Pâques : il y a du nouveau ! (Matthieu 27:50-54 ; Romains 6:2-4)
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prédication (message biblique donné au cours du culte)
à Genève, le dimanche de Pâques 2023,
par : pasteur Marc Pernot
Dans l’Évangile selon Matthieu que je vous propose de lire en cette semaine de Pâques, la résurrection commence à l’instant même de la mort de Jésus en croix. Elle se manifeste par plusieurs éléments bien étranges dont la caractéristique commune me semble être : il y a du nouveau, il y a de l’inouï qui arrive.
Quelle est donc cette résurrection dont Matthieu nous présente ici les premiers signes ?
Tout commence par un cri, d’une voix forte, celle de Jésus « rendant l’esprit », nous disent les traductions. Nous imaginons que c’est une façon de dire que Jésus meurt. Oui, Jésus meurt sur la croix, mais ce qui est marqué ici, littéralement, c’est que Jésus « libère l’Esprit », l’Esprit de Dieu, ce souffle qui depuis les origines crée le monde, et par lequel Dieu, sans cesse, en poursuit la genèse, par amour pour ce monde et pour ses habitants.
Ce qui nous est donné à recevoir comme don ultime du Christ en ce cri immense, en cette parole : c’est le don de l’Esprit qui nous rend libre. Et c’est la source de cette Pâque qui nous met en route « en nouveauté de vie », comme le dit Paul.
Cela se manifeste pour nous comme une nouveauté inouïe, impossible pour nous-même. C’est ce que dit Matthieu avec son récit d’événements hétéroclites :
- La lumière qui revient après trois heures de ténèbres totales sur toute la terre,
- Le rideau du temple qui se déchire d’en haut jusqu’en bas.
- Le tremblement de terre et les rochers qui se fendent.
- Les tombeaux qui s’ouvrent et les corps des saints qui sortent, qui ressuscitent et bientôt entrent dans Jérusalem.
L’exécution de Jésus par les Romains sur une croix ne fait aucun doute historiquement. Par contre, ces événements extraordinaires n’ont même pas une once de vraisemblance du point de vue historique. C’est autrement qu’ils ont du sens, c’est spirituellement qu’ils sont vrais et qu’ils nous sont même donnés à vivre. Tout lecteur des évangiles est habitué à cela. Par exemple quand Jésus dit « je suis la lumière du monde » et « vous êtes la lumière du monde »(Jean 8:12, Jean 9:5, Matthieu 5:14), ce n’est pas dit au sens matériel comme si Jésus était un champ de photons ou une onde électromagnétique. C’est une façon imagée de parler des réalités spirituelles.
Matthieu raconte ces événements extraordinaires et nous présente ensuite ce centurion qui change radicalement en voyant ces signes. Il est le premier ressuscité de cette histoire. Matthieu nous invite à suivre ce centurion, pour voir et se saisir à notre tour ce qui est alors donné en Christ.
Le 1er signe : la lumière après les ténèbres
« Depuis la sixième heure jusqu’à la neuvième heure il y eut des ténèbres sur toute la terre. », et donc, à la mort de Jésus, à la 9e heure, la lumière revient. C’est assez étrange, on s’attendrait plutôt à ce que la lumière du monde s’éteigne à la mort de Jésus. Car le même Matthieu au début de son évangile présente le Christ comme lumière du monde : « Le peuple assis dans les ténèbres a vu une grande lumière, et sur ceux qui étaient assis dans le pays d’ombre de mort la lumière s’est levée », Jésus commença à annoncer : changez de mentalité car le règne des cieux s’est approché. » (Matthieu 4:16-17)
Christ est donc venu porter la lumière sur les personnes dans les ténèbres. Comment ? Quel rapport avec cet appel à changer de mentalité et le fait que le Royaume des cieux se soit approché ?
La lumière est ce qui nous donne de voir la réalité de nos propres yeux, elle nous donne une autonomie de discernement. Cela signifie qu’en Christ nous ne sommes plus soumis à des commandements écrits, mais à discerner par nous-même ce qui est juste. C’était en effet la promesse essentielle qu’au temps du Messie, toute personne recevrait l’Esprit et serait prophète ou prophétesse, dans une relation personnelle directe avec Dieu, et que nous n’aurions plus besoin d’être enseigné par d’autres (Joe 2:28, Jérémie 31:31, Actes 2:17).
C’est ce que Jésus affirme au présent au tout début de son enseignement dans le même évangile selon Matthieu : « Vous êtes (personnellement) la lumière du monde… (nous dit-il) que votre lumière brille sur ceux qui vous entourent » (Matthieu 5 :13-16)
Tant qu’il était vivant en ce monde, Jésus incarnait cette annonce, il était la lumière qui se lève sur le monde et ses habitants. Quand il est éliminé, c’est comme un temps d’éclipse, un temps de ténèbres sur toute la terre, nous dit Matthieu.
