Composition photographique représentant une femme et des mains qui veulent s'en emparer - Image par titus torome de https://pixabay.com/fr/photos/amour-fille-femme-sensuel-content-2331479/
Bible

Grosse interrogation sur Matthieu 5:27 à 5:32 (surtout 5:32) à propos de paroles de Jésus à propos de l’adultère.

Question posée :

Cher Pasteur,

Je vacille complètement relativement aux versets de Matthieu 5:27 à 5:32 (surtout 5:32) repris largement dans les autres Évangiles. Comment évangéliser (notamment mes enfants) avec de telles paroles haineuses ?

Je vous lis et je vous admire. Vous allez me dire que la lettre tue et que l’esprit vivifie. Vous allez insister en affirmant que ce ne sont que des questions que Jésus, notre Dieu, nous pose. Vous allez prendre en référence les versets à partir de Matthieu 5:38 (ne pas résister aux méchants, les deux joues) en donnant l’exemple qu’il faut, bien sûr, résister à la pédophilie.

Mais ce n’est pas suffisant. Matthieu 5:38, c’est de l’amour. Dans Matthieu 5:27 à 5:32, pas une once d’amour ; que de la vengeance et de la haine sur un sujet central pour tous les hommes et toutes les femmes.
Le protestantisme et les autres doctrines chrétiennes ne pourraient-elles pas proposer une interprétation voire annuler ce passage ? Il y a quelque chose à faire….. Ou bien comment définir l’adultère ?

Ex, d’après Matthieu 5:32, celui qui épouse une femme répudiée commet un adultère.
Jésus parle-t-il, là, de certificat de virginité ? Faut-il exclure les femmes répudiées ? Vous avez eu aussi beaucoup de questions sur les enfants adultérins qui montrent le trouble de la société. Que dire des prêtres catholiques qui, par une mauvaise imitation du Christ, refusent l’amour des enfants qu’ils auraient pu avoir ? Comment peuvent-ils conseiller d’aimer son prochain alors qu’ils refusent l’amour aux enfants qu’ils auraient pu avoir ?
Trop de haine et de souffrance avec ces versets 5:27 à 5:32 ! Que faire ? Comment expliquer ?

Merci pour votre réponse.
Bien à vous.

Réponse d’un pasteur :

Cher Monsieur,

Félicitations de lire les évangiles avec attention en y mettant tout votre cœur, votre intelligence et votre foi. Foi que vous désirez transmettre à vos enfants, qui plus est, ce qui est excellent.

En lisant votre premier paragraphe, je m’apprêtais déjà mentalement à répondre… exactement ce que vous mettez dans votre 2e paragraphe. Vous m’épatez par votre écoute et votre intelligence, et votre lecture si attentive est pour moi un véritable encouragement.

Oui, les paroles de Jésus sont parfois choquantes

Oui, les paroles et les gestes de Jésus sont faits pour nous faire nous poser des questions, quitte à être des paroles choquantes. Comme « ne résistez pas au méchant », parole choquante pouvant permettre ou même favoriser l’injustice et le crime quand on la lit comme étant un commandement à appliquer, mais passionnante comme question. Jésus prend là un vrai risque, c’est nécessairement parce que le jeu en vaut la chandelle : éveiller notre questionnement, nous pousser hors de tout moralisme. Même les plus radicales des personnes prétendant suivre la Bible à la lettre (et tout particulièrement Jésus) ne comptent en général pas laisser leurs enfants être agressés par un méchant !

Cette parole « ne résistez pas au méchant » est encore plus dangereuse que ces paroles choquantes sur l’adultère que vous citez, car l’invitation à ne pas résister au méchant met en danger de mort, par exemple, des femmes subissant la violence de leur mari, ou des jeunes victimes d’inceste ou de harcèlement, et à subir cette torture sans broncher. Il est donc crucial, effectivement, de former les personnes à l’interprétation personnelle des textes (en général, mais particulièrement les textes fondateurs en religion : Bible, Coran). Il est crucial de refuser haut et fort les méthodes d’interprétation qui font de la Bible un livre des réponses et non un livre d’excellentes questions, méthodes d’interprétation qui sacralisent la lettre et non l’Esprit. Il est indispensable de soutenir l’amour inconditionnel de Dieu comme clef d’interprétation des écritures. Effectivement, la vocation de l’Église, et de l’Église protestante en particulier, est d’apprendre à lire et donc à interpréter à toute personne que cela intéresse. Le rôle de l’église n’est donc surtout pas interpréter à la place des gens, surtout pas leur donner des leçons de morale et encore moins juger quiconque… mais encourager chaque personne à faire sa propre interprétation de la Bible, ainsi qu’à se tourner vers Dieu en toute confiance pour lui demander son aide pour avancer dans la complexité de nos situations.

C’est ce que vous faites en refusant catégoriquement une lecture moraliste, effectivement désastreuse, de ce passage que vous relevez. Et donc, bravo. Vous avez saisi le geste.

