15 février 2023

Un hamster avec ses pattes comme en prière - Photo de Ricky Kharawala sur https://unsplash.com/fr/photos/adK3Vu70DEQ
Ethique

Quel sens spirituel après de terribles épreuves? Quel pardon ?

Par : pasteur Marc Pernot

Un hamster avec ses pattes comme en prière - Photo de Ricky Kharawala sur https://unsplash.com/fr/photos/adK3Vu70DEQ

Question posée :

Cher pasteur,
Tout d’abord je vous remercie pour votre site. C’est une vraie nourriture spirituelle.
La spiritualité est vraiment très importante pour moi. Si je n’avais pas répondu à cette grâce de Dieu et espèrer en Jésus je ne serais probablement plus de ce monde. J’ai des soucis de santé, jai été maltraitée, battue toute mon enfance et adolescence par ma mère. Mon père est mort. Il y a eu plusieurs drames familiaux. Comme si cela ne suffisait pas, un ami de classe est mort assassiné lorsque j’avais 10 ans. Pourquoi ai-je été, si tôt,témoin de tant d’injustices ? Tout cela s’est produit en Europe, je précise.

Je n’ai plus personne aujourd’hui et je n’ai que 30 ans. Je suis livrée à moi-même depuis 12 ans.
Je vis des aides sociales et ne travaille pas. Je fais cependant du bénévolat dans l’associatif pour m’occuper et surtout car j’ai à Cœur de suivre le Christ. Malgré cela je suis encore rongée par la culpabilité d’erreurs du passé.

Bien que malgré mon vécu je n’ai jamais sombré dans la délinquance ou des additions. J’avais adopté, il y a 12 ans, deux petits rats domestiques dont je n’avais pas su prendre soin. Je n’ai pas maltraités activement ces animaux mais je les ai négligés ( je ne les regardais plus occupée par ma reprise d’études) et l’un d’eux en est mort. Cela ne serait pas arrivé si je ne les avais pas délaissés. Je culpabilise beaucoup car à côté je m’investissais pour la cause animale ! Je ne vaut donc pas mieux que ma mère qui maltraitait et négligeait son enfant sans que rien ne paraisse ! Et ce faisant je n’ai pas respecté Dieu et sa Création. Je n’étais pas encore chrétienne à l’époque mais je ne suis pas mieux que ces criminels.J’ai besoin du pardon de Dieu. Je vous remercie d’avance de m’avoir lue.

Réponse d’un pasteur :

Bonsoir

Votre mail m’a beaucoup touché. Par la somme de terribles difficultés que vous rencontrez. Ce qui est tout à fait cruel et injuste. Mais je suis surtout touché par la façon dont vous faites face d’une manière magnifique, en particulier sur le témoignage de foi.

Je vous assure d’abord que Dieu n’approuve pas les coups qui vous blessent. Dieu n’est jamais derrière le mal qui arrive, il est toujours avec la personne qui souffre contre le mal qui la frappe. Même avec la plus perdue des brebis perdues pour la chercher, même avec son ennemi pour lui faire du bien en cherchant à le soigner.

Bravo d’avoir une démarche de repentance. C’est une bonne démarche. Seulement, après avoir noté une attitude où nous aurions pu mieux faire, il est bon d’avancer positivement, à l’image de Dieu lui-même qui nous pardonne et nous aide à devenir meilleur. Aujourd’hui, vous ne feriez pas la même erreur, je pense. Donc ce travail d’intégration de la repentance a été fait. Suffisamment fait. Maintenant, la personne vivante dont vous devez prendre soin avec amour et bienveillance, c’est premièrement de vous-même, pour avancer dans le pardon de vous-même et dans la paix. C’est vrai que ce n’est pas un travail facile, mais c’est possible d’avancer pas à pas. Je vous dit, personnellement, et en y mettant toute ma conviction et ma foi, que vous êtes pardonnée. Et que Dieu vous bénit. Qu’il vous accompagne et qu’il est fier, très fier de vous, sa fille bien aimée.

Bravo ! et merci ! pour chaque magnifique pas que vous faites. Et aussi pour l’aide que vous apportez dans une association.

