28 février 2020

Chapelle d'Anières - Genève
Foi

Je ne me sens plus à l’aise dans l’église de mon enfance, comment exercer ma foi ? L’impasse est proche.

Par : pasteur Marc Pernot

Chapelle d'Anières - Genève

Question posée :

Bonjour pasteur,
Cela fait quelques semaines que j’ai découvert ce site et j’y ai apprécié votre ouverture d’esprit. Je viens alors vers vous pour vous parler d’un problème que je rencontre dans ma foi. La question principale qui ressort est : suis-je obligée de suivre une voie stricte de manière définitive ou inéluctable alors que je n’arrive à me retrouver totalement dans aucune des religions monothéistes existantes ?
Mon message est long, veuillez m’excuser.

Je crois en Dieu depuis la naissance. Mes parents m’ont élevé dans un environnement où on prie, lit la Bible et va à l’église. Vers la fin de l’adolescence, j’ai commencé à rechercher la vérité à ma façon.
Ce qui me manquait aussi c’est de ne pas être comme les autres au sein de l’église. Ne pas avoir ce zèle, parler en langues, être baptisée pour partager la « Sainte Cène » ou être reconnue comme « sœur ». Puis je me suis éloignée de l’église tout en continuant ma recherche de Dieu.

A 25 ans, un jour et en l’espace de quelques secondes, mon esprit a changé. C’est comme si je réalisais dans quel monde je vivais, ceux qui le peuplent, le caractère éphémère de ma condition d’humaine et surtout l’existence de Dieu devenue chose certaine pour moi. J’associe cela à la conversion que mon entourage a vécu avant moi : accepter Jésus dans son cœur. J’étais heureuse d’être enfin véritablement chrétienne. Il était alors logique que je me baptise. Ce que j’ai fait 6 mois après.

Petit à petit, mes anciens doutes et questionnements sont ressortis et j’ai cru que c’était le fruit d’attaques courantes lorsqu’on est nouvelle convertie. Or à 27 ans aujourd’hui, les questions se font plus récurrentes voire dérangeantes. Je ne me retrouve plus dans cette foi. Je pense même que ma foi n’a jamais été celle là, mais étant concentrée sur mon acceptation au sein de la communauté, je n’y avais pas fait attention.

Je réalise alors que je me suis baptisée trop vite car je ne me considère pas chrétienne comme mon entourage le définit. Le traditionalisme, le légalisme voire l’intégrisme me font fuir en dépit des bonnes choses qui se passent dans mon église. Si mes proches s’y épanouissent, j’en suis contente. Pour ma part ce n’est pas mon cas. Je me sens hypocrite, malhonnête envers moi-même et Dieu parce que je remets en cause plusieurs croyances évangéliques qui m’ont été enseignées jusqu’alors. Je me situe davantage vers le milieu du tableau ; on me considérerait comme chrétienne tiède, passive, non zélée ou fausse. Pourtant ma foi s’épanouit dans la sincérité de mes convictions, ma recherche permanente de vérité, de Dieu, et non dans un système en place qui me condamne si je fais ou ne fais pas telle ou telle chose. Je préfère aussi l’ouverture vers des croyances différentes de la mienne. C’est une richesse.

Aujourd’hui je me sens pressée d’avoir une position définie et claire pour rassurer mes proches ou trouver une communauté. Cependant je sais que ce ne sont pas de bonnes raisons. Ainsi je viens demander conseil auprès de vous.
Je me reconnais dans une majeure partie de l’islam. Or je mesure toutes les difficultés que cela pourrait engendrer : devenir musulmane serait signifier à mes proches que je suis perdue à jamais (un membre de ma famille a d’ailleurs vécu le rejet à cause de son choix), d’autant plus que je me suis faite baptisée ; il y a certaines choses dans l’islam qui me rende sceptique et on peut remplacer « islam » par tous les courants monothéistes chrétiens ou pas.

J’étais avant perdue sans la foi et maintenant que je l’ai, je ne sais comment l’exercer. L’impasse est proche.

Je vous remercie pour votre lecture. Que Dieu vous bénisse.


Réponse d’un pasteur :

Bonjour

Bravo pour ce bon cheminement, sincère et vrai. Pour votre recherche.

Dans toutes les religions, vous trouverez un éventail de façons de vivre la religion et la foi. A mon avis, la question sur laquelle vous pourriez travailler est celle là. Vous avez manifestement une foi vivante,une recherche sincère et libre, intelligente. C’est à mon avis génial, mais c’est très inconfortable dans un club de personnes qui aiment se rassembler avec des pratiques et des doctrines très imposées à tous.

C’est ce que j’essaye d’expliquer dans cet article : Choisir sa religion… et son rapport avec sa religion.

Il me semble que ce qui vous correspond serait de chercher une façon bien plus progressiste de vivre la religion.

Personnellement, je pense que Jésus était comme cela. Et c’est ce qui lui a valu pas mal d’ennuis avec les religieux sacralisant leur religion, commandements, et doctrines. Pour Jésus, la religion est à vivre librement, personnellement, selon le rythme et la sensibilité de chacun. C’est un simple outil de développement de notre personne, de notre réflection et de notre foi. Il ne dit pas combien prier ni comment, il appelle à la sincérité et à la prière intime, dans sa chambre. Il ne dit pas de jeûner, il dit que si l’on veut jeûner, que ce soit une décision personnelle libre, intime, personnelle, secrète. Il ne dit pas d’aller à l’église à tel rythme, il ne sacralise pas des lieux ou des temps. Il ne sacralise que Dieu et donc la vie, et donc la personne humaine, faite à l’image de Dieu. Il fait ainsi de chaque personne, savante ou non, homme ou femme, un prophète ou une prophétesse par l’Esprit Saint. Il montre un Dieu d’amour et non pas un terrible juge qui compte les bons et les mauvais points…

A mon avis, le Christ et son Evangile sont tout à fait inspirants et géniaux. Et cela peut être, si je puis dire, travaillé, de façon personnelle, libre. En allant une fois ou l’autre avec votre famille dans leur église si vous avez envie, tout en gardant vos idées et votre foi, en allant pourquoi pas une fois à la messe avec un ami ou prier dans une église, ou dans la nature, ou fréquenter à votre rythme une église protestante plus progressiste s’il y en a une du côté de chez vous.

Vous pouvez changer de monothéisme, il y a bien des points communs. Personnellement, je trouve que l’Evangile est un complément génial à la Bible Hébraïque, et que le Coran est moins inspirant que l’Evangile, et je préfère chercher à suivre Jésus-Christ que Mohammed. Mais bon, chacun sa sensibilité, je ne critique pas.

Dans le judaïsme, il existe des synagogues libérales ou massorti qui peuvent avoir ce côté progressiste, libérant et respectueux de la personnalité de chacune et chacun, stimulant la réflexion personnelle. Les franges progressistes de l’Islam me semblent plus étouffées actuellement, voire inexistantes. Par exemple, j’ai essayé de chercher à Genève et alentours un imam acceptant de faire une cérémonie de mariage islamo-chrétien, pas un seul n’a accepté l’idée même de faire ce genre de chose.

En tout cas, Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : Marc Pernot, pasteur à Genève

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