
Comment parler de Dieu à notre enfant de 3 ans ?
Question posée :
Cher Pasteur,
Je tiens déjà à vous remercier pour toutes vos réponses et partages très enrichissants qui m’ont apporté tant de clefs pour avancer dans ma vision de la spiritualité et de la religion.
De famille et d’enseignement catholique, je me sens plus proche de l’église protestante réformée. J’apprécie son ouverture plus inclusive et son fonctionnement plus démocratique. Ce sont d’abord ces deux aspects qui m’ont plu, et puis, à travers votre site, j’ai réalisé que, même dans les différences théologiques, j’étais également plus proche de la vision protestante.
Maman d’une petite fille de 3 ans et demi et d’un bébé de 6 mois, je m’interroge sur le partage de ma foi chrétienne avec mes enfants. Le catéchisme ne commence qu’à 7 ans et je ne souhaite pas que celui-ci arrive sans préparation préalable. Elle a reçu le baptême dans le temple que je fréquente. Mon mari est également catholique d’éducation, mais plutôt agnostique ; la question le préoccupe moins, il m’accompagne de temps en temps au temple. J’y vais moi-même très peu, par contrainte d’emploi du temps et car le culte est peu adapté aux enfants.
D’où mes deux questions qui se rejoignent :
Comment parler de Dieu à notre enfant de 3 ans ?
Je considère Dieu davantage comme un concept : source de la vie, de l’amour, de tout ce qui est bon. Lorsque l’on étudie la complexité du vivant, que l’on constate l’énergie de la force de vie présente d’une telle force, l’on ne peut que célébrer Dieu. Pour autant, j’ai du mal à en parler naturellement au quotidien. Dieu a été si souvent associé à ce que j’estime une mauvaise image (vieil homme sur son nuage, esprit tout puissant…) qu’il m’est difficile d’utiliser ce terme à voix haute en dehors des lieux spirituels.
J’ai moi-même moins le temps de méditer depuis la naissance de ma fille. Habituellement, je mélange méditation et prière, je parle peu à Dieu même si je peux formuler une demande d’aide ou un remerciement, une gratitude. La méditation matérialise un temps de silence, d’écoute et de respiration qui me connecte à l’esprit saint.
Si j’amenais ma fille bébé au culte, celle-ci grandissant, il ne me semble plus très adapté : trop long et déconnecté de son quotidien. Du coup, je reconnais ne plus y aller depuis environ un an… Je l’ai juste amené à la première partie de la messe de Noël catholique avec ses grands-parents, plus festive. C’est une différence notable que je ressens entre le protestantisme et le catholicisme : il me semble que les cultes catholiques sont plus dans l’émotion et ceux protestants dans la réflexion. Ce qui fait que, quand j’étais enfant, même si nous ne comprenions pas tout, l’important était de ressentir la présence de Dieu dans ce moment de communauté, notamment au moment de l’eucharistie. Dans le culte protestant, je trouve la place des enfants moins facile à trouver. Même si, justement, la communauté que je fréquente cherche des pistes pour améliorer sa prise en compte.
J’aime parler de tout avec ma fille, cet aspect spirituel me semble important, et je regrette de ne pas trouver de manière adaptée de lui parler de l’essentiel de la vie.
Quels ouvrages pour les plus jeunes existent-ils chez les protestants ?
Cette deuxième question rejoint la première, je me dis qu’avec des livres adaptés je trouverai plus facilement l’opportunité d’échanger avec elle (elle adore les livres) et avec les bons mots. Je trouve que les livres pour enfants enferment dans des images toutes faites l’histoire de la Bible et, à la fois, les textes de la Bible sont déjà difficiles d’accès pour nous (il faut un contexte, des références, accrocher au style littéraire) que je ne me vois pas lui présenter tel quel. Est-ce que vous connaissez des ouvrages pour les plus jeunes qui ne soient pas trop simplistes pour ne pas être juste prises comme des histoires de conte ? Avec des clefs de lecture pour les parents pour poser des questions aux enfants et les faire réfléchir, apporter des anecdotes… Car, à côté de ça, je connais de nombreux ouvrages laïques très bien faits pour aborder les valeurs chrétiennes : beauté de la vie et de la nature, importance du respect et de l’amitié, importance du partage, communication bienveillante…
Je vous remercie pour votre temps et vous souhaite une très belle journée.
Bien à vous,
Réponse d’un pasteur :
Chère Madame,
Bravo pour votre foi, libre, sincère et profonde, associant à la fois une réflexion intelligente et une véritable spiritualité priante.