Seulement, en mourant, nous dit le texte, « Jésus libère l’Esprit ». C’est à nous, alors, d’ouvrir les yeux et de voir par nous-même, sans avoir Jésus comme nounou. Il nous faut bien, alors, prendre la suite et d’assumer la vocation d’être « lumière du monde », à notre façon. C’est ce que dit Jésus dans l’Évangile selon Jean « il est avantageux pour vous que je m’en aille, car si je ne m’en vais pas, le paraclet (l’Esprit qui nous enseignera toute chose) ne viendra pas vers vous; mais, si je m’en vais, je vous l’enverrai. »(Jean 16:7). Cela demande effectivement un changement de mentalité, tant que nous refusons d’ouvrir nos yeux et de discerner par nous-même, nous resterons dans les ténèbres, nous nous laisserons guider par d’autres aveugles, ces religieux ou idéologues tellement persuadés de détenir la vérité qu’ils n’ouvrent même plus les yeux sur la lumière (Jean 9:41) , nous dit Jésus.
L’Esprit de Dieu est ce génie qui au fond de notre conscience libère notre intelligence afin de chercher par nous même ce qui nous semble juste de penser et de faire, il nous donne d’oser prendre le risque de nous tromper, puis de nous reprendre, avec l’aide de Dieu et son pardon.
C’est ce que réalise le centurion : en premier, il voit ce qui arrive et auquel il n’était pas préparé, tant c’est nouveau. Il était fonctionnaire chargé d’éliminer toute voix dérangeant le pouvoir. Maintenant il voit de ses propres yeux et reconnait en Jésus l’enfant de Dieu. Il le dit, il le proclame. Il est devenu un prophète, un voyant. Apportant sa lumière au monde.
Quand Jésus meurt, avec lui s’éteint cette voix immense, cette Parole nouvelle et créatrice, éclairant toute personne vivant au monde. Seulement il y a du nouveau : l’Esprit libéré pour tous. Ce centurion romain, en premier, se manifeste comme lumière du monde, dès la 9e heure, puis Marie-Madeleine, puis d’autres personnes, bientôt une multitude. C’est à nous, maintenant, de faire lever l’aurore en ressuscitant un peu, en nous levant comme prophète ou prophétesse, apportant notre rai de lumière.
Le 2ème signe : le rideau du temple se déchire
Le « saint des saints » était une pièce du temple de Jérusalem où Dieu était réputé être présent, elle était fermée par ce rideau que seul le grand prêtre franchissait une fois par an après des rites de purification extraordinaires pour invoquer l’Éternel en chuchotant son nom en ce lieu.
Peu importe ce qui serait arrivé ou non à ce rideau, ce n’est précisément plus la question. Matthieu dit qu’en Christ, c’est comme si Dieu lui-même, d’en haut, avait définitivement ouvert en grand le saint des saints à tous, même aux plus petits, même au plus pécheur comme ce centurion païen crucifiant son Fils innocent. Ce n’est pas une profanation du temple, au contraire cela dit qu’en Christ le monde entier est le saint des saints, que Dieu est là auprès de toute personne, que sans autre, il la regarde comme digne de s’adresser à lui.
Et ça c’est vraiment nouveau. C’est la fin de la religion comme prétendant se placer en intermédiaire entre Dieu et nous. La religion redevient alors ce pour quoi elle est faite : dire à toute personne que Dieu l’appelle personnellement, parce qu’il est attaché à elle.
Nous découvrir grand prêtre ou grande prêtresse du Dieu vivant : c’est la deuxième résurrection que Christ nous donne à vivre maintenant.
Le 3ème signe : La terre tremble, le rocher se fend
Les craquements que nous entendons ne sont pas fatalement les échos d’un monde qui partirait en ruine. Ces craquements sont ici les signes d’un monde plein d’avenir, un monde à inventer, et de choses passionnantes à vivre. Par l’Esprit créateur nous ne sommes pas les gardiens d’un musée, notre monde et nos identités sont comme la terre qui s’ouvre quand elle est ensemencée. C’est aussi cela que donne le Christ en libérant l’Esprit créateur de Dieu, afin que nous soyons de libres sources de vie bonne, à son image. C’est la troisième résurrection que Christ nous donne à vivre maintenant.
Le 4ème signe : Les morts sortent des tombeaux
Nous sommes saints puisque c’est Dieu qui nous sanctifie par son appel. Et pourtant, nous sommes aussi ces corps endormis, alanguis, apathiques, tétanisés peut-être par quelque peur, et par la lourdeur du temps. L’Esprit libéré secoue ces tombeaux, quels qu’ils soient. Comme le dit Paul, en Christ nous mourrons à un ancien nous-même et nous sommes éveillés, ressuscités, mis debout avec lui. C’est dans ce corps de chair, c’est notre moi qui avance alors en nouveauté de vie.
