du blé vert en gros plan - Photo by Luca on https://unsplash.com/photos/iLiH-IjkWxQ
Bible

Avec la parabole de l’ivraie (=zizanie) est-ce que Jésus a enseigné sur la zizanie dans la vie et au sein de l’église ?

Par : pasteur Marc Pernot

du blé vert en gros plan - Photo by Luca on https://unsplash.com/photos/iLiH-IjkWxQ

Question posée :

Bonjour cher frère et pasteur Pernot,
je suis un ancien étudiant d’un master en théologie protestante. Actuellement en thèse en histoire à l’université. Ma question est de savoir si le mot  » l’ivraie = Zizanie  » prononcé cinq fois par Jésus; peut-être compris comme « Ipsissima verba Iesu » ? dans l’Évangile de Matthieu 13, 24-30. Jésus à enseigner sur la  » Zizanie » dans la vie humaine et au sein de la communauté chrétienne  » ekklesia  » mais l’Evangéliste Matthieu n’a pas vraiment insisté sur ce mot  » Zizanie = l’ivraie » en profondeur comme enseigné par Jésus ? Pouvez-vous m’éclaircir s’il vous plaît?
Fraternellement
En Christ

Réponse d’un pasteur :

Bonjour

Bravo pour vos recherches bibliques.

Il est pour ainsi dire impossible de dire avec certitude si telle parole est une parole précise a été prononcée historiquement par Jésus (c’est alors ce que l’on appelle une ipsissima verba), ou non (ajout du rédacteur de l’évangile pour témoigner de sa foi en Christ). Il n’est pas possible d’être certain à 100% pour un texte biblique donné, mais il est possible de poser des hypothèses quant à ce texte, et d’évaluer un degré de vraisemblance d’une hypothèse à son sujet (une possibilité évaluée comme un nombre décimal entre zéro et un).

Dans le cas de cette parabole de Jésus du bon grain et de l’ivraie (voir ci-dessous)? Qu’est-ce qui ferait pencher dans le sens d’une rédaction « tardive », postérieure à Jésus ? et qu’est-ce qui ferait pencher dans le sens d’un verbatim (une prise de note par écrit sur le champ, ou retenue par cœur, d’une parole dite par Jésus) ?

  1. En faveur d’une rédaction tardive, je dirais que le sujet de cette parabole peut être lu comme étant une question brûlante au temps de l’organisation de communautés chrétiennes locales, comme vous le dites, ce qui s’est réalisé à grande ampleur bien après la disparition de Jésus (Jésus ne créait pas vraiment de communauté, à part un petit groupe de collaborateurs et de collaboratrices militants, il enseignait de façon itinérante des foules, et laissait ensuite les personnes retourner dans leur vie sans structurer de communautés). La question qui va se poser quand des communautés vont commencer à s’organiser et se structurer, c’est de savoir si l’on devait garder ou au contraire chasser de la communauté locale les personnes qui se déclarent chrétiennes sans pour autant en être tout à fait, aux yeux des responsables de cette communauté locale. Il y aurait dans cette parabole une volonté de résister à la tentation de former des églises sectaires, cette parole de Jésus prônerait plutôt des communautés ouvertes, inclusives, acceptant même les personnes ayant des pensées et des pratiques pas trop alignées avec l’enseignement des autorités de l’église locale.
  2. Dans l’autre sens, cette parabole est vraiment dans le style des autres paraboles, si c’est composé plus tard dans le style de Jésus, c’est hyper bien fait. De plus, il n’est pas question ici de communautés locales de chrétiens ou d’églises (ce qui serait effectivement un signe faisant penser à une rédaction postérieure à Jésus), mais il est question plutôt, me semble t il, de l’humanité entière et de chaque personne en particulier. Cette question d’exclure tout de suite ou non les pécheurs se posait directement à Jésus. Les intégristes de l’époque le critiquant de fréquenter des pécheurs, des païens, des infidèles. Les apôtres, eux, essayaient souvent de chasser ceux qui leur semblaient n’avoir rien à faire là : les quémandeurs, ou une femme gaspillant du parfum sur ses pieds…Donc Jésus aurait très bien pu prononcer cette parabole pour inviter tous ces « bien pensants » (selon eux) à ne pas trier l’auditoire des personnes venant l’entendre, de laisser le jugement à Dieu, pour la fin des temps. Ce qui me semble une parole très importante pour comprendre la stratégie d’action de Jésus, et pour comprendre son attitude, allant même jusqu’à manger chez Simon, un très religieux homme qui lui est plutôt hostile, et ne faisant preuve que de peu de respect, peu d’accueil…

