Un bon papet vaudois servi sur une table conviviale avec du vin de pays - par Benediktv sur https://www.flickr.com/photos/benediktv/10254342836 sous licence https://creativecommons.org/licenses/by/2.0/
Actualité - opinion

À propose du « carême », de l’article défini, et de quelques saucisses

La question du carême pose celle de la liberté du chrétien, de la place de la religion par rapport à la foi personnelle. En cet anniversaire des 1700 ans du concile de Nicée, cela peut nourrir le débat.

Dans la presse, il n’est pas rare de voir que « les chrétiens observent le carême ». C’est une information inexacte. Ce qui est vrai, c’est que « DES chrétiens observent le carême ». L’article défini essentialise, comme si tous les bons chrétiens observaient le carême (ce qui est faux), et comme si cette pratique était essentielle au fait d’être chrétien, alors que certains chrétiens seulement suivent cette pratique. Parmi les églises protestantes, il n’y a que dans l’église anglicane où le carême est la règle.

Jésus n’a pas institué cette pratique, elle n’a été fixée qu’au concile de Nicée, en 325, restreignant alors la liberté qui régnait avant. Quand Jésus parle du jeûne, c’est pour dire que, si une personne choisit de jeûner, que ce soit pour elle quelque chose de vraiment personnel, pratiqué dans l’intimité afin que personne ne s’en aperçoive (Matthieu 6). Cela afin de privilégier la sincérité, l’authenticité, la liberté de tout pratique religieuse. Quand un chrétien choisit tel ou tel exercice pour travailler sa foi, à tel ou tel moment de sa vie ou de son année : c’est excellent. D’autres chrétiens ont d’autres façons de vivre leur foi, de la nourrir, de l’exercer ? C’est tout aussi excellent. Dieu bénit chacune et chacun.

C’est ce qu’explique Ulrich Zwingli, alors curé du Grossmünster à Zurich, en plein carême de l’an de grâce 1522 lors d’un sermon où il défend la liberté du chrétien de manger ce qu’il veut quand il veut (et le devoir de laisser libre son prochain). Il conclut : « De ton plein gré, tu choisis de renoncer à la viande ? n’en mange pas. Mais laisse à ton frère sa liberté. » Si Zwingli aborde cette question, c’est à cause d’un événement que l’on a appelé « l’affaire des saucisses », où un imprimeur et quelques prêtres sensibles aux idées de la Réforme avaient partagé des saucisses grillées lors de ce carême. Cette affaire et la pensée de Zwingli sur la liberté du chrétien vont conduire à l’adoption de la Réforme par Zurich en 1523.

Ce n’est pas tant une affaire de saucisses, bien entendu. C’est une question de façon de la place de la foi par rapport à la religion. Par définition, la foi est une fidélité, c’est-à-dire une relation cœur à cœur avec Dieu. C’est une question d’amour. La religion est un exercice en vue de travailler notre foi. Il n’est jamais bon de confondre les moyens et le but, l’accessoire et l’essentiel. Supposer que tous les chrétiens pratiquent le carême, ce serait comme de vouloir imposer à tout le monde d’aimer la longeole plus que le choux vert. On peut aimer l’un ou l’autre ou aucun des deux. Mais avec un peu de chance, nous pourrions même nous réunir pour partager avec quelques amateurs, un bon « papet vaudois ». Ou un bol de riz non assaisonné, joyeusement.

par : pasteur Marc Pernot

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2 Commentaires

  1. Noriane dit :

    J’admire le papet-saucisse au chou en illustration, belle intégration, cher Marc 🙂

    1. Marc Pernot dit :

      Un brin taquin, comme le fameux carnaval de Bâle de lundi prochain, faisant la fête en plein carême.
      😋

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