Les 12 apôtres avaient ce « titre » avant la mort de Jesus Christ ou seulement après ?

Bonjour
Pourriez-vous me dire si les 12 apôtres avaient ce « titre » avant la mort de Jesus Christ ou seulement après sa mort, ayant été pendant la vie de Jesus disciples?
Merci
Paulo

Cher Paulo,

Avec joie de me pencher avec vous sur cette intéressante enquête historique, théologique et spirituelle.

Les disciples proches de Jésus et le groupe des 12

Il y avait certainement un groupe de disciples, les plus proches de Jésus, qui l’accompagnaient partout, et que Jésus cherchait à former plus particulièrement, ce qui va se révéler utile par la suite.
C’est surtout l’Évangile selon Luc qui parle des apôtres. Plus souvent, il est évoqué « les 12 ».

Le chiffre 12 : symbole biblique plus que nombre exact

Ce qui est compliqué, c’est que souvent dans la Bible, quand un chiffre est remarquable, connu pour être signifiant dans la culture biblique, ce chiffre n’est alors pas tant une indication de quantité, mais plutôt de sens, de qualité.
C’est ainsi que le 12 veut dire un groupe d’humains béni par Dieu. C’est le cas des 12 tribus d’Israël, les 12 apôtres font manifestement référence à cela.
Il n’y a donc peut-être pas exactement 12 hommes faisant nominativement partie de ce groupe d’apôtres autour de Jésus, mais un petit groupe qualifié de « 12 », amené dans la vie bénie comme les 12 tribus ont été conduites dans la terre promise par Moïse puis Josué.
Cela expliquerait pourquoi la liste de ces apôtres est un petit peu floue entre les différents évangiles (Barthélemy, Nathanaël, Jude, Thaddée).

Une liste d’apôtres incertaine dans les Évangiles

Le nom des principaux apôtres est parfaitement clair et identifié. Mais à la marge c’est plus incertain, pourtant Matthieu et Jean qui ont écrit chacun un évangile faisaient partie de la bande.
Il n’y aurait pas ce flou s’ils avaient été nommés par Jésus officiellement, avec un titre, une nomination solennelle comme l’adoubement d’un chevalier, ou l’onction d’huile d’un prêtre, d’un prophète ou d’un roi dans l’Ancien Testament, ou au moins une imposition des mains par Jésus devant les autres comme une sorte d’ordination d’apôtre.
Or, rien, on n’a jamais entendu parler de ça. Je pense que certains disciples étaient simplement plus proches de Jésus : ils se sont rendus plus disponibles pour accompagner Jésus plus souvent (ce n’était pas évident de se rendre disponible, il y a le travail et la famille).
Il peut aussi y avoir des affinités et des choix de Jésus d’appeler telle personne à être à ses côtés.
Parfois, Jésus en prenait quelques-uns à part pour un supplément de formation, par exemple Pierre, Jacques et Jean que Jésus emmène avec lui à plusieurs reprises pour un temps de retraite en montagne ou dans le jardin des oliviers.

Le mot apôtre signifie « envoyé »

Le terme même « d’apôtre » signifie « envoyé », or Jésus envoie, littéralement, d’autres personnes que les 12.
Il envoie la femme samaritaine vers les gens de son village (Jean 4), il envoie Marie Madeleine annoncer aux autres sa résurrection (Jean 20).
Elles sont donc littéralement faites « apôtres » par Jésus, avec un rôle particulièrement essentiel en ce qui concerne cette dernière, c’est pourquoi on l’appelle « l’apôtre des apôtres » (dès Hippolyte de Rome vers l’an 200).
Dans l’Évangile selon Luc 10, Jésus envoie 70 disciples (ou 72) en mission : cela fait littéralement d’eux aussi des « envoyés », en grec « apôtres ».
Être envoyé pour annoncer l’Évangile n’est donc pas réservé « aux 12 ».

L’évolution du titre d’apôtre dans les Actes et chez Paul

Le titre et la fonction d’apôtre semblent déjà plus définis dans le livre des Actes des apôtres puisqu’ils décident de choisir Matthias pour remplacer Judas et prendre part au service et à l’apostolat des 12.
Mais avec Paul, il semble que d’autres que ces 12 sont appelés « apôtres », c’est une fonction dans les églises, à côté des prophètes, évangélistes, pasteurs et docteurs.
Paul parle d’Andronicus et de Junia (une femme) comme apôtres avant lui (Romains 16:7).
À l’époque de la rédaction des Évangiles, c’est à mon avis cela qui est important afin de structurer ce mouvement et que cela ne devienne pas tout à fait n’importe quoi.
Rien ne dit que ces « apôtres » de la première génération de chrétiens aient été disciples de Jésus de son vivant, il semble que Paul ne l’ait même pas rencontré ou pas apprécié à l’époque…

Le chiffre 12 comme invitation spirituelle pour nous

Mais si le chiffre de 12 est plus là pour nous dire une qualité qu’une quantité, ce groupe des 12 évoque alors une humanité bénie par Dieu, envoyée par Jésus dans le monde.
Ce serait une façon de nous incorporer, nous, lecteurs de l’Évangile, dans le groupe des disciples tout proches de Jésus qui existait bien, historiquement, mais était peut-être constitué d’une demi-douzaine de très proches, dont des femmes (comme Marthe, Marie Madeleine).
En nous invitant grâce à ce chiffre de 12, le texte est à mon avis fidèle à l’esprit de Jésus, nous appelant à nous sentir responsables personnellement de poursuivre la mission du Christ, nous « envoyant » annoncer le pardon de Dieu, faire du bien.
C’est ce que l’on voit dans les chapitres 20 et 21 de l’Évangile selon Jean avec le don de la paix, le don de l’Esprit, l’envoi dans le monde.

Peut-on se dire apôtre aujourd’hui ?

Je dirais que vous pouvez tout à fait vous considérer comme apôtre par la foi, par l’Esprit.
C’est un petit peu plus délicat de se présenter soi-même comme « apôtre », ou comme « prophète » car cela semblerait dire que l’on prétend être au-dessus des autres, mieux en communion avec le Christ, plus rempli de l’Esprit Saint…
Personne ne peut le dire si ce n’est Dieu lui-même.

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : pasteur Marc Pernot