Jeune homme lisant un livre - Photo by Luiza Braun on Unsplash
Développement

Je me demande si ma foi n’est pas trop intellectuelle, sentimentale, manquant de « vivre avec » ?

Par : pasteur Marc Pernot

Jeune homme lisant un livre - Photo by Luiza Braun on Unsplash

En même temps quand on a une telle sincérité, se poser seulement la question montre que l’on est sur le bon chemin…

Question posée :

Cher Monsieur,
Je vous écris car depuis plusieurs mois et années (j’ai 26 ans), je m’interroge sur la (ma ?) foi. J’ai pris attache avec une paroisse de ma localité, en France, et essaie, surtout en cette période confinée, de lire et d’étudier les Écritures.

Si mon adhésion intellectuelle aux principes du protestantisme est totale, c’est davantage sur la vigueur de ma marche sur ce long chemin qui m’interroge (je précise que je ne suis pas baptisé). En effet, j’ai au fur et à mesure compris la distinction entre foi et religion, que l’on ne cherchait pas des réponses dans la Bible mais qu’on y trouvait des questions, que l’écoute était primordiale. Il est vrai que cette compréhension lente et progressive, ajoutée à la prière que je pratique quotidiennement (avec lecture des psaumes et lecture biblique), me procure beaucoup d’agrément. Je m’interroge toutefois sur la nature de cet agrément.

J’ai beaucoup lu les prières mises sur votre site, lequel offre par ailleurs de grandes ressources. J’y ai lu les remarques d’Augustin ou de Pascal (c’est par son texte inachevé sur la conversion du pécheur que j’avais véritablement choisi d’entamer ma recherche car). Ces prières ou ces passages m’ont aidé à comprendre ce que je pouvais vivre dans une pratique de la prière et de l’étude assidue. La lecture de Jacques Ellul m’a également beaucoup aidé (Encore quarante jours, La foi au prix du doute, Anarchisme et christianisme).

Je me demandais donc si ce que je ressentais, c’est-à-dire le renoncement serein à la certitude, la légèreté inexplicable d’une vie animée par la prière et la lecture biblique, cette satisfaction en somme, bien que fondée sur le roc solide du doute et de l’inquiétude, s’apparentait à ce qu’est véritablement la foi ou à un vague sentimentalisme. Je ne me demande plus comme avant si Dieu est possible, si la religion chrétienne était une voie d’accès comme une autre car je pense avoir commencé de comprendre la puissance du message évangélique et ce qu’il exige, renoncer au monde pour mieux l’embrasser, idée qui me touche intégralement. Je me demande davantage si je suis bien en confiance, si j’avance sur le bon chemin et si ce que je vis, que je n’arrive pas à expliquer et qui pourtant me satisfait, est viable et si c’est bien la foi et non son émotivité qui me touche. Cela a bien sûr des conséquences sur sa consistance et sa force, ce qui est difficile à estimer sans être dans l’épreuve à un moment particulier.

Subsiste toujours cet autre doute qui demande si, pour avoir confiance, avoir foi, il fallait sans ressentir vraiment la consistance de sa foi, vivre chrétiennement, c’est-à-dire en disciple, ou s’il fallait que le sentiment de la consistance de sa foi soit préalable afin de savoir qu’il est bon et vrai de vivre chrétiennement. Il est très difficile en effet lorsqu’on est en recherche, c’est-à-dire suffisamment engagé pour savoir qu’il y a là quelque chose d’unique et de vrai et pas assez car on se pose trop régulièrement la question de la foi vécue, de savoir ce que c’est que ressentir la foi : cette confiance se construit-elle en appliquant la loi d’amour, est-elle préalable à son application ici et maintenant, se ressent à un point qu’on ne recherche plus à la qualifier mais seulement à la vivre… Il y a cette circonspection chez celui qui bien sûr croit en Dieu mais y adhère trop par intellect et donc sépare la pensée du « vivre avec », même si, bien entendu, on ne peut pas être en ex-tase permanente…

Pensez-vous qu’il serait temps de commencer un temps de catéchuménat, dut-il – et cela ne me fait guère peur – durer plusieurs années et de m’intégrer, par là-même, à une vie communautaire (culte, étude biblique en groupe…) ? Pensez-vous que je dois aménager ou réorienter ma pratique et ma façon de réfléchir ?

Je vous remercie pour le temps que vous accepterez, le cas échéant, de me consacrer.