On a le droit de ne pas être d’accord avec ce que nous lisons dans tel ou tel texte biblique. Nous avons même le droit de penser que tel verset ne devrait pas se trouver là, car il est trop dangereux ou vieilli (cela arrive). Nous avons le droit, et même la responsabilité de dire à Dieu : je ne suis pas d’accord avec cela. C’est ce que font bien des héros de la Bible : Abraham, Moïse, David et même Jésus en croix.

En ce qui concerne le passage que vous relevez, c’est effectivement choquant quand on extrait ce verset 32 pour en faire une règle de morale absolue. Telle ou telle personne pourrait se sentir accusée par ce texte en le découvrant dans l’Évangile. Le pire, c’est effectivement que certaines personnes malveillantes, sans amour, risquent de se sentir permises de traiter de tous les noms telle ou telle autre personne.

La racine de l’adultère, selon Jésus

Première remarque : au verset 27, juste avant ce passage, Jésus dit : « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu ne commettras pas d’adultère. Et moi, je vous dis : quiconque regarde une femme avec convoitise a déjà, dans son cœur, commis l’adultère avec elle. » Or, il est tout à fait naturel, normal, de ressentir un certain désir sexuel, cela fait partie de la nature de l’humain, qui n’est pas un ange mais un animal pensant, spirituel et social : et donc un animal quand-même. Cela fait que les cruelles personnes qui osent juger leur prochain regardent d’abord à la poutre qui est dans leur œil avant de relever la paille dans l’œil de voisin.

Mais cette remarque préalable de Jésus est intéressante aussi, car elle attire notre attention en amont de la question de l’infidélité, à ce qui la motive. Et c’est une excellente question qui revient souvent dans la bouche de Jésus : « Que cherches-tu ? ». C’est-à-dire que Jésus ne cherche pas à nous juger, mais il cherche à nous aider à avoir une vie plus belle. Il soigne l’être de la personne, il soigne l’arbre, et alors les fruits seront bons. Le moralisme tue la personne. Jésus veut la faire vivre.

L’adultère est sans doute une question. Évidemment. Et il nous est utile de travailler en amont de notre façon d’agir : comment nous gérons notre propre désir de l’instant. C’est une question qui traverse toute la Bible : le « j’en ai envie donc je le fais » est un poison où nous prenons notre propre désir de l’instant comme dieu, c’est un problème spirituel, un problème existentiel et un problème de vie avec les autres. Cette question renvoie à une question profondément spirituelle qui nous est posée, dans cette image très biblique de comparer l’alliance entre Dieu et l’humain à un couple, et donc d’appeler adultère l’infidélité faite à Dieu. C’est donc profondément cela qui est convoqué ici. Quand l’homme adore son propre désir de l’instant (pas seulement sexuel), c’est une infidélité à Dieu, et cela laisse place à du chaos dans notre existence, cela peut conduire à vivre en faisant n’importe quoi, infidèle à nos engagements humains.

C’est pourquoi les versets 29 à 30 sont intéressants et trouvent bien leur place ici : « Si ton œil droit entraîne ta chute, arrache-le et jette-le loin de toi : car il est préférable pour toi que périsse un seul de tes membres et que ton corps tout entier ne soit pas jeté dans la géhenne. Et si ta main droite entraîne ta chute, coupe-la et jette-la loin de toi : car il est préférable pour toi que périsse un seul de tes membres et que ton corps tout entier ne s’en aille pas dans la géhenne. » Bien sûr, ces versets ne sont pas à prendre au sens matériel : jamais Jésus n’a coupé la main ou crevé l’œil de quiconque, au contraire, il a guéri sans condition les mains mortes et les yeux aveugles. C’est donc à prendre au sens spirituel : une invitation à travailler en nous-mêmes sur notre être, en amont de notre façon d’être. Dieu étant d’un immense secours pour cela.

Dans toute question de couple : penser (aussi) à l’autre

Seconde remarque : dans son dangereux verset 32, Jésus pose la question de façon intéressante, il me semble ; la question n’est pas vis-à-vis de Dieu, il n’en est même pas question ici : puisque Dieu aime et pardonne. Jésus pose par contre la question du point de vue de la personne quittée, dont devrait se préoccuper celui qui quitte. Ce n’est pas inintéressant, tant s’en faut. Et en même temps, la petite clause sur l’inconduite de l’autre tranche avec tout jugement simpliste, mais fait entrer dans un questionnement complexe et multifactoriel. Il existe un million de situations concrètes, les torts graves sont parfois du côté d’un des deux dans le couple (agression, viol, harcèlement, infidélité, manque de respect ou d’attention…), et c’est parfois bien partagé entre les deux membres du couple.

Les enfants nés hors mariage, les prêtres et les moines

En ce qui concerne les enfants nés hors d’un couple stable, parfois enfants nés suite à un viol ou un inceste, cela ne pose aucune question sur leur dignité aux yeux de Dieu, si ce n’est que Dieu aura une attention toute particulière pour chacun, né d’une histoire souffrante. Dieu fera tout son possible pour que l’avenir soit beau et bon. Bien entendu.

