
J’aime beaucoup aider les autres. Je le fais de façon désintéressée mais je n’ai souvent aucun retour.
Question posée :
Bonjour Pasteur,
J’aime beaucoup aider les autres et prendre soin d’eux. Je le fais de façon désintéressée mais, m’apercevant souvent que je n’ai pas de retour, les personnes se souciant peu de moi, en mon fort intérieur, il m’arrive de me dire : « Je devrais moins les voir et m’occuper d’eux. » Et j’ai honte car ça ne me paraît pas charitable. L’amour chrétien étant inconditionnel. Alors je me demande quand on s’occupe de vous mais qu’il n’y a aucune réciprocité, que les gens s’occupent peu de vous et de ce que vous ressentez, de prendre de vos nouvelles, de savoir comment vous allez… est-ce que c’est mal de penser ça ? Même si on le fait sans attendre de retour… merci pour votre aide.
Réponse d’un pasteur :
Bonsoir
Vous avez tout à fait raison. C’est assez décevant. Et tout à fait surprenant.
Aider sans retour : une expérience fréquente et douloureuse
C’est aussi une expérience que j’ai faite, qui a été même une expérience assez existentielle pour moi. À cette époque-là, j’avais tout juste la trentaine, j’animais un groupe de jeunes de la paroisse et pour cela, j’avais acheté sur mes sous un minibus, neuf places. Il m’était arrivé d’aller au travail avec quand j’en avais besoin pour le groupe de jeunes à la sortie du travail. C’était un véhicule assez visible dans le parking de l’entreprise avec de grandes plaques jaunes « transport d’enfants ». C’est ainsi que cela s’est su que j’avais un grand véhicule et des collègues que je ne connaissais pas, ou très peu, se sont mis les uns après les autres à me demander de les aider à déménager. Pour cela je devais démonter les sièges et les descendre à la cave, traverser Paris avec le minibus, puis partir après le travail ou le week-end faire un déménagement, descendre les escaliers et les remonter avec des machines à laver, des cartons, des cuisinières pleines de gras, etc. J’ai remarqué assez rapidement que, neuf fois sur 10, non seulement les gens ne manifestaient guère de reconnaissance, ne payaient pas l’essence, parfois même pas le péage, et n’invitaient ensuite même pas à la pendaison de crémaillère. S’il m’arrivait de croiser ces collègues dans les couloirs ou à la cantine, c’était plutôt des regards baissés, gênés. Au début je me suis demandé : qu’est-ce que je leur ai fait ? A y bien réfléchir, non, j’avais juste rendu service, je n’avais pas du tout eu de parole ou d’attitude désagréable.
Comprendre la réaction de ceux qui reçoivent de l’aide
Apparemment cette attitude d’une personne aidée est assez naturelle : parce qu’une personne qui a eu besoin d’être aidée a pu se sentir atteinte dans sa dignité, a souvent du mal à prendre cela avec simplicité et gratitude. Elle se sent finalement en dette vis-à-vis d’une personne qui les a aidés, sans trop savoir comment « rendre ». Même si, comme vous dites, notre service était sincèrement désintéressé.
Le message du « Notre Père » : sortir de la logique de la dette
C’est pour ça que je trouve fort intéressante cette demande du « Notre Père » de Jésus qui est souvent traduite « pardonne-nous comme nous pardonnons ». En réalité, cela signifie « libère-nous, s’il te plait, de la logique de la dette dans nos relations » entre nous, dans nos relations avec Dieu. Remplacer cette logique de la dette et du donnant-donnant par celle de la grâce et de la gratitude. C’est comme ça que Dieu fonctionne parce que c’est ça qui fait vivre.
Jésus et le don inconditionnel
Je me demande même si Jésus n’est pas mort de ça en fait. Ayant tant donné, tant apporté aux foules comme aide, comme libération, comme amour, comme confiance en Dieu… que subitement trop de personnes se sont retournées contre Jésus.
Se protéger pour mieux aimer
Alors est-ce qu’il faut en arriver à moins m’occuper des autres ? Sans doute pas radicalement, non. Mais peut-être quand même un peu, parce que si nous nous sentons usés, fatigués par trop d’attitudes décevantes : ce serait dommage de nous laisser contaminer, il faut pouvoir reprendre souffle. Même Jésus faisait cela de temps en temps, il renvoie la foule avide de coups de main et d’enseignements de Jésus, il chasse même ses disciples les plus proches, et il prend le large, il va se reposer, prier, Dieu, reprendre souffle.
L’importance de l’amour de soi dans l’amour chrétien
Est-ce que ce serait du manque de charité ? Je ne pense pas, c’est travailler sur la qualité de notre amour, sur son authenticité. De toute façon, pour aimer un peu notre prochain, Jésus fait remarquer qu’il faut aussi nous aimer nous-mêmes, peut-être d’abord. Pour qu’ensuite cet amour et cette vie qui nous anime puissent déborder sur les autres. C’est ce que dit aussi la sagesse paysanne : qui veut aller loin ménage sa monture.
Nous ne sommes pas à l’usine dans ce domaine. Ce qui nous est proposé, c’est de faire ce que nous pouvons. Il est donc utile de mesurer notre « ce que nous pouvons » afin de chercher ce que nous pourrions faire mais aussi de ne pas nous épuiser afin de ne pas devenir tristes.
Une vie intense mais non épuisante
Bravo pour votre bon cœur, c’est lui qui vous fait voir le besoin. des autres, vous sentir concernée, vouloir aider. Et c’est le même bon cœur qui vous fait être triste du manque de gratitude alors que ce bon cœur espérait bien entendu une belle relation. C’est vrai qu’avoir bon cœur ne garantit pas une vie facile, au contraire. Il promet une vie vivante, une vie intense et belle, mais pas reposante. C’est pourquoi il est bon de connaître ses propre forces et de ne pas s’user à la tâche. Je ne dirais donc pas que vous manquez de charité, au contraire, mais vous devez apprendre à mesure vos forces, et entendre votre sagesse vous dire : il est temps de te reposer, de penser à toi.
Dieu vous bénit et vous accompagne.
par : pasteur Marc Pernot
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Le donnant-donnant peut aussi avoir du bon : je pense au fonctionnement des SEL (Système d’Echange Local – je peux demander un service à un seliste, je pourrai en donner à la même personne ou à une autre ; et cela peut être très souple, comme le SEL auquel j’adhère, sans comptabilisation pointilleuse de qui fait quoi, c’est juste un état d’esprit, et petit à petit, l’occasion de tisser des liens, à travers les échanges, les réunions mensuelles, les ateliers proposés…
Bien cordialement,
Jean-Marie