C’est vraiment excellent que vous cherchiez à apporter à vos enfants quelque chose de l’ordre de Dieu et de la spiritualité. Je pense que c’est vraiment une partie essentielle de ce qu’on appelle « élever » un enfant : l’élever effectivement dans le sens d’une élévation. J’oserais même dire qu’une éducation qui ne chercherait pas à apporter à l’enfant un travail sur sa propre intériorité, cette éducation serait déficiente. Pour faire un parallèle, ce serait comme éduquer un enfant tout en l’empêchant de marcher, ou éduquer un enfant tout en lui interdisant d’écouter la moindre note de musique. Ce serait même peut-être pire, parce que l’intériorité est une dimension peut-être plus essentielle encore à l’humain que l’exercice physique et esthétique.
Vos enfants ont donc de la chance que vous cherchiez à leur apporter quelque chose en ce domaine. Je dirais que, quoi que vous fassiez, un grand bénéfice sera déjà de les avoir ouverts à l’existence de leur intériorité. De plus, compte tenu du fait que vous avez cette ouverture sur ce que l’on appelle Dieu et une pratique de la réflexion et de la prière, ce que vous allez apporter à vos enfants les ouvre sur un champ très large, bien plus large, que si c’était simplement de la philosophie (ce qui serait quand même déjà quelque chose).
Le mot Dieu
Il me semble que vous pouvez tout à fait oser utiliser avec vos enfants le mot « Dieu ». Et que c’est important. Afin de les initier et aussi de renforcer leur immunité à des usages parfois nocifs du terme, comme vous le dites. Ensuite, ce mot est surtout à pratiquer, dirais-je. Pour le reste, la définition que vous en donnez ici me semble excellente et compréhensible. En quelques mots, je dirais que Dieu est ce qui est source de vie, ce qui est source du meilleur dans la vie. Vous pouvez ajouter qu’il est difficile d’en donner une définition puisqu’il dépasse tout ce que l’on peut en dire. Ils ont ainsi une piste, un début de notion, en même temps une ouverture.
Pourquoi les familiariser avec ce mot de Dieu ? Premièrement, parce que cette idée de Dieu traverse quand même des millénaires de patrimoine religieux, spirituel, philosophique, artistique, et donc que se familiariser d’une certaine façon à cela est un atout pour leur future pensée. Deuxièmement, parce qu’ils y seront de toute façon confrontés et qu’il importe donc qu’ils puissent en avoir une certaine idée associée à une ouverture : cela leur permettra de résister à bien des dogmatismes et intégrismes. Dans cette découverte, vous pourrez commenter au passage tel fronton d’une église, telle peinture à l’intérieur, telle œuvre d’art ou musique, telle actualité touchant aux différentes religions ou aux fêtes religieuses. Travailler ainsi cette notion, dans le fil de la vie courante.
La prière
Ensuite, je pense qu’un point essentiel de l’éducation des enfants à la maison consiste à leur apprendre à prier. Ils en ont, je pense, autant besoin que nous tous, et cela peut leur faire un bienfait considérable déjà dans le présent, pas simplement comme une éducation, mais comme une spiritualité qui aide à vivre, comme un travail de leur propre intériorité.
Pour apprendre à prier, cela peut tout à fait faire partie du rite du coucher de l’enfant. Si vos deux enfants sont dans des chambres séparées, plutôt que de les réunir pour prier, il pourrait être bon que vous priez avec l’un, puis avec l’autre, dans une certaine intimité (ce que recommande d’ailleurs Jésus, Matthieu 6:6). Je dirais que la prière, ensuite, est surtout de penser à Dieu, puis de dire quelques mots de gratitude : d’être vivant, d’avoir des parents et une sœur. Chercher au fond de soi quelque chose de bon et d’agréable de sa journée pour lequel on aimerait remercier. Et simplement dire merci mon Dieu pour cette délicieuse tarte aux framboises, pour le soleil, pour le fait d’avoir pu nager dans la piscine de grand-mère…. Ensuite, à l’occasion, pas trop souvent, si l’on a appris qu’un copain de classe s’était blessé dans la cour d’école, ou qu’il a pleuré en classe, on peut proposer à l’enfant d’avoir une pensée devant Dieu pour cette personne. Déjà avec ces deux intentions de prière, l’enfant acquiert un beau regard sur sa propre vie et une confiance en un Dieu qui est pure source de bonté. À mon avis, ça fait déjà un usage formidable. C’est un début de prise de hauteur sur sa vie.
