, afin de limiter tout risque de superstition. En effet, nous avons du mal à avoir du recul vis à vis d’une image ou d’un objet symbolique alors que le texte doit être décoder pour être lu, puis cela demande de réfléchir pour essayer de le comprendre et de l’intégrer à ce que nous pensons. C’est ainsi qu’il n’y avait ni croix, ni cierges, ni statues, ni tableaux. Pas non plus de Bible décorative (c’est venu au XIXe siècle, à ma connaissance). Ce dépouillement a d’ailleurs une longue histoire, elle remonte au moins aux cisterciens et à leur architecture belle, simple, et sans décoration. Cela est fait pour renvoyer la personne à l’intérieur d’elle-même pour chercher Dieu qui est là par le souffle qu’il nous a donné, son Esprit. Il est là quand deux ou trois sont assemblés en son nom. Mais Dieu n’est pas dans un temple, ni accroché sur les murs, son Esprit n’est pas dans la flamme d’une bougie. Bien sûr. Tout le monde le sait, mais alors, vous avez raison, pourquoi mettre une croix et des bougies comme dans bien des temples protestants aujourd’hui ?

Il me semble que la première vague d’installation de croix est arrivée après la première guerre mondiale. Le traumatisme provoqué par cette invraisemblable boucherie a été immense. Une grande déception quant à la valeur de notre civilisation, de notre humanité. Ce choc a suscité des réflexions théologiques majeures comme celles de Karl Barth et de Paul Tillich. Mais certaines personnes se sont senties inspirées par la croix, les souffrances du Christ, et l’idée de résurrection comme victorieuse de cette mort, symbolisée par la croix vide, sans le pauvre Jésus mourant dessus. C’est une prédication intéressante mais faut-il vraiment l’accrocher à demeure sur les murs ? C’est effectivement très discutable.

Une deuxième vague d’installation de croix dans les temples protestants est à mon avis venue dans les années 1960-70 avec l’œcuménisme. Je suis très favorable à l’œcuménisme en particulier avec notre église romaine sœur. Cela nous enrichit beaucoup. Mais je ne pense pas que l’idée soit de copier leurs pratiques de représentation du sacré. Le meilleur service que nous pouvons rendre à la foi chrétienne c’est de creuser, d’affiner, de rendre plus fidèle notre propre façon de vivre et d’offrir au monde l’Evangile du Christ. Et de dialoguer dan sle respect avec d’autres façon de le dire. Notre vocation à nous est d’offrir le texte des Ecritures et de faire que chacun se sente autorisé de les lire et de les interpréter à sa façon, de l’aider à en avoir les moyens. Je ne suis pas certain que remplacer les versets bibliques par des croix et des cierges contribue grandement à cette vocation.

Mais après tout ce n’est que de la décoration, après tout. Et Dieu n’est pas tracassier, comme je le mettais en introduction. Il nous laisse libre. Tout dépend dans quel état d’esprit c’est fait. C’est ainsi que, après avoir entendu l’avertissement en ce qui concerne le danger des images et la valeur des textes écrits (comme les tables de la Loi montrées par Moïse au Peuple), les hébreux se sont sentis libres de faire comme ils en avaient envie. Et c’est très bien, tant qu’il y a la compréhension de ce qui a été fait, ce qui n’est pas si simple dans le long terme et pour des personnes non averties.

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : Marc Pernot, pasteur à Genève

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9 Commentaires

  1. Thomas dit :

    Dans l’église catholique, l’image de Jésus Christ sur la croix nous prépare à la messe. La vue du Christ crucifié attendrit notre coeur et nous prépare à recevoir en nous le corps du Christ, le fruit de l’arbre du salut. Elle nous aide aussi à méditer sur le sens de l’amour qui est de donner sa vie pour les autres en acceptant toutes les souffrances. Comme on dit une image vaut mille mots.
    PS: Les cisterciens ont un style sobre mais il y a quand même des images et des croix dans leurs abbayes. Ce n’est pas de l’idolâtrie, juste un conditionnement des yeux mais aider au recueillement.
    Soyez bénis

    1. Marc Pernot dit :

      Merci beaucoup.
      Nous sommes en communion profonde sur le fond. C’est juste des nuances de pédagogie, comme vous l’indiquez très bien.
      Dieu vous bénit et vous accompagne

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