
Il m’arrive d’aller à la messe catholique, j’y suis attachée, alors que je me sens protestante d’esprit.
Question posée :
Bonjour Pasteur Marc,
Il m’arrive d’aller pour les grandes occasions à la messe catholique. J’y suis attachée. Alors que je me sens protestante d’esprit. Je prie plutôt chez moi. En plus, je ne peux me rendre à aucun culte protestant. Il n’y a rien d’accessible ici. Mais… je suis tellement critique… que j’ai honte. Les bondieuseries m’énervent, je ne peux pas prononcer le credo (je ne peux dire « je crois en une église catholique », je crois en des églises avec leur diversité, la communion des saints… je ne suis pas très adapté, donc je ne dis que ce que je pense) et là, je me dis… oui, je prie, mais si c’est pour dans ta tête critiquer tout ce que tu vois parce que tu as une vision de simplicité qui manque, ta place est-elle ici ? Si ça ne convient pas, rentre chez toi au lieu de remettre en question… j’ai vraiment honte du coup. Quand pensez-vous ? Merci pour votre retour.
Réponse d’un pasteur :
Chère Madame,
Eh bien : grand bravo. Franchement.
Aucune honte à avoir, cela me semble parfait : à la fois participer, ce qui permet de faire corps, tout en gardant votre spécificité, votre opinion personnelle. C’est exactement cela, je pense, qu’il convient de faire. C’est d’ailleurs ce que propose l’apôtre Paul en 1 Corinthiens 12, comparant l’humanité espérée à un corps où la diversité des membres est essentielle, chacun étant néanmoins intégré dans le corps par l’Esprit, par le fait que le Christ est notre chef à tous.
Je ne vois pas de problème à ce que vous ne soyez pas d’accord avec tout, ni même avec grand-chose : vous avez fait le geste de vous joindre à l’assemblée, c’est un geste d’autant plus beau que cela vous demande un effort, c’est un hommage à la foi de ces personnes, à cette église catholique, c’est un bon élan. Le Christ nous recommande d’aimer son prochain : pour cela, il faut bien que ce prochain soit un autre que moi. Aimer, en ce cas : ce n’est pas nécessairement avoir de la sympathie ni être d’accord, mais reconnaître que l’autre existe. C’est ce que vous faites en participant de temps à autre. Ensuite, chacun son style. La messe catholique a une vraie beauté, différente du dépouillement d’un culte protestant réformé (théoriquement, car on voit de tout, vraiment).
Que des personnes disent cet antique credo, souvent sans y avoir vraiment réfléchi, si c’est leur truc, cela ne fait de mal à personne, mais effectivement si cela ne vous parle pas : ne le dites pas et pensez dans votre tête à votre propre croyance sur Dieu, sur le Christ, sur la vie que nous recevons, sur l’humanité…
Personnellement, ce qui me gêne le plus à la messe, c’est quand le prêtre impose de faire un geste de paix envers d’autres participants : j’ai horreur de cette tentative de dressage, de ce geste imposé froissant la sincérité des gens. Soit un bonjour vient du cœur et ce bonjour a déjà été et sera échangé entre les personnes au début et à la sortie, et ce n’est alors pas la peine de l’imposer pendant la messe. Soit les personnes sont timides, introverties ou ont la phobie des microbes, ou sont renfermées… et c’est cruel de leur imposer ce qu’elles n’aiment pas faire ; leur propre réticence leur fait sentir une gêne, et leur fait ressentir une culpabilité de ressentir cette gêne. Mais bon, c’est moins facile de le refuser que de ne pas dire le crédo, mais on y arrive ou on le fait quand même, ce n’est pas si grave.
Ensuite, le catholicisme a plus le sens du sacré que nous. Et cela nous fait du bien de nous appeler à célébrer cet incroyable réalité qu’est la venue de Dieu jusqu’à nous, en ce monde, dans notre chair. Il est bin finalement de bénéficier de cette piqure de rappel, tout en étant attaché au fait que, bien entendu, Dieu est « transcendant », il dépasse tous nos rites et formules, et que c’est en nous-mêmes que Dieu se rend présent par son Esprit. C’est ce qu’essaye de dire le dépouillement du culte protestant, c’est aussi la pédagogie développée par les Cisterciens avec leur architecture et leur liturgie dépouillée, austère mais si belle.
Donc, bravo, je vous propose : même pas honte, fière du geste, fière de votre foi, heureuse d’avoir rejoint d’autres personnes, d’avoir pensé à Dieu avec elles.
Dieu vous bénit et vous accompagne.
par : pasteur Marc Pernot
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Je suis un protestant réformé convaincu. Néanmoins cela me fait toujours plaisir d’aller aussi à la messe, à l’église catholique de mon village, même si je ne suis pas 100% en accord avec tout ce qui y est dit.
Cher Marc Pernot, le signe de paix, dans la liturgie catholique, vient juste avant la communion, conformément à la parole de Jésus: « Si tu te souviens que ton frère a qqch contre toi, dépose là ton offrande, et va d’abord te réconcilier avec ton frère. Ensuite tu peux faire ton offrande et elle sera agréée » (plus ou moins..) Le geste de paix est important pour nous; c’est reconnaître que mon frère, ma soeur est là à côté de moi et que ce n’est qu’ENSEMBLE que nous pouvons communier si nous voulons que cette communion ait du sens.. Bien amicalement ❤️
Chère Marie, je comprends bien l’intention de ce dispositif.
La grande, et peut-être la seule différence entre la Communion catholique et la Communion protestante est que pour nous la Communion est fondamentalement une nourriture pour les pécheurs, et c’est dans la mesure où nous serons nourris par le Seigneur que nous serons capables d’aimer un petit peu sincèrement notre prochain. C’est pourquoi la Communion est offerte à toutes et tous, sans condition, dans notre église, même pas besoin de faire semblant de sourire à notre voisin. C’est dans l’espérance que bientôt, ma personne nourrie de la Communion avec le Christ pourra avancer.
Merci vraiment à la personne qui a dit son point de vue (Il m’arrive d’aller à la messe catholique, j’y suis attachée, alors que je me sens protestante d’esprit.) et à vous Marc bien sûr pour votre réponse. Vous ne pouvez pas savoir le bien que cela fait d’entendre, de lire, l’écho de ce que j’aurais pu dire moi aussi de la même façon…. Merci merci.
Monique