Comment peut-on dire que l’on juge l’arbre à ses fruits ? C’est horrible et culpabilisant, plombant encore davantage celles et ceux qui souffrent
Question posée :
Cher pasteur,
Comment peut-on dire que l’on juge l’arbre à ses fruits ? C’est horrible et culpabilisant, plombant encore davantage celles et ceux qui son dans la souffrance, à l’exemple de Job !
Cela donne aussi bonne conscience à toutes celles et ceux qui se croient « au-dessus » ….
Je souffre beaucoup de multiples malheurs et je suis en colère contre les prêcheurs qui interprètent au premier degré sans avoir traversé des tempêtes et naufrages…
Que Dieu vous garde et vous guide.
Merci pour ce que vous êtes.
Réponse d’un pasteur :
Cher Monsieur
Quand Jésus dit que l’on reconnaît l’arbre à ses fruits (Matthieu 7:15-20) ce n’est certainement pas pour culpabiliser, ni pour dévaloriser ceux qui ne peuvent pas faire grand chose. Ce n’est pas possible, car Jésus n’a jamais été comme ça dans la vie.
Jésus ne méprise certainement pas les personnes non performantes
Quels « fruits » portent le paralytique ou l’aveugle sur le bord du chemin ? Ils ne peuvent produire de grandes œuvres par manque de possibilités, surtout à l’époque. Ils n’ont rien à offrir aux pauvres, ils ne peuvent pas rendre service, ni bâtir un orphelinat… Et pourtant ces personnes ont une grande valeur aux yeux de Jésus. Quand aux personnes de « mauvaise vie » : les prostitués, les voleurs, ceux qui n’ont pas la bonne religion, Jésus ne les méprise pas une seconde non plus. Ni ne les culpabilise. Il ne s’attarde d’ailleurs pas vraiment sur le mal qu’ils ont fait, manifestement, pour Jésus, c’est déjà pardonné.
Pourtant, il y a effectivement un problème. Seulement Jésus va travailler précisément à mettre la personne debout, en forme, plus libre, encouragée.
C’est précisément l’inverse d’une culpabilisation, c’est l’inverse d’un mépris. C’est un soin du cœur même de la personne, un soin de l’arbre, si on veut, c’est même un soin de ses racines en les irrigant, comme le suggère le
Psaume 1er :
« Heureux l’humain… qui se plaît à la visée de l’Eternel …il est comme un arbre planté près des courants des eaux : il donne son fruit en son temps. »
Je ne pense pas que Jésus considère qu’une personne serait par nature un mauvais arbre. Comme dans ce Psaume, l’ardre est bon, seulement, il peut connaître un problème d’irrigation de ses racines. C’est à quoi Jésus s’attèle manifestement, par les soins, par l’annonce de l’amour de Dieu, par la libération vis à vis de bien des lois et dogmes, rites et préjugés imposés par les humains, coupant les humains de Dieu. Bien irrigué en profondeur, sous la surface visible, chaque personne pourra produire ses propres fruits à son propre rythme et saison.
Comment lire alors cette phrase de Jésus « vous reconnaîtrez les arbres à leurs fruits » ?
Se méfier des hypocrites
Quand Jésus dit cela, c’est pour parler de pseudos prophètes afin de nous aider à reconnaître les bonimenteurs. En particulier dans le domaine religieux. Vous en savez quelque chose ! C’est ce que l’on voit dans ses paroles assez rudes contre les chefs religieux intégristes de l’époque (et de toutes les époques). Bien entendu, je l’entends pour moi aussi. Voir par exemple le chapitre 23 du même évangile selon Mathieu où Jésus a un langage particulièrement fleuri (avec des injures dignes du capitaine Haddock). C’est très libérant. Quantité de prédicateurs prêchent l’amour de Dieu manifesté en Christ, sa grâce infinie… et ensuite expliquent ensuite que Dieu fera griller dans des tortures épouvantables pour l’éternité ses enfants s’ils n’ont pas été assez performants. Et à ce titre : ils brisent les couples qui ne leur plaisent pas, culpabilisent les personnes qui ont une vie compliquée, accablent ceux qui divorcent ou ont un enfant hors mariage, ceux qui ne donnent pas assez ou ne pratiquent pas assez, font se sentir mal les personnes homosexuelles…
Ce conseil de Jésus n’est donc pas inutile en ce cas. Mais aussi dans le couple, par exemple : il arrive que l’autre ait tout le temps à la bouche des « je t’aime » et que ses actes nous fassent nous sentir mal sans arrêt. Cela peut nous poser des questions…
Savoir comment progresser soi-même
Cette parole de Jésus est aussi pour nous une aide pour avancer. Précisément sans nous culpabiliser de ne pas arriver à mettre bon ordre dans nos actes, notre comportement, notre caractère. Comment faire ? Jésus nous annonce le pardon sur nos fruits et nous oriente vers notre profondeur : c’est là que nous pourrons travailler pour avancer, pas à pas. A commencer par irriguer nos racines profondes. Dans la réflexion et dans la prière, demandant à Dieu de nous arroser en profondeur. En même temps, notre croissance sera comme celle d’un arbre : un bon arbre ne pousse pas vite, c’est normal.
Sinon, sans cesse Jésus nous dit l’amour de Dieu pour chacun de nous, même de celui qui serait ennemi de Dieu, et donc Jésus, sans cesse, dit et répète, montre par ses propres fruits, que nous sommes un bon arbre, avec une bonne nature : notre personnalité, notre « nous-même » est et sera toujours une merveille aux yeux de Dieu. Et si nous étions performants, avec de magnifiques fruits ? Est-ce que du coup Dieu se désintéresserait de nous ? Cela aussi ne correspond pas avec ce que nous voyons Jésus vivre. Il est ami de Marthe qui est manifestement fort riche et fort généreuse, il est ami et visite Zachée qui depuis longtemps déjà est riche, honnête et généreux.
Mil mercis pour vos encouragements !
Dieu vous bénit et vous accompagne.
par : pasteur Marc Pernot
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Bah… c’est d’une logique implacable et d’un naturel désarmant. On reconnaît l’arbre à ses fruits, c’est évident. Après, ce que les hommes, qui sont pécheurs et tordus, en font, c’est une autre histoire. Les fruits de l’arbre sont sans rapport aucun avec la morale. Et par fruits, il ne faut certes pas entendre les malheurs qui nous frappent, mais ce que l’on produit, nous, face ou en réponse aux malheurs qui nous frappent. Ces fruits sont aussi sans aucun rapport avec de quelconques performances car c’est dans la faiblesse que nous trouvons notre force et dans la mort à soi-meme que nous trouvons la vie. Seulement, il y a les fruits de l’Esprit, puis les fruits de la chair et du péché : il est salutaire pour nous de savoir les distinguer chez nous.
Juger l’arbre à ses fruits (et non pas à la façon dont on s’occupe de l’arbre pour obtenir ces fruits), cela peut avoir un côté très libérateur : pas de norme identique pour tout le monde, pas de « il faut », pouvoir faire ses propres choix selon ce qui nous correspond. Ce qui est bon pour quelqu’un ne l’est pas forcément pour un autre. On peut alors être son propre juge, il suffit d’examiner de temps en temps s’il y a quelques fruits. Par exemple au niveau spirituel, examiner si telle religion, tel courant de pensée, telle pratique, tel rythme, tel lieu nous font un tant soit peu avancer vers ce que l’on a choisi d’être et, lorsque ce n’est pas le cas, procéder parfois à des ajustements, parfois à des changements plus profonds.