Marc Pernot le 3 août 2025
Prédication

Réenchanter nos vies ? (Ésaïe 40 – le livre de la consolation)

À travers un commentaire inspiré d’Ésaïe 40, cette méditation explore les chemins pour consoler, relever et réenchanter nos vies dans un monde en crise. Un texte qui mêle analyse biblique, appel à la théologie expérientielle, et élan spirituel.

Texte, vidéo et poscasts de la prédication. Ceci est un témoignage personnel. N’hésitez pas à donnez votre propre avis ci-dessous.

pasteur Marc Pernot

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(Voir le texte biblique ci-dessous)

texte de la prédication à imprimer

prédication (message biblique donné au cours du culte)
à Genève, le dimanche 3 août 2025,
par : pasteur Marc Pernot

Prédication

Perte de sens et absence d’espérance : une détresse spirituelle contemporaine

Dans la Divine comédie, Dante dit que sur la porte de l’enfer est inscrite une sombre annonce dont la phrase la plus marquante est celle-ci : « Vous qui entrez ici, laissez toute espérance. » Cela me semble tout à fait juste : ne pas avoir d’espérance est vivre un enfer.

Or, notre jeunesse serait découragée, des personnes âgées perdent le sentiment de la valeur de leur existence, les populations de nos pays occidentaux seraient en manque d’un souffle qui les porte. C’est une pitié. Comment avancer ?

Dieu nous mobilise, nous dit Ésaïe avec cette impressionnante tirade :

La vocation biblique de consoler selon Ésaïe 40 : une mission pour tous

Le premier pas dans notre propre consolation, c’est de chercher à consoler les autres. C’est ce que reprend cette célèbre prière franciscaine : « Seigneur fais de moi un artisan de paix… que je ne cherche pas tant à être consolé qu’à consoler ».

À qui est-ce que Dieu adresse cette vocation de consoler ses enfants ? Comme en Ésaïe 6, Dieu appelle à la cantonade qui voudra bien se sentir concerné par cette mission essentielle. Et qui pourrait l’être si ce ne sont pas ceux qui, dans une certaine mesure, sont à l’écoute de Dieu ? C’est notre mission et il n’y a pas d’âge ni de qualification requise si ce n’est de vouloir le bien.

« Consolez » C’est la prière de Dieu, la supplication qu’il nous adresse.

Parler au cœur : retrouver la valeur de l’existence humaine

2Parlez au cœur de Jérusalem et criez-lui
Que son combat est terminé,
Que sa faute est graciée.

« Parler au cœur de la ville » : c’est s’adresser au cœur des gens et leur affirmer que leur dignité en tant que personne et que la valeur de leur vie sont établies, certaines, inébranlables. Car tant et tant de personnes doutent de leur propre valeur, doutent que leur vie ait un sens : c’est une immense source de détresse. Le pire c’est que cette détresse trouve sa source dans une illusion. C’est une sorte de cercle vicieux où la personne doute d’elle-même, cela l’ébranle et plus elle déprime et plus elle va avoir l’impression de ne rien valoir… L’appel de notre Dieu est de briser premièrement la spirale mortifère de cette illusion. De dire à chacun, avec le cœur et des actes, de lui crier qu’il compte, pour Dieu et pour nous.

Écouter Dieu et les autres : le chemin du discernement spirituel

Ésaïe poursuit : « Une voix nous dit : Crie ! Et nous répondons : Que crierai-je ? » Excellente question. Après avoir entendu cet appel à consoler, premièrement nous pouvons chercher quel est le problème et que pouvons-nous faire ? C’est le temps de l’écoute de l’autre et de Dieu. C’est le temps du cœur, de l’intelligence et de la prière.

Ésaïe évoque deux impressions qui affligent l’humain et demandent un travail pour le consoler.

  • La première concerne notre être : se sentir nul.
  • La seconde concerne notre faire : se sentir honteux et incapable de faire le bien.