La Bible avec les enfants
Ensuite, je pense quand même qu’un travail biblique est intéressant. Vous pouvez effectivement acheter une bible illustrée pour enfants, vous en trouverez dans toutes les bonnes librairies, et à défaut dans une librairie religieuse. Vous pouvez la choisir avec lui afin que les illustrations lui plaisent. Vous pourrez prendre avec vos enfants (c’est même mieux en groupe) une de ces histoires dont la Bible est remplie et chercher à l’interpréter en se mettant à la place des différents personnages : en se disant que parfois on a des difficultés comme le héros, parfois l’histoire se termine bien, d’autres fois on est face à des difficultés ou à des méchants, qu’il nous arrive même parfois d’être pas trop gentils aussi… bref de faire une lecture qui permet de comprendre que la Bible, en réalité, parle de nous, de la vie humaine, avec ses bons et ses mauvais côtés, ses bons moments et ses moments plus difficiles. Se demander enfin ce que le texte nous dit sur Dieu. Il est bon de voir avec eux que l’on n’est pas forcément d’accord avec tout ce qui est dit dans les histoires de la Bible ni avec le héros de l’histoire. La Bible est un livre pour se poser des questions.
L’avantage de ce travail biblique, au-delà du fait de les cultiver sur ce patrimoine essentiel dans notre civilisation, c’est de nourrir leur réflexion théologique, spirituelle et éthique (c’est bien le cas, même pour un enfant de trois ans). Enfin je dirais que c’est apprendre à lire. Ce geste d’appropriation du texte avec un certain recul, une analyse : ce geste est fondamental pour se nourrir d’une belle façon de films et de romans, de l’actualité : en cherchant ce que ça nous enseigne et ce que l’on veut garder soi-même pour s’enrichir.
(La célébration collective)
Quant au culte protestant, je reconnais que ce n’est pas forcément très rigolo. C’est exigeant dans le bon sens du terme, avec de l’ambition pour les participants, renvoyant à leur intéririté et stuimulant leur réflexion (ce qui est fatigant, c’est vrai). Je connais des familles qui choisissent de venir au culte, par exemple, une fois par mois. Les enfants viennent avec des livres de coloriage et s’occupent pendant le culte. Il n’empêche, ils s’habituent à cette ambiance au chant des cantiques et surtout ils voient leurs propres parents (ou leur mère) se mettre en quelque sorte en position de pratiquer eux-mêmes : de saisir quelque chose de la prédication et d’en parler ensuite à table. C’est formateur. L’éducation, c’est quand même beaucoup du mimétisme. Ensuite, ils en feront ce qu’ils veulent plus tard.
Je ne sais pas comment sont les cultes chez vous, mais on peut aller à une partie du culte seulement : je n’y vois personnellement aucun inconvénient. Par exemple, aller à la première partie du culte, et partir après la lecture de la Bible (tant pis pour le pasteur qui a préparé sa prédication). Vous pourrez discuter du texte biblique en famille sur le trajet du retour. Une demi-heure ou 20 minutes comme cela, c’est déjà une façon de retrouver d’autres personnes que l’on n’a pas choisies, d’utiliser ce lieu bizarre qui fait penser à Dieu et à cette recherche de Dieu. Cela nous relie à la fois horizontalement avec l’humanité et verticalement avec la transcendance.
Mais je dirais que ce 3e point après la prière et la Bible : cet exercice du culte ou de la messe (si vous préférez, il n’y a pas de problème du tout à aller de temps en temps à l’un ou à l’autre), cet exercice me semble avoir une importance pour rendre la foi moins solitaire : il est bon que la foi et la réflexion puissent s’inscrire au moins un petit peu dans cette dimension collective tout en gardant absolument le caractère majeur à la foi intérieure, personnelle, intime.
par : pasteur Marc Pernot
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Bonjour,
Merci d’avoir posé cette question car je me la pose moi-même avec mes enfants à peu près du même âge. J’ai du mal à accrocher avec les bibles pour enfant proposées pour leurs âges, même si certains livres sont bien faits. Je suis bien d’accord avec le pasteur Marc Pernot pour la prière. Pour la difficulté de parler de Dieu, je conseillerai le livre « pour te parler de Dieu, je te dirai » qui s’inspire des Psaumes.
Pour aborder la Bible avec les enfants, je ne peux que vous recommander d’aller voir du côté de la pédagogie Godly Play qui est centrée sur les maternelles et primaires. Rien de bien révolutionnaire mais la méthode est soignée et fournit des textes et propositions de matériel pour raconter soi-même les grandes histoires bibliques. Les questions à poser sont bien trouvées avec une approche d’écoute active des enfants (qui force à vraiment les comprendre et les laisser explorer et jouer avec l’histoire). Il existe un livret famille sur le site de la llb mais le mieux reste de voir avec votre paroisse si quelqu’un est ou pourrait se former dans votre coin. La formation est géniale pour soi-même approfondir sa connaissance biblique et sa spiritualité, en plus d’apprendre des compétences relationnelles utiles à tout parent !
Belle exploration en famille 🙂