l'intérieur d'un bus urbain, vu au niveau des pieds des personnes assises - https://unsplash.com/fr/photos/personnes-assises-a-linterieur-de-lautobus-Dpv4yCZKFG8Unsplash
Question

En fin de journée de mon dur travail, j’ai l’impression d’avoir vraiment perdu ma vie.

Par : pasteur Marc Pernot

l'intérieur d'un bus urbain, vu au niveau des pieds des personnes assises - Photo by Matthew Henry on Unsplash

Question posée :

Bonjour Marc.

Depuis un an, j’occupe un poste de conducteur de bus urbain.( J’étais avant dans l’industrie, mais la fermeture de l’entreprise a stoppé toute activité).

Je conduis environ 8h par jour en ville, sur des lignes d’environ 50 minutes-1heure, avec maximum 8-10 minutes entre chaque ligne.
Avec une clientèle vraiment variée, il y a quand même un grand manque de considération de la clientèle, chacun étant, dans la grand majorité, fixé sur son  » but », écouteurs aux oreilles, les bus étant qu’un moyen logistique dont je fais partie.
Je me sens hors du temps, réduit à un rôle mécanique.
J’essaye de prier, de méditer sur la vie, d’observer les gens, leurs peines et leurs joie, de voir la vie…
Mais au bout d’une certaine durée, la fatigue physique, le stress, certaines incivilités, tout ça m’épuise le corps et l’esprit et j’ai l’impression en fin de journée d’avoir vraiment perdu ma vie dans ce laps de temps.
Je n’ai jamais aimé cette idée de  » sacrifier » ma vie pour manger, pour gagner de l’argent, j’aime la cohérence globale de l’existence, j’aime ne pas devoir couper mon existence en parcelles  » travail », « famille », etc …
Je manque clairement de sens. Et pourtant il me faut travailler pour assumer le besoin d’un toit, de nourriture.
Avez-vous quelques conseils pour supporter cette situation et /ou l’améliorer ?

Je vous remercie.

Réponse d’un pasteur :

Cher Monsieur,

Bon courage à vous. Cela n’a pas l’air d’être facile.

Personnellement, cela me semble plus être une petite dépression, ce qui est un mal courant en ces époques difficiles. Parce qu’objectivement, ce travail de conducteur de bus est une travail utile pour des milliers de personnes, cela participe à l’ensemble de la société, rendant possible des milliers de rencontres dans les vies des personnes, comme vous le dites. L’amoureux qui va vers son amoureuse, la mère de famille vers son travail qui lui permet de nourrir ses enfants, la grand-mère vers ses copines ou vers les petits enfants à garder. Donc objectivement ce travail est utile à la communauté humaine. Je ne pense pas que ce temps soit une perte. Il est certes un effort, car il demande une grande concentration sur mil choses en même temps. Il y a là certainement un stress. Et c’est vrai que chacun est dans sa bulle. Mais même assurer un transport utile à ces personnes en le faisant si bien que les personnes peuvent être dans leur bulle est un signe de votre bon travail, et en soi un excellent service offert à ces personnes. Pour moi, le temps dans les transports publics a toujours été un temps de bénédiction, de tranquillité, un temps « pour moi ». C’est d’ailleurs dans le métro pour aller à mon travail que j’ai appris le grec biblique en vue de ma reconversion comme pasteur.

Il me semble donc qu’objectivement, votre travail est très trèèèès loin d’un travail qui n’aurait pas de sens. Vous pouvez tout à fait en être fier. Et fier aussi d’avoir su rebondir face aux difficultés.

C’est assez normal d’avoir plusieurs facettes à son existence, et c’est même une chance, une richesse, entre travail, amis, loisirs, famille. Vous êtes, vous en tant que personne, la cohérence entre ces différentes dimensions, vous avec votre personnalité.

C’est donc à mon avis surtout le stress, la fatigue, les confinements, peut-être qui font que cette période et ce travail sont durs en ce moment pour vous. Et aussi les difficultés en famille, car souvent tout est lié, le stress d’un côté engendrant le stress de l’autre, et du soutien nul part !

Il me semble qu’il ne manque pas grand chose, pour que l’ensemble de votre vie, travail compris, puisse être pour vous un temps de bénédiction pour vous, et pour les personnes autour de vous.
Comment faire pour que vous puissiez vous reposer un peu, prendre du recul par rapport à ces différentes dimensions de votre vie, voir la beauté de chacune, rassembler les morceaux éparpillés, et voir la beauté de l’ensemble ? De votre élan de vie en chaque chose que vous faites. Ce que vous me dites de l’effort que vous faites : « J’essaye de prier, de méditer sur la vie, d’observer les gens, leurs peines et leurs joie, de voir la vie ». Je ne pourrais mieux dire, franchement. C’est tout à fait excellent, touchant et inspirant.

Parfois il ne faut pas grand chose, comme un déclic, pour que tout d’un coup on puisse voir les choses sous un autre angle, et que le paysage change radicalement. Comme dans ces dessins où nous pouvons voir soit un canard soit un lapin, ou ce dessin où l’on peut voir soit une jeune fille tranquille soit une sorcière ricanante. Pour passer ainsi de la noire vision, du sentiment d’éparpillement au sentiment d’une vie bellement vécue. Mais pour cela, il faut être suffisamment en paix et en forme un moment. Peut-être vite poser un congé, confier les enfants, et partir en voyage de noces une semaine à Venise ou à Ouessant avec votre femme ? Ou vous mettre à faire du sport un petit peu chaque jour comme temps de décompression ? Peut-être autre chose ? Tout dépend de ce qui vous fait du bien à vous.

En pensée avec vous

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : Marc Pernot, pasteur à Genève

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