Notre fragilité humaine face à l’éternité : la puissance de la Parole de Dieu

Le premier cri, c’est que « toute chair est comme l’herbe, l’herbe sèche, la fleur se fane », c’est vrai, « mais la parole de notre Dieu subsiste éternellement. »

Nous sommes bien peu de chose et notre existence est très éphémère, c’est la partie visible de la réalité. Mais ce n’est pas toute la réalité de ce que nous sommes : « La Parole de notre Dieu subsiste éternellement. » Cela n’a rien d’abstrait, ce n’est pas un simple poème pieusard. C’est sentir que dans ce monde quelque chose nous dépasse. Le découvrir dans l’émerveillement devant l’univers, le découvrir dans telle œuvre d’art ou tel geste bouleversant, le découvrir dans l’amour dont nous avons parfois été aimés, le découvrir dans la prière, le découvrir au fond de soi… La première consolation c’est de nous ouvrir, ensemble, à ce « mais » : voilà ce que nous sommes mais il y a cette source mystérieuse d’être qui fait que la réalité ne se résume pas à la fatalité.

L’humain n’est pas seulement comme une herbe, il a en lui ce jaillissement de vie, de foi, d’amour et d’espérance que l’on appelle Dieu. C’est une réalité invisible mais tout aussi concrète.

Consoler les blessures morales : culpabilité, échec et dignité retrouvée

Le second drame qui afflige l’humain, c’est le sentiment de ne pas être à la hauteur dans nos actes. C’est normal, car l’humain a une aspiration à l’infini, cela fait partie de notre nature en partie divine. C’est extraordinaire mais cela nous place en porte-à-faux par rapport à notre côté herbe des champs, nos erreurs et nos échecs, sans compter l’actualité du monde qui renforce ce sentiment.

C’est ainsi que notre seconde grande mélancolie, c’est ce sentiment d’être insuffisant et coupable. C’est un sentiment sourd. Face à cela, Ésaïe nous encourage :

9Monte sur une haute montagne,
Sion, messagère de bonheur…
Voici votre Dieu ! Voici sa rétribution :
11Comme un berger, il fait paître son troupeau,
il rassemble des agneaux, les porte dans son sein.

Notre message de bonheur c’est de témoigner avec Christ que Dieu réagit à ce que nous sommes et à ce que nous faisons : et sa réaction n’est absolument pas négative, au contraire, elle est comme les soins amoureux d’un berger pour son agneau : il nous porte dans son sein et nous allaite. Il augmente notre être et nous aide à grandir.

Pour consoler notre humain chroniquement déçu de lui-même et de sa vie, Ésaïe nous invite à apporter du bonheur aux gens et à notre société en faisant place à l’aide de Dieu en nous. Il y a deux obstacles à cette réconciliation, nous dit Ésaïe :

Révéler Dieu comme source de joie : dépasser les représentations religieuses

Suit un long et magnifique développement d’Ésaïe sur la transcendance de Dieu.

18À qui voulez-vous comparer Dieu ?
Et quelle représentation dresserez-vous de lui ?
19C’est un artisan qui fond la statue,
Et c’est un orfèvre qui la couvre d’or…
26Levez les yeux en haut et regardez !
Qui a créé ces choses ?…

Dieu est d’un tout autre ordre que ce que dit la rumeur publique. C’est un appel à faire plus de théologie et à faire de la théologie expérimentale : « Levez les yeux en haut et regardez ! » s’écrie Ésaïe. Puis comparez avec les représentations de Dieu que se font les humains. C’est un appel à étudier la Bible, les théologiens, les penseurs, les philosophes, les poètes. Leurs œuvres d’habiles artisans, nous dit Ésaïe, sont des trésors. Il ne faut seulement pas confondre ces images de Dieu avec la transcendance de Dieu qui est à expérimenter par nous-mêmes en cherchant ce qui est derrière l’existence des choses.

Une des grandes sources de désespoir de l’humanité aujourd’hui, me semble être quand des personnes n’ont plus ni de recherche de Dieu, ni un minimum de culture, peu de réflexion ni d’émerveillement, de prière.

Dieu agit en profondeur : une espérance réaliste pour aujourd’hui

La seconde cause empêchant des personnes de s’ouvrir à cette source de vie qu’est Dieu est de supposer que Dieu, s’il existait, devrait intervenir comme un magicien. Cette légende est source d’immenses déceptions et de perte de foi. Comme le dit Ésaïe, le déçu se plaint : « Mon droit passe inaperçu de mon Dieu ! » Pas du tout, répond-il : Dieu travaille, ou espère travailler au plus profond de chacun pour lui donner une autre force, une autre jeunesse d’être, et une vue élevée à hauteur d’aigle.