En ce qui concerne les prêtres catholiques qui choisissent le célibat, ce choix doit bien entendu être respecté. Il y a bien des façons d’être fécond, il y a bien des vocations différentes dans la vie. Vraiment, personne ne peut dire que leur vocation ne serait pas bonne, sainte, juste. L’humain est fait de bien des dimensions, et on peut être fécond en chacune de ces dimensions, et on ne peut pas (toujours) être fécond en toutes nos dimensions. On ne peut pas dire que la vocation d’un prêtre en paroisse soit de l’égoïsme ou un refus d’aimer et de se laisser aimer. On ne peut pas dire que la vocation d’un moine trappiste, priant pour le monde, témoin dans le monde, accueillant des retraitants dans leur communauté, soit égoïste. Tant s’en faut.

Ce que nous pouvons faire de ces versets parmi les plus difficiles des évangiles, c’est effectivement chercher à réfléchir afin d’en tirer le meilleur, ce qui nous fera aimer plus et mieux, ce qui nous permettra de grandir, d’approfondir, de chercher l’aide de Dieu et son pardon. Et si, après cela, nous ne trouvons rien de bon, eh bien, ce que nous pouvons faire, c’est passer à la suite du texte biblique. Il y a quantité d’autres textes absolument et purement remplis de l’amour de Dieu pour chacun.

Dieu nous soit en aide. Il vous bénit et vous accompagne.

par : pasteur Marc Pernot

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8 Commentaires

  1. Pascale dit :

    Une remarque à propos de Matthieu 5:32. Personnellement, même en faisant une lecture au premier degré, je n’y vois pas de violence. Ce qui est violent, c’est la répudiation, décision unilatérale qui réduit l’autre à l’état de chose. C’est bien cette violence que Jésus dénonce, en affirmant avec force l’importance de l’engagement envers l’autre, il ne parle pas de condamnation, mais de dégats que cela peut faire. Et la façon de l’exprimer s’inscrit clairement dans une culture qui n’est plus la nôtre. D’ailleurs un peu plus loin, en Matthieu 19:9, ce n’est plus la femme qui est rendue adultère,  mais l’homme qui répudie et qui en épouse une autre.
    Par contre, la notion de répudiation est dans le fond encore très actuelle : tu ne m’intéresses plus, je ne t’aime plus, je te quitte.

    1. Marc Pernot dit :

      Grand merci pour ces précieux ajouts !

      1. Rosa6731410 dit :

        Merci pour ce que vous faites, tout ce travail pour etre utile à son prochain et exprimer l’Amour Christ. Je vous suis de temps à autre car vos reponses aux questionnements humains sont toujours très pertinentes et enrichissantes. Protestante d’origine lutherienne ( grandie en Alsace) j’ai tjrs recherché ce Père éternel dont ma maman parlait. Aujourdhui, 70 ans plus tard, je sais intimement pour moi-même qu’il est un etat d’être harmonieux en soi que l’on nomme Dieu. En fait, un etat de conscience. J’ai été très attirée par un enseignement qui prônait un seul Dieu qui est Tout Amour, qui ne punit donc pas et non pas un dieu punisseur. Avec le temps,-et vous le dites si bien dans vos réponses- j’ai compris que nous avions des épreuves à surmonter et ce pour nous permettre d’avancer et suivre l’enseignement et les pas de Jésus. Si tout etait parfait, nous n’aurions pas à lutter et nous dormirions encore dans le berceau de l’enfance. Puis aussi, depuis peu… 🤔 (Etudier et Comprendre Dieu prend du temps) 😊, j’ai compris que TOUS absolument tous, nous etions utiles à la Société, quevnous avions à y jouer un rôle important, même ceux qui ont pratique etbpratisuent encore le mal. Chacun était utile à l’ensemble.
        Voilà cher Pasteur ce que j’avais envie de vous partager. Un grand merci de tout coeur pour votre.. rôle à vous.
        Je diffuse votre lettre des que je la reçois.
        Avec amour, eveline.

        1. Marc Pernot dit :

          Chère Evelyne, grand merci pour ce témoignage sur l’amour de Dieu

    2. André dit :

      Une femme répudiée à droit à quoi du coup ? Refaire sa vie àvec la réponse de jésus si on épouse ce genre de femme on commet l’adultère .

      1. Marc Pernot dit :

        Avec la grâce de Dieu manifestée par Jésus-Christ, nous ne sommes plus dans les « on a le droit » ou « pas le droit ». C’est ce que Paul résume par son « tout ets permis mais tout n’est pas utile, tout est permis mais tout ne construit pas ».

        1. André dit :

          Oui mais pourquoi une femme repudiée devient adultère alors qu’au chapitre 19 cela semble plus cool pour la femme c’est plutôt le mari qui est visé une femme repudiée à part pour inconduite sexuelle n’est pas responsable.

          1. Marc Pernot dit :

            Comme le spécifiait Pascale ci-dessus, l’enseignement du chapitre 5 attire l’attention de celui qui voudrait abandonner sur la personne abandonnée. Ce n’est pas de la sévérité, il parle des dégâts que cela peut faire.

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