Respectueusement,

Réponse d’un pasteur :

Cher Monsieur

Bravo pour cette magnifique présentation, et surtout pour ce très profond, sincère, intelligent et humble cheminement. J’ai en particulier été ému par vos expressions à la fois si drôles et si pertinentes comme celle d’une foi « fondée sur le roc solide du doute et de l’inquiétude ».

Chacun son style. Il ne faudrait absolument pas que vous vous sentiez obligé d’avoir une foi répondant à un stéréotype, ni calquée sur celle de telle personne. La bonne foi est votre foi. Si la foi de Blaise Pascal ou de saint Augustin vous touchent (moi aussi), c’est qu’il y a là un zeste de quelque chose qui vous correspond peut-être, mais même pas nécessairement. On a le droit d’admirer une personne tout en la sachant ne « fonctionnant » pas comme nous.

Je n’ai pas l’impression que votre foi soit trop confortable, ni trop inquiète. Mais mes deux à la fois, ce qui est un signe de bonne santé, c’est cela qui permet de cheminer, dans le domaine de la foi comme dans d’autres domaines : la science, la sagesse, les relations personnelles, etc.

C’est sympa de se demander, comme vous, si votre foi ne serait pas trop intellectuelle ? Le fait que vous vous en inquiétez prouve que non. Et vous entendant parler de prière, cela m’aurait étonné. J’ai rencontré des personnes dont la foi est purement intellectuelle et ne s’incarne pas tellement dans leur vie personnelle, c’était en général soit des personnes qui ne voyaient pas l’intérêt de prier, soit des personnes dont l’intérêt majeur était surtout d’avoir un statut à travers des responsabilités dans l’église. Je n’ai pas du tout l’impression que ce soit votre cas. J’y verrais seulement le temps qu’il faut. Des images agricoles sont souvent utilisées dans la Bible pour parler de notre vie de foi, comme le Psaume 1er, la parabole du semeur, ou celle de la graine de moutarde. Il y a le temps des semailles, celle de la sereine insécurité du grain qui meurt pour donner la pousse sortant et s’élevant à l’air libre, il y a la patience de la sagesse paysanne d’attendre le fruit. Le fruit est aussi une question d’occasion, c’est quand votre saison sera venue et que l’occasion favorable (la théologie parle de kairos) se présente.

Vous évoquez la possibilité d’avoir une certaine dimension collective à votre recherche, je pense que c’est effectivement une bonne chose. A condition que cela soit secondaire et le reste par rapport à cette foi, cette réflexion et cette prière que vous avez déjà et qui (à mon avis) doivent rester l’essentiel. Mais, au service de cet essentiel, oui : une pratique collective dont vous sélectionnerez le menu et le rythme me semble assez utile. Car l’humain est un animal non seulement pensant, agissant et spirituel, l’humain est aussi un animal social. Et même si l’on n’est pas d’accord avec la prédication, si l’on trouve les chants et l’ambiance un petit peu surréalistes, le fait de s’être déplacé pour participer avec ce public improbable à ce culte change quelque chose dans notre façon d’être au monde et dans notre perception de Dieu. Ce n’est bien entendu pas obligatoire du tout, mais souvent fécond.

Quant au baptême, mon expérience m’invite à penser que quand une personne en parle, c’est qu’elle est prête. Il n’y a donc pas de parcours du combattant, de formation imposée, ni d’examen de foi, de croyances, de pratique, ou de façon de vivre… Il y a juste à personnaliser cet événement dans un culte du dimanche. Il y a certes des paroisses et des églises qui sont un petit peu plus compliquées. Cela ne me plaît personnellement pas trop, car le baptême me semble absolument devoir rester d’une manière essentielle : un signe de la grâce inconditionnelle de Dieu sur la personne, et donc sans contraintes imposées et ni critères. Ce geste n’est d’aucune nécessité (ce qui ajoute à sa valeur, à mon avis) car ce geste est le signe de l’amour que Dieu a en particulier pour vous, et que ce geste n’y ajoute rien. Cela dit, ce geste est important pour la personne, faisant participer notre corps et notre histoire, venant marquer une étape pour vous, plus comme une entrée qu’un diplôme de fin d’étude. C’est aussi un beau cadeau pour les personnes qui seraient présentes ce jour là.

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : Marc Pernot, pasteur à Genève

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