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : pasteur Marc Pernot

Réponse de la visiteuse :

Merci beaucoup pour votre message bienveillant. Je ressens aussi cela, que Dieu n’approuve pas le mal. Mais je me pose tellement de questions. D’un côté je me sens chanceuse car, dans mon malheur, j’ai la chance de m’en être sortie  » aussi bien  » Mais mon vécu me confronte à beaucoup d’incompréhension ( de la société, y compris des travailleurs sociaux, qui ont fait des études). Quelqu’un qui a vécu la guerre en Syrie a aussi traversé de terribles épreuves. Mais il n’aura pas de mal a être compris. De mon côté, je suis née et j’ai grandi en Belgique. Je suis encore jeune. Alors dans l’esprit des gens, ce n’est pas possible que je n’aie plus aucune famille.
Pour eux, ce que j’ai vécu n’existe que dans les médias ou dans les livres. Pourtant ces 5 enfants assassinés par leur père et dont les médias ont parlé pendant des mois n’étaient autre que mon ami et ses frères et sœurs. Même des psychologues ne comprennent pas qu’il m’arrive encore de pleurer ce petit garçon 20 ans plus tard. Après tout il n’était, selon eux  » qu’un camarade de classe « . Alors qu’il m’encouragrait, me soutenait lorsque je me confiais à lui sur mes propres maltraitances,..j’avais développé avec lui une relation plus vraie qu’avec les membres de ma famille. Qui eux, ne cessaient de m’humilier, m’insulter me frapper. Si la société n’avait pas minimiser j’aurais été placée dans une autre famille. Et surtout, mon ami et ses frères et sœurs ne seraient pas morts. Ils étaient menaces depuis très longtemps. Mais les autorités n’avaient pas pris les plaintes de la maman au sérieux. Parfois je me pose des questions sur le destin : Est-ce que Dieu a voulu, non pas ce qui est arrivé, mais que je le vive et en sois témoin afin d’avoir l’empathie et la compréhension nécessaire pour pouvoir aider des personnes également confrontée à ces drames.

En tout cas je vous remercie pour ce que vous faites. C’est admirable que vous accordiez ainsi du temps à des personnes au delà des frontières.
Dieu vous bénisse.

Réponse d’un pasteur :

Bonsoir

Je suis persuadé que Dieu n’a pas voulu ce qui vous est arrivé, je suis d’accord avec vous. Il ne peut pas vouloir cela ni approuver cela.

Dieu est toujours du côté de la vie et à côté de celui qui souffre pour l’aider, et à côté des personnes faisant le mal pour tenter de les rendre meilleures et de les persuader de cesser de faire le mal, ou cesser de ne pas aider la personne qui a besoin d’aide, et d’enfin faire le bien.

C’est ainsi que Dieu est le Dieu de la vie et de la résurrection. Il n’approuve pas le mal mais même du mal il peut faire surgir du bien. Et donc je suis bien d’accord avec vous. Du mal dont vous avez été frappé, et que Dieu n’approuvait pas, Dieu peut vous aider à faire quand même quelque chose de bien. En disant cela je ne voudrais surtout pas faire penser que cela justifierait en quoi que ce soit les horreurs qui ont eu lieu. Mais tant qu’à faire qu’elles soient arrivées, autant en faire quelque chose. Et c’est ce que vous faites.

Je ne sais pas si c’est en étant témoin de cela ? Peut-être, afin de faire évoluer les services sociaux par exemple. Ou comme témoin dans la formation du personnel devant théoriquement s’occuper des services sociaux ou psychiatriques. Mais en même temps ce n’est pas toujours bon de ressasser le passé, en particulier pour vous. Mieux vaut en faire quelque chose, d’une certaine façon et de se tourner vers l’avenir.

C’est pourquoi la seconde piste que vous suggérez me semble bonne : que vous soyez grandie vous-même de cette traversée en approfondissant une empathie et une compréhension pour les personnes qui souffrent que ne pourront jamais avoir une personne qui a eu la chance de vivre dans un milieu relativement sécurisé, sain et aimant. Cela devrait vous permettre de pouvoir mieux aider des personnes, sans avoir à revenir sur ce que vous avez vécu ni en parler (ce serait ajouter à leur peine), juste en pouvant accueillir en vérité ce que vivent ou ont vécu les autres et leur manifester de la compréhension et le geste qui leur sera possiblement d’un immense secours. Et vous même vivre, rayonner.