Si ce centurion ressuscité nous voyait, il pourrait dire : vraiment cette personne-là est Enfant de Dieu. Et il aurait raison, c’est ce que nous sommes.
La résurrection est une chose si joyeuse à vivre.
Grâces soit rendues à Dieu. Amen.
Textes de la Bible
Évangile selon Matthieu 27:45-54
Depuis la sixième heure jusqu’à la neuvième heure il y eut des ténèbres sur toute la terre. 46Et vers la neuvième heure, Jésus cria : Eli, Eli, lema sabachthani ? c’est-à-dire : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? … 50 Jésus criant de nouveau d’une voix forte, rendit l’esprit.
51Et voici : le rideau du temple se déchira en deux, d’en haut jusqu’en bas, la terre trembla, les rochers se fendirent, 52les tombeaux s’ouvrirent et de nombreux corps de saints endormis s’éveillèrent, et 53sortant des tombeaux après son éveil à lui, ils entrèrent dans la ville sainte et se manifestèrent à de nombreuses personnes.
54Voyant le tremblement de terre et ce qui venait d’arriver, le centurion et ceux qui étaient avec lui pour garder Jésus furent saisis d’une grande crainte et dirent : Celui-ci était vraiment Fils de Dieu.
Lettre de Paul aux Romains 6:2-4
Nous qui sommes morts au péché, comment vivrions-nous encore en lui ?
3Ignorez-vous que nous tous, qui avons été baptisés dans Jésus-Christ, c’est dans sa mort que nous avons été baptisés ? 4Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, comme Christ a été éveillé des morts par l’action du Père, de même nous aussi nous marchions en nouveauté de vie.
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« nous ne sommes pas les gardiens d’un musée »
j’aime assez cette idée du musée et du gardiennage car nos idées sont en général bien rivées aux cimaises ou juchées sur des socles massifs indéplaçables alors c’est peut-être aussi cela ressusciter, si je puis me permettre, déplacer les œuvres, les réarranger dans d’autres salles, en exhumer certaines des réserves qui trouvent alors étonnamment leur place au milieu des autres, font sens avec elles, prolongent ou réorientent leur pertinence. Eh oui, il y a des situations, des expériences – pas toujours positives non plus et même extrêmes comme on le voit ici dans le récit de Matthieu – qui provoquent des tremblements de terre, qui font penser plus loin. Le centurion et ceux qui l’accompagnent se mettent à envisager ce qu’ils ne pensaient pas cinq minutes auparavant. Que vont-ils faire ? on aimerait bien le savoir. Cela a le droit d’être plus modeste aussi, ne serait-ce que dépoussiérer nos idées, nous balader dans le musée des autres, sans tragédie à l’horizon, ça fait craquer et, même s’il ne s’agit pas toujours de révolution, il y a quand même du nouveau. Il en sortira quelque chose. Je crois que c’est l’essentiel.
Merci !
Réarranger nos musées, sortir des réserves les plus belles pièces pour aujourd’hui, bazarder peut-être l’œuvre d’un faussaire que nous avions pris pour argent contant, oser créer, aussi. Mais cela me semble plus complexe dans le cas de la vie. L’évolution fait partie de la vie, il y a à sauvegarder et il y a à créer, me semble-t-il, pas seulement à garder le passé ?
Bien vu pour la suite des aventures du centurion, non racontée : souvent, quand la suite est absente c’est que le texte propose au lecteur de se demander : « et maintenant, moi, que ferai-je », et d’écrire la suite avec sa propre vie. De même pour les collègues du centurion qui sont évoqués sans être décrits : c’est la place du lecteur, et le texte nous dit : « et toi, lecteur, as-tu vu quelque chose ou fais-tu la sieste à l’ombre de la croix ?
« Jésus libère l’Esprit ». Est-ce à dire qu’il y a là un acte de création, Dieu injectant du neuf au cœur même de l’Histoire ?
Ce souffle permettant à chacun d’être autonome devant Dieu est bien souvent mis à mal ; l’Église en tant qu’institution, s’est vite mise à penser pour les autres et cela perdure encore aujourd’hui à bien des endroits. Je ne pense pas que ce soit uniquement le fait de chefs religieux, il y a aussi un certain confort à laisser les autres penser pour soi. À croire que dans certains domaines, l’être humain n’aime pas tant que cela le fait d’être libre. Cela rend d’autant plus précieux les lieux où, comme sur ce site, la liberté de penser sa foi et de penser la façon d’articuler sa foi avec sa vie, est encouragée, défendue, accompagnée et mise en pratique.