Couple protestant/athée : des barrières infranchissables ? Comment arriver à discuter ensemble ?
Question posée :
Bonjour,
Premièrement, j’ai découvert votre site aujourd’hui et je suis agréablement surprise par les échanges précédents que je viens de lire sur ce blog.
Je me permets de vous écrire aujourd’hui à propos d’un sujet qui me tient à cœur : les relation entre une personne athée et un croyant protestant. Étant en couple avec une personne protestante, nous abordons régulièrement des sujets épineux mais dialoguons aisément. Je me rends chaque dimanche avec lui à l’Eglise et aime beaucoup passer ces moments si importants pour lui à ses côtés. Néanmoins, au moment où nous commençons à parler de l’avortement, la discussion est plus difficile, tant pour moi que pour lui. J’aimerais ainsi, pouvoir savoir si il y a une position définitive de la religion protestante à ce sujet. Si oui, est-elle commune à tous les pays (mon conjoint n’étant pas de ma nationalité) ? Enfin avez-vous des conseils sur le moyen de mener à bien ces discussions, sans blesser, heurter ou manquer de respect à sa religion, ou à mes convictions ?
Je vous remercie par avance.
Réponse d’un pasteur :
Bonsoir
Mil mercis pour les encouragements, c’est vraiment sympa. Il me semble que cela devrait toujours être agréable et serein de dialoguer entre personnes qui s’intéressent à Dieu, et encore plus entre personnes qui en reçoivent quelque chose.
Il y a des protestantismes, tout dépend du rapport de la personne à sa foi
La question est qu’il y a protestant et protestant, vous avez raison. C’est comme cela dans toutes les religions et dans tous les courants du christianisme, et c’est la même chose en politique, je pense, en histoire, en sciences humaines…
Il y a des personnes qui sacralisent leur propre courant de pensée, leurs propres doctrines, leurs rites, et pensent que les personnes qui ne sont pas de ce courant là ne sont pas dans le vrai… C’est ce que l’on appelle l’intégrisme. Ensuite, il y a des degrés dans cette position, entre l’ouverture totale (où « tout se vaut », ce qui est dangereux aussi), et l’intégrisme radical (annonçant aux personnes des autres courants qu’elles sont coupées de la vraie vie), il y a tous les degrés.
Donc cela dépend de votre ami, de sa mentalité, de son respect pour les personnes d’autres sensibilités, et plus particulièrement de son respect pour vous.
A mon avis, vous n’êtes absolument pas obligée d’aller TOUS les dimanches avec lui dans son église. Il ne peut pas vous demander cela, et encore moins de vous « convertir » à son église. Bien sûr. Ce serait un grave manque de respect pour vous, et si( ‘lon ne respecte pas, c’est que l’on aime pas vraiment. Mais peut-être qu’il entretient le secret espoir qu’à force de le suivre le dimanche vous soyez « convertie » ? Il faut lui dire clairement que vous n’y allez pas par conviction personnelle, mais que vous y allez par respect pour lui (ce qui est très sympa, presque trop sympa car être en couple ce n’est pas forcément faire tout ensemble).
Questions délicates d’éthique
Pour ce qui est des questions éthiques comme l’avortement, l’euthanasie, les travaux sur les embryons, le divorce… il peut y avoir différentes opinions possibles, différentes sensibilités.
Dans le protestantisme, en général, le maître mot est la liberté personnelle et la responsabilité personnelle, avec l’aide de Dieu et de son pardon. Donc même si l’on est personnellement opposé à une de ces pratiques, ce sera pour soi-même, sans en faire une obligation absolue pour les autres. En particulier en ce qui concerne l’avortement, c’est la femme qui est de loin la plus concernée car porter un enfant n’est pas une petite chose, c’est tout l’être qui participe, on ne peut pas imposer cela à une femme qui ne le désire pas. L’homme vient après, s’il est le géniteur, il a son mot à dire, seulement il me semble que c’est la femme qui a le dernier mot sur cette question. L’aide de Dieu permettant de discerner par soi-même est ce que l’on appelle « le Saint Esprit ». Personne ne peut prétendre qu’il en aurait plus qu’une autre personne (cela appartient à Dieu seul). Et certes nous nous trompons tous, mais c’est pour cela que Dieu nous accompagne, nous pardonne et nous aide à nous relever.
Seulement, il y a des personnes qui sont dans des églises et des personnes (même dans des églises protestantes) qui entendent fixer des règles morales strictement même pour les autres personnes et veulent les imposer.
Comment débattre, discuter en couple dans le respect ?