Notre vocation à consoler consiste à ouvrir la voie à cette action de Dieu. Ce n’est pas de dire que tout va s’arranger (les choses ne s’arrangent pas toujours), mais c’est préparer une place pour la vie de Dieu dans les cœurs. C’est ce dont témoigne l’extraordinaire Etty Hillesum dans des circonstances où il y aurait vraiment de quoi être désespérée. Elle vient d’être internée dans un camp nazi, quand, un dimanche matin, elle prie ainsi :

Témoigner en actes : préparer une place à Dieu dans les cœurs blessés

« Ce sont des temps d’effroi, mon Dieu. Cette nuit, pour la première fois, je suis restée éveillée dans le noir, les yeux brûlants, des images de souffrance humaine défilant sans arrêt devant moi. Je vais te promettre une chose, mon Dieu, oh, une broutille : je me garderai de suspendre au jour présent, comme autant de poids, les angoisses que m’inspire l’avenir ; mais cela demande un certain entraînement. Pour l’instant, à chaque jour suffit sa peine. Je vais t’aider, mon Dieu, à ne pas t’éteindre en moi, mais je ne puis rien garantir d’avance. Une chose cependant m’apparaît de plus en plus claire : ce n’est pas toi qui peux nous aider, mais nous qui pouvons t’aider – et ce faisant, nous nous aidons nous-mêmes. C’est tout ce qu’il nous est possible de sauver en cette époque et c’est aussi la seule chose qui compte : un peu de toi en nous, mon Dieu. Peut-être pourrons-nous aussi contribuer à te mettre au jour dans les cœurs martyrisés des autres. Oui, mon Dieu, tu sembles assez peu capable de modifier une situation finalement indissociable de cette vie. Je ne t’en demande pas compte, c’est à toi au contraire de nous appeler à rendre des comptes… »

Amen.

pasteur Marc Pernot

Textes de la Bible

Ésaïe 40

1Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu. 2Parlez au cœur de Jérusalem et criez-lui que son combat est terminé, qu’elle est graciée de sa faute, qu’elle a reçu de la main de l’Éternel au double de tous ses péchés. 3Une voix crie dans le désert : ouvrez le chemin de l’Éternel, nivelez dans la steppe une route pour notre Dieu. 4Que toute vallée soit élevée, que toute montagne et toute colline soient abaissées… 5Alors la gloire de l’Éternel sera révélée, et toute chair à la fois la verra ; car la bouche de l’Éternel a parlé.

6Une voix dit : Crie ! Et l’on répond : Que crierai-je ? Toute chair est de l’herbe, et tout son éclat comme la fleur des champs. 8L’herbe sèche, la fleur se fane ; mais la parole de notre Dieu subsiste éternellement.

9Monte sur une haute montagne, Sion, messagère de bonheur ; élève avec force ta voix, Jérusalem, messagère de bonheur ; élève, sois sans crainte, dis aux villes de Juda : Voici votre Dieu !….

18À qui voulez-vous comparer Dieu ? Et quelle représentation dresserez-vous de lui ? 19C’est un artisan qui fond la statue, Et c’est un orfèvre qui la couvre d’or… 26Levez les yeux en haut et regardez ! Qui a créé ces choses ?… 27Pourquoi dis-tu, Jacob, pourquoi répètes-tu, Israël : ma destinée est cachée à l’Éternel, mon droit passe inaperçu de mon Dieu ? 28Ne l’as-tu pas reconnu ? Ne l’as-tu pas entendu ? C’est le Dieu d’éternité, l’Éternel, qui a créé les extrémités de la terre… 29Il donne de la force à celui qui est fatigué et il augmente la vigueur de celui qui est à bout.  30Les adolescents se fatiguent et se lassent, et les jeunes hommes trébuchent bel et bien ; 31mais ceux qui espèrent en l’Éternel renouvellent leur force. Ils prennent leur vol comme les aigles ; ils courent et ne se lassent pas. ils marchent et ne se fatiguent pas.

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