Merci pour vos encouragement
Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : pasteur Marc Pernot

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8 Commentaires

  1. Jean Claude dit :

    le pardon au sens chrétien du terme implique d’abord que l’agresseur ou le causeur d’injustice se repentisse et demande pardon !

    1. Marc Pernot dit :

      Je ne pense pas, non. Sinon la victime reste prisonnière de l’évolution éventuelle de son agresseur. Ce qui est une catastrophe. Le Christ n’attend pas une éventuelle repentance et demande de pardon des soldats romains qui viennent de le crucifier et continuent à se moquer de lui, en plus, pour prier Dieu en leur faveur. Et Dieu n’attend pas la repentance de ses ennemis pour les aimer, leur faire du bien et les bénir. Et le berger va chercher sa brebis perdue précisément car elle est perdue et incapable, pour l’instant, de repentance.

  2. Rosset Claire-Lise dit :

    Bonjour,

    Je suis bouleversée par la profondeur de votre souffrance.

    Ce que vous avez vécu est de l’ordre de l’invivable, tant par les violences subies que celles dont vous avez été témoin, ce qui n’est pas mieux. Toutes ces violences vous ont plongée dans ce qu’on nomme : l’état de stress post-traumatique.

    Je peux vous assurer, à vous lire, que vous vous en sortez bien. Le problème est que la victime prend sur elle la culpabilité et la honte qui appartiennent à ses bourreaux, dans un processus d’identification à l’agresseur (Sandor Ferenczi, 1933).

    Honnêtement, je vous suggère de désensibiliser ces pychotraumatismes qui laissent des traces dans votre cerveau émotionnel (les amygdales gauche et droite dans le cerveau limbique) et dans l’hippocampe ( la zone du cerveau qui garde les souvenirs chargés émotionnellement).

    Il existe diverses thérapies qui ciblent et désensibilisent les traumatismes, comme l’ EMDR, l’intégration du cycle de la vie de Peggy Pace, les thérapies cognitivo-comportementales. A vous de voir sur internet dans votre région où il y a des centres spécialisés en psychothérapies du trauma.

    Bien sûr que Dieu est avec vous dans votre souffrance pour vous sortir de cet enfer de fausse culpabilité et de reviviscences traumatiques. Il est le Dieu de la vie avant tout et le Dieu des écrasés et des brisés par leurs circonstances d’anéantissement de leur être.

    Le pardon ? A vous de mettre des mots sur ce que vous en pensez. Un pardon se mérite. Vous avez le droit d’être révoltée et en colère contre vos bourreaux avant de « pardonner » dans le sens de ne pas entrer dans le cycle de la haine et la vengeance qui vous feraient plus de mal que de bien.

    Il s’agit de vous différencier de vos parents pour entrer dans un chemin de libération et de vie. Imaginez vos bourreaux sous la forme de pitbulls dont vous détachez peu à peu la laisse. Symboliquement, vous laissez aller vos bourreaux aux dents acérées le plus loin possible de vous. Vous n’avez plus rien en commun. Chacun sa route, chacun son chemin.

    Rien n’est « fichu » à tout jamais, il n’y a pas de déterminisme, vous pouvez renaître de vos propres cendres avec du soutien spirituel et psychothérapeutique. Comme un fil rouge, Dieu vous conduira sur ce chemin de renaissance et de vie.

    Je pense souvent à ce verset de Osée 11 : 3 dans mes moments douloureux : c’est moi qui guidais les pas d’Ephraïm (mettez votre prénom), le soutenant par ses bras. Et ils n’ont pas vu que je les guérissais.

    Bien cordialement et bon courage
    Claire-Lise Rosset

  3. Le Mécréant dit :

    Que de souffrance et de malheur sur cette terre…
    Merci cher Marc de nous rappeler sans cesse que Dieu fait tout ce qu’il peut pour que nous apporter la paix.

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