San Francisco, United States Holocaust art exhibit - Photo by Schuyler Johnston on Unsplash
Ethique

Face aux grands criminels de notre temps, quelle aurait été la réaction de Jésus ? Pardonner serait banaliser le mal.

Par : pasteur Marc Pernot

San Francisco, United States Holocaust art exhibit - Photo by Schuyler Johnston on Unsplash

San Francisco, mémoire de la Shoah

Question posée :

Bonjour, je me pose la question suivante sans encore y trouver une réponse : face aux grands criminels de notre temps, comment aurait été la réaction de Jésus ? Pardonner l’impensable serait banaliser le mal. Le démon a t il pris possession de ces êtres hors norme ? Dans l’histoire de Jésus, on ne parlait pas d’actes monstrueux. Comment réagir en chrétien devant la barbarie gratuite de certains ? Nous sommes poussés à la limite de la compréhension, alors la haine est elle normale ????

Réponse d’un pasteur :

Bonsoir

Nos grands criminels sont assez terribles. Je ne suis pas certain que les criminels et tyrans du temps de Jésus étaient plus sympathiques. La destruction de Carthage a été un génocide.

Le pardon dont il est question dans l’Evangile ne consiste pas à pardonner le crime ni d’ailleurs même la faute comme si rien de ce la n’avait d’importance. Bien sur que cela a de l’importance. C’est ce que rappelle Jésus quand il dit par exemple « Il a été dit aux anciens: Tu ne tueras point; celui qui tuera est passible de jugement, mais moi, je vous dis que quiconque se met en colère contre son frère est passible de jugement » (Matthieu 5:21-22). C’est responsabilisant. Il existe des paroles qui tuent quelque chose dans la personne, dans son moral, son estime de soi, dans ses relations, dans sa foi et qui peuvent même la conduire à la mort du corps.

Ce qui est pardonné, c’est la personne. C’est le propre de la grâce de Dieu. Il aime la personne sans condition, et rien ne peut mettre en cause cet amour, ce choix de Dieu.

Dieu hait le péché mais aime la pécheur, ou plutôt aime la personne malgré son péché.

La crucifixion de Jésus est un acte monstrueux, car c’est même pire que la barbarie gratuite, c’est la volonté de supprimer même la source du bien et de l’amour gratuit. Et Jésus prie Dieu en faveur des soldats qui le crucifient et en plus continuent à se moquer de lui et à lui voler ses vêtements. Il prie en disant « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. » (Luc 23:34). Il distingue la personne (aimée et pardonnée) de ses actes (monstrueux, absurdes).

J’ai été aumônier de prison pendant des années. Mes paroissiens étaient tous des personnes condamnées pour de lourdes peines, viols, pédophilie, assassinats, meurtre sur conjoint, braquage de banque, etc. Et bien, étrangement, quand on est devant ces personnes, je ne me suis pas forcé pour essayer de s’adresser au meilleur de chacune et d’essayer de les réconcilier avec Dieu. J’avais peur d’avoir du mal, mais non. Pourtant, je ne peux absolument pas comprendre le viol. Et je ne veux même pas le comprendre. Mais la personne reste. C’est vrai que c’est plus facile, infiniment plus facile dans cette situation que si l’on a été soi-même victime d’un acte monstrueux, le pardon de la personne est alors un chemin de guérison de nous-même, de nos blessures souvent très profondes, c’est un difficile processus où l’aide de Dieu est souvent bien nécessaire, voire indispensable.

Mais nous ne sommes pas Jésus-Christ, ni Dieu. Si nous voyons qu’une personne a commis ou commet des actes monstrueux. D’abord, il faut protéger les victimes passées, présentes et potentielles. Ensuite, si nous pensons que cette personne nous est confiée en particulier pour que nous l’aidions, il me semble qu’il est bon de lui montrer à la fois qu’elle continue à être aimée de Dieu et que ses actes sont une horreur à ses yeux. Mais les pires situations sont souvent le cas où la personne n’a même pas l’ombre d’un début de remord. C’est le signe d’un désordre profond. Là aussi, le chemin de guérison peut être long, difficile, incertain. Ce serait trop facile de dire que c’est un « démon » qui se serait emparé de la personne qui se comporte mal. Non, il n’existe pas de sorte d’être invisible qui nous infeste. C’est effectivement un dysfonctionnement, parfois c’est un manque d’évolution, il y a une part d’accident et une part de choix personnel.

Oui, la haine est normale, la colère contre la méchanceté, la trahison, la peine infligée. Mais la haine et la colère ne sont souvent pas tellement de bon conseil. Par contre cette énergie peut être convertie en force pour agir en vue du bien, de la vie, de l’accompagnement des personnes et de ce monde qui souffre. Et être ainsi, à notre échelle, une source bienfaisante.

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : Marc Pernot, pasteur à Genève

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2 Commentaires

  1. César dit :

    Cher pasteur,
    Merci pour votre témoignage. Je me pose des questions sur le pardon et ai lu de nombreuses réponses excellentes sur votre site. Un chrétien est-il appelé à pardonner le pire (bien que cela soit difficile ou infaisable) ? Même si j’aime parler de choses plus gaies, et vos prédications me donnes une certaine joie, sommes-nous appelés à pardonner (évidemment à notre manière et notre rythme sans culpabilisation) un tueur sadique ou un violeur d’enfants en série ayant agi sur un proche ou sur nous-mêmes ? Dans son pardon et son amour inconditionnel, Dieu pardonne-t-il à de tels individus ? Evidemment, j’imagine qu’un pasteur ou un prêtre allant en prison voir ce genre de personnes cherche à tirer ce qu’il y a de « bon » en eux, même si ce n’est peut-être que 0.00001 %, mais dans un idéal du pardon et de l’amour de ses ennemis, que peut faire selon vous une victime ou un proche de victime face à ce qu’il y a de pire, et comment pardonner ? Je vous remercie.

    1. Marc Pernot dit :

      Bonjour
      Il n’est pas question de demander à une victime ou un proche de victimes d’avoir la moindre sympathie pour la personne qui leur a fait un tort immense.
      Ensuite, il y a des actes impardonnables, mais la personne qui les a commis n’est pas entièrement définie par ses actes monstrueux. Je pense que c’est ce que Jésus veut dire quand, du haut de la Croix, il dit des personnes qui sont en train de le crucifier « Père part en leur car ils ne savent pas ce qu’ils font. »
      Ensuite, comment pardonner (la personne) ? Cela ne peut venir qu’après un cheminement, un processus de cicatrisation. Il y en a toujours quelque chose de l’ordre du miracle. Il ne suffit pas de se dire, je veux pardonner, c’est-à-dire, je veux être en paix par rapport à un acte qui appartient au passé et qui m’a fait du mal, pour arriver à pardonner. Parfois, il suffit, je pense, d’oublier en grande partie, et c’est déjà une grâce. C’est ainsi qu’en parle dans la Bible, de « la bénédiction de Manassé et d’Éphraïm. », Manassé c’est l’oubli, et Éphraïm c’est la fécondité et même la double fécondité (celle de notre corps et celle de notre esprit). C’est à recevoir comme une bénédiction, c’est-à-dire comme une force spéciale, venant de Dieu, un soin, un supplément de création ; et arrivé à oublier, c’est-à-dire laisser dans le passé, sans y penser d’une façon régulière, c’est une bénédiction très libérante. Et la fécondité, elle aussi est une bénédiction au sens où, chaque fois que nous pouvons faire un petit peu de bien, cela nous élève nous-mêmes et nous rend plus fort face à ce qui est en bas dans notre histoire.

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