Dans une discussion de ce genre en couple, oui :
- Il est bon d’abord d’accepter par avance le principe que l’on n’a pas nécessairement la même opinion sur tout et que c’est normal, que cela fait partie de la richesse même du couple, comme de l’humanité. L’amour est un lien entre deux personnes distinctes, ce n’est pas se dissoudre l’un dans l’autre. Il y a des points communs, et des spécificités. Ce qui fait le couple c’est l’attention à l’autre, ce qui est tout l’inverse de vouloir réduire la spécificité de l’autre. C’est effectivement la base du respect de l’autre, même si telle ou telle de ses idées ne nous enthousiasme pas.
- Il est bon alors de débattre ensemble, non dans l’idée de convaincre l’autre de changer son opinion, mais d’entendre, de s’intéresser à ce que l’autre pense. De l’encourager et le conforter.
- Il est bon que chacun puisse présenter son opinion avec des explications, des arguments. Bien sûr que les goûts ne s’expliquent pas (pourquoi on aime le jaune plus que le bleu), ni la foi (on n’a pas à se justifier d’avoir la foi ou de ne pas l’avoir), et cela doit être accepté par l’autre sans justification. Mais en ce qui concerne les opinions, si : elles devraient pouvoir être argumentées. Quitte à se rendre compte qu’il y a un postulat de départ qui appartient à l’autre. Cela demande alors simplement du respect mutuel.
- Quand l’un a pu s’exprimer, c’est à l’autre, et garder une équité ainsi dans ce débat.
- Ce n’est alors pas un scandale ni un problème de ne pas avoir la même opinion. Le fait même d’avoir échangé et entendu est ce fameux lien d’attention mutuelle qui fait l’alliance dans le couple, comme d’ailleurs entre amis.
C’est pourquoi vous avez absolument raison de chercher à discuter, dans le respect de l’autre et le respect de soi-même, bien entendu. L’un et l’autre étant essentiel. Surtout dans le couple.
Dieu vous bénit et vous accompagne.
par : pasteur Marc Pernot
Réponse de cette personne :
Cher Monsieur,
Je vous remercie infiniment pour cette réponse détaillée remplie de compréhension, de douceur et de nuances.
En la lisant, je réalise que le respect mutuel des convictions d’autruis (amis, compagnons ou autres) est un élément essentiel d’une relation saine. J’ai la chance que mon compagnon soit un homme ouvert au dialogue et à mon écoute. De plus, je prends un réel plaisir à me joindre à lui lorsqu’il me propose de l’accompagner à l’Eglise. En effet, depuis plusieurs mois désormais, j’ai l’impression qu’un nouveau chemin s’est ouvert à moi. Je découvre que des idées que je croyais purement philosophiques se retrouvent dans la foi qu’il pratique. Cela m’intrigue, me fascine et me plait beaucoup.
Néanmoins, ayant une peur importante du conflit, je me suis retrouvée souvent effrayée ou physiquement incapable à l’idée d’argumenter mes idées sur certains sujets. Encore une fois, mon compagnon m’a toujours aidé à m’exprimer en mettant de côté son opinion un instant. Une preuve de respect, d’amour et de maturité d’esprit trop rare de nos jours, il me semble.
A la lecture de votre réponse (qui est arrivée plus vite que je ne le soupçonnais), j’ai été émue. Emue de votre sincérité et de l’implication que vous y avez mis.
Ainsi, merci encore une fois.
Je vous souhaite une belle soirée.
Dieu vous bénit et vous accompagne.
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Protestant et engagé dans mon église je vis ma foi en liberté. Pour moi l’Evangile est une déclaration d’amour du Père pour l’humanité. Le Christ a donné sa vie pour le pardon de tous nos péchés. Tu aimeras ton prochain comme toi même est le seul commandement du christianisme. Partant de là je respecte la liberté de conscience de chacun, la liberté de croire ou non… et que signifie exactement « croire » à qui a quoi ? Pose la question à un athée…. tu ne crois pas en quoi ? En Dieu… mais quel Dieu ? Un Dieu tout puissant assis sur son nuage ? Un Dieu qui contrôle tout ? Moi non plus je ne crois pas en ce Dieu là… Je crois en un Dieu qui est Amour avec un grand A, un Dieu qui considère l’homme comme Adulte donc libre et donc aussi responsable de ces actes. Là question de l’avortement est donc une question à trancher en liberté et responsabilité par l’humanité à la Lumière de l’Amour. Si c’est pour une question de liberté des femmes à disposer de leur corps et pour être des êtres humains égales aux hommes alors oui évidemment le droit a l’avortement doit être constitutionnaliser.
Pour moi être Protestant c’est aussi être un chrétien humaniste en phase avec son temps. Calvin disait que l’église devait sans cesse se réformer et donc savoir se remettre en question. Une chose seule compte la Grâce infini de Dieu pour l’humanité.