Le fait que cette parabole ne se trouve que dans l’Evangile selon Matthieu et pas dans les autres évangiles ne permet pas de pencher plus dans un sens que dans l’autre. De toute façon, les évangélistes n’ont retenu qu’une petite partie de tout ce que Jésus a dit et fait pendant sa vie publique, chacun a choisi ce qui lui semblait le plus important pour son propre public. La question traitée par cette parabole a semblé importante pour les personnes que Matthieu avait en tête, voilà tout.

Personnellement, je mettrais un degré de plausibilité à cette parabole de 0,8 en étant prudent.

Pour ce qui est de la notion de « zizanie » au sens de dispute et de jalousie, par contre, cela ne me semble pas jouer. Car le terme même traduit par « ivraie » dans le texte de l’Evangile est effectivement « zizanion » en grec, mot qui n’avait alors rien à voir avec ce que l’on appelle aujourd’hui la zizanie.

C’est l’inverse. le mot de « zizanie » au sens où nous l’entendons a été créé bien plus tard, il a même été créé comme une citation de cette célèbre parabole de l’évangile. A l’origine, le mot zizanion était un mot très ancien qui est passé en grec et qui évoque seulement une sorte de mauvais blé noir qui est à peu près impossible à distinguer du bon blé quand ils ne sont pas encore murs. Ce mot évoque donc une réalité agricole connue à du Christ, mais ce mot n’avait aucune connotation alors de discorde ou de jalousie entre les gens. Plus tard, ce mot grec a été transcrit en latin dans le texte des évangiles, toujours sans connotation de discorde. Et c’est au moyen âge ou à la renaissance seulement que l’on a eu l’idée de traiter de semeur de zizanion une personne diabolique pour l’ensemble d’un groupe.

Donc, non, je ne pense pas que l’enseignement de Jésus parle ici de la question de la zizanie au sens actuel du terme. Néanmoins, cette parabole peut effectivement être intéressante à ce sujet. Car la tentation du sectarisme, comprenant la tentation de juger les autres (à la place de Dieu), et la tentation d’exclure les personnes qui ne pensent pas comme nous, ce sectarisme est effectivement une source de grands troubles dans et autour de nous. Et c’est effectivement un terrible contre témoignage quand cette tentation du sectarisme frappe dans une église chrétienne.

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : pasteur Marc Pernot

La parabole du bon grain et de l’ivraie

Matthieu 13:24 Jésus leur proposa une autre parabole et il dit : Le royaume des cieux est semblable à un homme qui a semé de la bonne semence dans son champ. 25Mais, pendant que les gens dormaient, son ennemi vint, sema de l’ivraie au milieu du blé et s’en alla. 26Lorsque le blé eut poussé en herbe et donné du fruit, l’ivraie parut aussi. 27Les serviteurs du maître de la maison vinrent lui dire : Seigneur, n’as-tu pas semé de la bonne semence dans ton champ ? D’où vient donc qu’il y ait de l’ivraie ? 28Il leur répondit : C’est un ennemi qui a fait cela. Et les serviteurs lui dirent : Veux-tu que nous allions l’arracher ? 29Non, dit-il, de peur qu’en arrachant l’ivraie, vous ne déraciniez en même temps le blé. 30Laissez croître ensemble l’un et l’autre jusqu’à la moisson, et, à l’époque de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Arrachez d’abord l’ivraie, et liez-la en gerbes pour la brûler, mais amassez le blé dans mon grenier…

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